Comment un acteur français de la publicité sur les réseaux sociaux analyse-t-il la concentration des budgets publicitaires qui s’opère aujourd’hui autour des plateformes américaines telles que Facebook ? Au-delà du fait que le succès de Facebook assure sa prospérité, quel est son avis sur ce sujet, d’une manière plus globale et si possible détachée ? Nous avons choisi de poser ces questions à Pierre-Lou Dominjon, co-fondateur et directeur général de MakeMeReach, plateforme de gestion de publicités sur les réseaux sociaux travaillant avec les plus importants groupes d’agences médias mondiaux et des marques telles que Redbull, Disney, l’Occitane et Puressentiel pour ne citer que quatre des 5 000 annonceurs qui s’en servent…
Votre prospérité vient du marché des publicités sur les réseaux sociaux. Comment analysez-vous la concentration des budgets publicitaires qui s’opère aujourd’hui autour des plateformes américaines telles que Facebook ?
Avec notre outil, nous gérons en effet près de 500 millions d’investissements publicitaires par an, notre croissance est de l’ordre de 50 % tous les ans et ce depuis 2013. Et si nous avons un tel succès c’est aussi grâce au succès de Facebook. Lorsque nous avons lancé cet outil, en 2012, on nous disait que Facebook c’était pour les enfants et que cela ne marcherait pas. Mais les marques ont fini par comprendre la puissance de ce réseau social : c’est un média à part entière qui a des capacités de ciblage introuvables ailleurs, leur connaissance de leurs utilisateurs est très fine, y compris de leur navigation sur le web, qu’ils peuvent suivre sur tous les sites disposant d’un bouton « like ». Ils disposent de plus d’une connaissance cross-device du consommateur, ce qui est très rare sur le marché : comme il s’agit d’un environnement logué, ils peuvent reconnaître une même personne lorsqu’elle est sur son mobile ou sur desktop. Cela ouvre des perspectives énormes pour l’activation de campagnes. Même Google n’arrive pas à croiser aussi finement le comportement des utilisateurs entre les différents devices. Pour toutes ces raisons, Facebook affiche une croissance régulière en captant les budgets qui avant pouvaient aller vers d’autres sites ou même chez Criteo. Et même les budgets qui partaient vers des ad networks sont désormais captés par Facebook qui propose aussi son propre réseau de sites et d’applications tiers qui bénéficient de ses capacités de ciblage. Les éditeurs travaillant avec Facebook ont ainsi de bien meilleurs revenus.
Ce n’est pas ce qu’ils disent : les éditeurs premium déclarent ne rien gagner avec Facebook.
Vous faites allusion aux éditeurs qui publient sur leur page chez Facebook pour capter la publicité. Mais si on se place dans la peau d’un éditeur qui rejoint l’ad network de Facebook – le Facebook audience network (FAN) – il aura des formats publicitaires proposés par Facebook sur leurs pages qu’il pourra monétiser avec les capacités de ciblage du réseau social et cela marche très bien !
Même Google n’arrive pas à croiser aussi finement le comportement des utilisateurs entre les différents devices.
D’après vous si je suis un éditeur premium j’ai tout intérêt à rejoindre le FAN ?
Je ne me réfère pas nécessairement aux grands éditeurs premium, qui ont des spécificités et pour qui il peut y exister certainement encore de scenarios ou d’autres réseaux plus intéressants. Mais si j’étais un petit ou moyen éditeur sans disposer d’une forte connaissance sur la monétisation en ligne, j’aurais sans doute de bien meilleures performances au sein du FAN.
Mais avez-vous un regard critique sur l’état des investissements publicitaires en France ? En d’autres mots, comment financer les médias en ligne en dehors de Facebook ?
C’est compliqué, c’est comme la bataille entre Viadeo et LinkedIn : une fois que l’un atteint une taille critique, il est difficile pour l’autre de le combattre. Même pour Twitter et pour Snapchat c’est compliqué. La taille de l’audience de Facebook est inégalée, et avec Instagram et Whatsapp ils ont encore de nombreuses cartes à jouer.
Envisagez-vous de travailler d’une manière ou d’une autre en dehors des réseaux sociaux avec les sites d’éditeurs en ligne dans une logique d’extension d’audience par exemple ?
Oui, nous réfléchissons à permettre à l’avenir à notre technologie de faire le même type d’achat en dehors des réseaux sociaux, sur d’autres plateformes programmatiques.
Nous réfléchissons à permettre à l’avenir à notre technologie de faire le même type d’achat en dehors des réseaux sociaux, sur d’autres plateformes programmatiques.
Que proposez-vous précisément ?
Nous sommes avant tout une technologie, proposée aux agences et aux marques en libre-service ou avec notre accompagnement (managed services). Notre solution permet à nos clients de créer, d’activer, d’optimiser et d’analyser leurs campagnes sur les principaux réseaux sociaux. Nous sommes partenaires officiels de Facebook, Instagram, Twitter et Snapchat. Nous couvrons tous les formats et tous les objectifs avec un focus fort sur le retail et l’e-commerce.
Puisque vous couvrez tous les réseaux sociaux, je suppose que vous simplifiez la vie des acheteurs avec l’entrée unique d’une seule solution d’activation pour tous ces environnements ?
Oui, notre plateforme, qui fonctionne sur licence, permet à nos clients de s’en servir en interne avec leurs équipes et de gagner énormément en temps et en performance. Au lieu de gérer les campagnes sur chaque réseau, avec notre outil ils pilotent leurs campagnes sur l’ensemble des plateformes et obtiennent un reporting consolidé pour tous ces environnements. C’est un gain de temps de l’ordre de 70 %. Notre outil leur permet également de mieux comprendre ce qui se passe dans leurs campagnes pour mieux les optimiser.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre