Cela fait quelques mois que la plateforme Ermes a été lancée, notamment à la suite de l’acquisition de l’adtech française Temelio. Mais que propose au juste Ermes ? Et avec quelles perspectives face aux géants nord-américains et les concurrents français et mondiaux de ce secteur si bouillonnant du data marketing ? Xavier Delanglade et Adrien Vincent, directeurs généraux d’Ermes, répondent à nos questions.
Que propose Ermes ?
X.D. : Nous proposons aux annonceurs une plateforme de marketing ciblé de masse simple à utiliser. Nous avons beaucoup investi dans nos propres outils et continuons de négocier des acquisitions. Temelio nous procure une base de données de très bonne qualité ainsi que le métier d’onboarding à la fois pour nos propres besoins et pour ceux de nos clients. Le marché de l’adtech s’est considérablement complexifié et fragmenté ces dernières années. Les annonceurs ne disposent ni de temps ni de capacité opérationnelle pour actionner ces si nombreuses solutions. Il faut revenir à une offre couvrant tous les besoins et simple à pratiquer.
Projetez-vous de réaliser d’autres acquisitions cette année ?
X.D. : Nous sommes en discussions avancées avec quatre sociétés : une agence média traditionnelle, un trading desk, une société spécialisée dans le marketing direct et une adtech. Notre objectif est de gagner des parts de marché et de recruter des équipes afin de développer nos bases de données et d’optimiser nos outils. Nous souhaitons consolider le marché qui sert traditionnellement les annonceurs en le rendant plus efficace et pertinent, en y injectant un marketing de précision de masse.
Que proposez-vous précisément : le matching, l’enrichissement de données, des insights, l’activation ?
A.V. : Le spectre de nos métiers est très large. Il va du CRM onboarding à la mesure des performances, en passant par les insights, le ciblage et l’activation online et offline. Le CRM onboarding, métier historique de Temelio, est la capacité à digitaliser des profils et à enrichir des bases de données en agissant en tant que tiers de confiance. Ensuite, avec notre méga base de 29 millions de profils opt-in, nous sommes en mesure de proposer des segments d’audience sur de nombreux critères, activables sur les réseaux sociaux, en programmatique, en e-mail, SMS, télé, affichage, etc. Enfin, pour la mesure des performances, nous pouvons aller jusqu’à modéliser l’impact des investissements média sur les ventes.
En couvrant toute la chaîne, vous ne risquez pas d’être juge et partie ?
A.V. : La vision d’Ermes est qu’en adoptant la simplicité et la transversalité on gagne en précision et en efficacité. Nous apportons de la valeur aux annonceurs en étant totalement intégrés. Cela ne nous empêche pas de rester tout à fait ouverts aux outils tiers de contrôle et de vérification.
Les exemples de groupes cherchant comme vous à couvrir toute la chaîne de valeur sont de plus en plus nombreux…
X.D. : C’est très rassurant de voir que d’autres acteurs cherchent à adopter une approche de plateforme et d’offre transversale. S’il n’y a pas de concurrence, il n’y a pas de marché. Ermes émergera grâce à la qualité de la donnée qui nourrit sa plateforme et à sa simplicité d’utilisation.
A.V. : Dans cette dynamique globale, trois actifs tangibles dont nous sommes propriétaires nous différencient : notre plateforme, notre data et nos algorithmes.
En quoi consiste précisément cette base de 29 millions de profils de Temelio ?
X.D. : Temelio a acheté des bases des cookies et a également passé des accords avec les grands acteurs du marché de la data, des éditeurs et des retailers qui lui fournissaient des données d’identification servant à l’onboarding. Nous avons récupéré cette base propriétaire de cookies et ces accords et nous apportons le traitement de ces données, les algorithmes et la taxonomie. Nous disposons en réalité de 45 millions de profils dont 29 millions sont exploités à ce jour. Notre objectif et d’améliorer la qualification des 16 millions restants pour faire progresser notre base. Par ailleurs, les données retirées des opérations d’onboarding ne sont évidemment pas conservées.
A.V. : C’est une base vivante, mise à jour en permanence. On peut observer cette évolution dans la plateforme.
Et comment rendre tout cela « simple d’utilisation » ?
A.V. : Chaque bouton de notre plateforme doit donner lieu à une action, à un bénéfice immédiat. Nous sommes une plateforme « playmobil » avec un moteur de « ferrari » ! Toute notre énergie – 80% de nos équipes sont des ingénieurs – est focalisée dans cette simplification.
Mais quid de l’activation ? Il suffit d’appuyer sur le bouton ?
A.V. : Nous injectons la donnée sur les plateformes. Nous sommes connectés à quasiment toutes les plateformes programmatiques et sociales et travaillons avec de nombreux trading desks du marché.
X.D. : L’activation est la partie qui exigera le plus de travail et d’investissement de notre part désormais. Nous disposons aujourd’hui d’une MVP solide et totalement opérationnelle qui va continuer de se développer fortement.
Temelio n’a pas réussi à percer dans ce marché fortement concurrencé par les GAFA et de gros acteurs américains. Comment comptez-vous y arriver ?
X.D. : Par la qualité de notre offre et la simplicité de son exécution. N’importe qui peut uploader sa base, acheter ses segments et obtenir ses résultats en parfaite autonomie chez nous. Un autre aspect est la vision internationale. Cela a manqué à Temelio et nous manque encore aujourd’hui. C’est pourquoi cela fera partie de notre roadmap dès 2021. Enfin, il nous faut une plus grande agressivité sur les prix.
Vous êtes combien chez Ermes aujourd’hui ?
X.D. : Nous sommes 70 en France, et nous seront entre 100 et 160 à la fin de l’année, en fonction des acquisitions que nous allons réaliser. En 2019, nous avons fait 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 1,2 millions générés par Ermes à proprement parler, de septembre à décembre.
Nous continuons de développer notre roadmap, même si nous sommes prudents.
Le contexte actuel ne change-t-il pas vos intentions ?
X.D. : Il n’y a pas d’impact sur nos projets. Nous continuons de développer notre roadmap, même si nous sommes prudents. Il y a en revanche un impact sur nos opérations, bien que les reports soient beaucoup plus nombreux que les annulations. Il est difficile à ce jour d’évaluer l’impact définitif. Ce qui est sûr, c’est que nous évaluons à la baisse nos objectifs de croissance.
A.V. : En même temps, c’est un moment formidable pour tous de repenser son écosystème de partenaires. Nous sommes énormément sollicités depuis le début de la crise parce que les annonceurs veulent comprendre notre plateforme.
Pouvez-vous citer quelques-uns de vos clients ?
X.D. : Nous travaillons pour beaucoup de marques, un peu comme tout le monde. Il faut désormais que nous devenions leur principal référent. Parmi nos clients, nous pouvons citer Peugeot, la Maif, Belambra, Disney Paris, Direct Energie et des start-up. Généralement nous travaillons en mode managed pour les grands comptes, tandis que les start-up préfèrent accéder à notre plateforme en mode self-service. Les deux sont possibles.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre