L’identifiant des campagnes publicitaires programmatiques « Trust.ID », lancé par EdiPub pour le compte des organismes représentatifs de l’industrie de la publicité en France, a largement dépassé la phase des proof of concept (POC). L’initiative, testée avec sept annonceurs (EDF, La Poste, Nestlé, SNCF, Castorama/Kingfisher, Unilever et Bouygues Télécom), semble bien avoir prouvé sa pertinence. Mais elle dépend désormais d’une large adoption – y compris et notamment à l’international – pour être vraiment utile à l’industrie. À ce stade, l’aval de l’IAB Tech Lab s’avère essentiel. Nous faisons le point avec Evelyne Sosnovsky et Soizic Loison, respectivement déléguée générale d’EdiPub et architecte fonctionnelle en charge de ce projet.
Vous apportez une solution à l’industrie. Êtes-vous en concurrence avec d’autres solutions similaires développées aux États-Unis ?
S. L. : Nous avons examiné cela de très près et je peux vous affirmer qu’il n’existe pas à ce jour de solution concurrente. Plein d’initiatives ont vu le jour pour promouvoir plus de transparence dans cette industrie, mais aucune d’entre elles n’a choisi la voie de l’identification de la campagne.
Pourquoi alors l’adoption de Trust.ID par l’IAB Tech Lab ne se fait-elle pas plus rapidement ?
S. L. : Selon l’IAB Tech Lab, la raison est le timing. Ils venaient de valider une nouvelle version du standard Open RTB. L’adoption du Trust.ID devra attendre une prochaine version de ce standard pour pouvoir se concrétiser.
E. S. : Ils émettent aussi des réserves concernant le référentiel d’identification que nous avons choisi, le protocole GLN de l’organisation GS1, qui est largement reconnu au niveau mondial. Ceci étant, la bonne nouvelle est que le sujet est devenu prioritaire chez eux. Ils ont créé à la toute fin de l’année dernière une task force pour l’analyser.
S. L. : Cette task force nous permettra de lever tous ces petits points de bocage et d’avancer. Le processus est désormais en cours.
Quelle est la position de Google ?
E. S. : Google se montre très ouvert et chaleureux. L’entreprise nous assure de tout son intérêt mais elle ne fera rien sans la validation dans le cadre de l’Open RTB.
Quels efforts l’adoption du Trust.ID exige-t-elle des prestataires, notamment SSP et DSP ? Et quels coûts cela peut représenter ?
S. L. : Cela représente seulement quelques jours/homme de développement pour les SSP, les DSP et les trading desks ayant des surcouches pour gérer plusieurs DSP. Ce n’est donc pas tant une question de coût, mais d’engouement. Pour que cela devienne incontournable, il faut que les annonceurs se mobilisent et que l’IAB Tech Lab s’implique véritablement.
Pour que le TrustID devienne incontournable, il faut que les annonceurs se mobilisent et que l’IAB Tech Lab s’implique véritablement.
Quels retours pouvez-vous nous faire des tests menés tout au long de l’été et jusqu’à fin 2019 ?
E. S. : Les tests se sont avérés très positifs et conformes à nos attentes.
S. L. : Nous avons pu vérifier en effet que la traçabilité fonctionne dans 100 % des cas. À chaque fois, nous avons mis l’identifiant en tout début de chaîne et avons pu le retrouver tout au long du parcours de la campagne, et ce jusqu’à l’éditeur. Cela a été très concluant. Sept groupes d’annonceurs, d’agences, trading desks, DSP et SSP, chacun ayant opéré plusieurs campagnes, ont participé aux tests jusqu’au bout. Au total, 7,5 millions d’impressions ont été échangées dans le cadre de deals ID et en open auction, avec 100 % de réussite pour la traçabilité.
Un autre aspect très important est lié à l’analyse des KPI. L’un des enjeux du Trust.ID est de servir de facilitateur pour la réconciliation des données de campagne pour la production des bilans. Les DSP et SSP ayant pris part aux tests ont développé des outils pour récupérer les indicateurs sur la base du Trust.ID. Là encore les tests ont été tout à fait concluants.
Quelles informations Trust.ID vient-il fournir qui manquent si fortement à l’industrie en programmatique ?
E. S. : L’industrie souffre de l’absence d’un référentiel partagé. Il n’existe en effet pas à ce jour de référentiel partagé dans le digital. Or, c’est exactement ce qui permet de structurer les campagnes tout en donnant de la confiance aux différents acteurs impliqués. Personne ne met en doute un référentiel partagé par tous. Les informations véhiculées par le Trust.ID – nom de l’annonceur, la marque, le produit et éventuellement la référence de l’achat – sont exactement celles utilisées traditionnellement par l’industrie dans toute sorte de campagne offline ou négociée en gré à gré.
S. L. : Cette information est immédiatement disponible, dès la lecture du Trust.ID. Il faut savoir qu’aujourd’hui en programmatique, c’est la croix et la bannière pour retrouver ces informations.
Pour simplifier, peut-on comparer cet identifiant à une étiquette qui suit partout tous les flux de la campagne jusqu’à son affichage ?
S. L. : Exactement. On peut faire l’analogie avec un badge d’accès : partout où l’on passe, on doit badger et on laisse ainsi une trace. C’est le même principe de la traçabilité dans l’alimentaire. Saisi en tout début de chaîne, le Trust.ID reste le même jusqu’à la fin. C’est une clé unique pareille pour tout le monde. Ensuite, chaque maillon de la chaîne peut l’associer localement à toute sorte d’information complémentaire, comme des informations sur la créa, sur le contexte de diffusion, des indicateurs de mesure, etc.
E. S. : La définition du Trust.ID est de fait très simple. Dans ce monde programmatique où tout à l’air si compliqué, on a privilégié la simplicité. C’est bien cette simplicité qui pourra nous amener vers la transparence.
En traçant la chaîne, Trust.ID pourra à terme permettre à l’annonceur de savoir précisément où sa campagne transite. Mais pour cela, il faudrait que tous les SSP et DSP du marché s’en servent…
E. S. : C’est tout l’enjeu. Il existe dans ce secteur beaucoup d’acteurs anglo-saxons. Nos efforts dépassent par conséquent les frontières de la France pour que cet identifiant soit adopté le plus largement possible. Nous savons qu’ils souhaitent faire les développements nécessaires au Trust.ID, mais à condition que son usage soit généralisé. C’est l’écho que nous avons obtenu des plateformes qui ont très activement participé aux tests. Il faut désormais que l’IAB Tech Lab valide nos travaux pour que ce standard soit largement déployé.
Quelles sont les prochaines étapes maintenant ?
S.L. : Continuer de mobiliser l’industrie et surtout nous assurer que les travaux dans le cadre de l’IAB Tech Lab progressent.
E. S. : C’est le point le plus important, car une fois qu’ils l’auront validé, le déploiement de Trust.ID se fera naturellement.
Au final quels seront les principaux bénéfices pour les annonceurs et les éditeurs ?
S.L. L’annonceur pourra s’assurer de la destination de ses campagnes et suivre son exécution. Les agences, trading desks et DSP bénéficieront d’opérations de reporting largement facilitées et simplifiées. Quant aux éditeurs, aux régies et aux SSP, ils pourront attribuer une impression à un annonceur.
E. S. : En s’assurant de la traçabilité de ses investissements, l’annonceur saura à terme également, entre les 100 euros qu’il aura investis et les 20 euros que l’éditeur auras effectivement empochés, où sont passés précisément les autres 80. Par ailleurs, Trust.ID pourra un jour servir à la facturation des campagnes, fonctionnant comme un bon de commande.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre