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« Le modèle publicitaire classique atteint ses limites », M. Benzeno, Webedia (interview)

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Dans un contexte où l’attraction des investissements publicitaires et le développement de leur base d’abonnés restent des missions difficiles pour les éditeurs en ligne, quelles stratégies peuvent être payantes ? Michèle Benzeno, directrice générale du groupe Webedia en charge des revenus, livre à ad-exchange des éléments de réponse.

Les chiffres des investissements publicitaires sur le digital en France sont assez décourageants, l’écrasante majorité partant vers le duopole. Vous semblez vous porter plutôt très bien. Quel est d’après vous le secret ?

Michèle Benzeno, Webedia.
Michèle Benzeno, Webedia. ©Denis Gignebourg/Bestimage

M. B. Le groupe Webedia a choisi depuis 2013 de verticaliser son activité d’édition digitale autour des grandes industries du divertissement et du loisir : cinéma, gaming, cuisine, mode-beauté et voyage. Nous rassemblons aujourd’hui des marques leaders sur ces thématiques, à la force de prescription unique dans leurs secteurs et auprès des communautés captives. Notre forte connaissance de ces communautés nous a permis de construire des actifs data très robustes et déterministes associés à une capacité de production de contenus incarnée par nos talents, c’est le modèle auquel nous croyons car il est complémentaire et non substituable aux GAFA. Là où le duopole a une approche publicitaire massive et industrielle, nous sommes en mesure d’apporter des réponses sur mesure aux problématiques de nos clients, avec une forte expertise historique sur la production de contenu, complétée par la représentation des plus puissants influenceurs de France (label Talent Web, plus de 150 millions d’abonnés cumulés sur YouTube), ainsi que par des solutions technologiques propriétaires (Sampling, SEO, Social, Analytics et UX…). Enfin nous constatons qu’avec l’évolution de la réglementation européenne autour des données personnelles et la montée en puissance des adblocks, les contextes affinitaires et la communication par le contenu sont extrêmement valorisés par les annonceurs. Ces composantes font partie intégrante de l’ADN de Webedia. Le contexte reste aujourd’hui notre meilleure data !

Quelles sont les verticales les plus porteuses pour votre activité ?
M. B. Nos verticales ont des revenus équilibrés, mais sur des modèles assez différents de l’une à l’autre. Le cinéma a une composante contenu, publicité et data très forte, avec une nouvelle dimension d’organisation événementielle à destination des distributeurs. Le jeu vidéo se développe aussi autour du contenu associé à une forte dominante autour de l’influence, nos talents étant nativement liés à l’univers du gaming. Nous avons déployé une offre eSport de premier plan où Webedia est un leader européen, intégrant nos médias, nos capacités d’organisateur de compétitions, l’équipe PSG eSport et les talents les plus influents de la scène eSport. La cuisine et la mode-beauté profitent, au-delà des revenus liés à nos médias, d’un modèle eCommerce en croissance (panier recettes Illico Fresco et box beauté Prescription Lab). Enfin le voyage est porté par un modèle de médiation vers les e-marchands et de valorisation de la data. Toutes nos verticales bénéficient de nos savoir-faire transverses, comme la gestion de talents influenceurs, la production audiovisuelle, ou encore l’intelligence data. Ces expertises contribuent à la croissance des revenus dans l’ensemble de nos thématiques.

Quelle est la part de la publicité dans vos revenus ? Et quel est le poids du programmatique dans votre monétisation ?
M. B. Notre approche publicitaire a su très tôt se diversifier, d’une approche classique display/vidéo vers la production de contenus natifs, l’expertise sociale, data, et maintenant l’influence marketing et la production audiovisuelle et événementielle. La régie publicitaire de Webedia n’est, depuis déjà plus de deux ans, plus une régie traditionnelle, puisque nos équipes sont amenées à orchestrer des activations multi-leviers et accompagnent la diversification des revenus de Webedia. En France ces nouvelles lignes de revenus représentent plus de 50 % du chiffre d’affaires du groupe. Les revenus automatisés représentent près de 50 % des revenus publicitaires classiques, Webedia ayant été l’un des premiers publishers à favoriser l’accès à l’ensemble de nos inventaires premium, quels que soient les devices, les formats et les différents modes d’achats.

Les revenus automatisés représentent près de 50 % des revenus publicitaires classiques.

Êtes-vous satisfaite du programmatique ?
M. B. Extrêmement satisfaite, nous avons choisi les meilleures technologies du marché pour proposer des offres à valeur ajoutée dans l’univers programmatique, nous sommes convaincus que la croissance du programmatique va fortement contribuer à la « prémiumisation » du digital. Grâce à l’intégration du header bidding sur l’ensemble de nos sites, nous avons par exemple lancé une nouvelle offre de synchronisation de l’ensemble des formats publicitaires d’une même page, afin d’optimiser le temps de visibilité d’une campagne par utilisateur, et assurer une montée en couverture utile plus rapide. Par ailleurs, sur la partie mobile, nous proposons dès cette rentrée un accès en programmatique garanti à notre environnement applicatif, qui vient compléter l’open auction et les deals déjà disponibles. Avec ces innovations et la structuration du marché, nous observons une progression de 40 % des revenus programmatiques en France sur le premier semestre 2018.

D’après vous, comment émerger dans le numérique, un univers si sévèrement préempté par l’environnement plus ou moins pasteurisant des plateformes ?
M. B. Nous n’avons pas choisi de rentrer en compétition avec les GAFA sur des activités qu’ils maîtrisent. Nous avons décidé de nous différencier par le prisme de l’affinité et des passions sur certaines thématiques, tout en inscrivant nos activités dans l’univers façonné par ces plateformes, et en en maîtrisant les codes pour nos médias et nos clients. Nous créons des dispositifs sur mesure et complexes via l’intégration de tous nos métiers quand les plateformes vont déployer des produits plus standards. Notre complémentarité face aux plateformes nous permet de créer une multitude de collaborations avec les GAFA. Nous opérons désormais un virage vers la production de marques et contenus de divertissement à plus large échelle, en orientant nos projets de développement sur nos auteurs, nos talents, et nos communautés, nous produisons nos propres jeux vidéo, des films et mini-séries, des produits dérivés. Nous considérons que les plateformes (réseaux sociaux, plateformes vidéo, marketplaces…) ont plus que jamais besoin de contenus pour générer de l’audience, du temps passé, de l’engagement. Remonter sur la chaîne de valeur nous permet déjà de développer de nouvelles formes de coopération avec ces acteurs.

Est-ce que pour tirer leur épingle du jeu, les éditeurs – y compris les grands médias premium – sont obligés d’intégrer un volet utile ou commerçant à leurs contenus (comparateur de prix, plateforme d’achat, etc.) ?
M. B. Tous les éditeurs n’ont pas les mêmes rôles vis-à-vis de leur public et de leur communauté. Les médias du groupe Webedia ont, par leur caractère leader et référent sur les industries du cinéma et du jeu vidéo par exemple, un rôle prescripteur et serviciel très fort, qui nous permet de proposer des fonctionnalités aux revenus complémentaires à la publicité classique (billetterie en ligne, affiliation e-commerce, etc.). D’autres groupes à l’ADN historique de média payant ont recours à la mise en place de paywalls. Dans tous les cas, le modèle publicitaire classique atteint ses limites, et il est aujourd’hui inévitable de travailler à la diversification des revenus, qu’ils soient digitaux ou liés à une exploitation des marques médias sous toutes les formes d’expression y compris dans des produits culturels, de merchandising, de l’événementiel… autant de déclinaisons qui permettent de faire vivre nos marques, leurs valeurs et leur univers, indépendamment des algorithmes des plateformes.

Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre.

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