Rassurons-nous, les bannières publicitaires ne sont pas encore mortes. Pourtant, les changements sont partout : les réseau sociaux, avec à leur tête Facebook et Twitter génèrent des milliards d’euros de revenus publicitaires sans utiliser aucun format reconnu par l’IAB. Finalement, la véritable révolution n’est-elle pas dans la publicité sociale plus que dans les batailles entre les pro et anti cookies ainsi que dans une information plus transparente en direction du consommateur ?
L’industrie de la publicité en ligne fait face à deux tendances technologiques majeures que sont, d’une part, le développement de nouvelles versions de navigateurs comme Firefox, qui par défaut rejettent tous les cookies tiers, et d’autre part, l’essor de logiciels anti-pub, le plus populaire étant AdBloker Plus.
Les législations européennes et américaines sont sur le point de basculer, surtout après la bombe provoquée par l’affaire PRISM. Il n’en demeure pas moins que le débat sur la protection et l’utilisation des données personnelles sur internet est aussi vieille qu’internet lui-même.
Les technologies qui assurent le ciblage et la mise en œuvre des campagnes en ligne ainsi que les technologies qui les bloquent sont en train de jouer à l’escalade. L’utilisation de l’arme judiciaire n’a jamais fonctionné, rappelez-vous il y a quelques années le scandale autour de Tivo et des enregistreurs numériques qui permettent de zapper la publicité. Au final, c’est un jeu dans lequel toutes les parties vont perdre, y compris les internautes. Qu’on le veuille ou non, nous sommes à l’aube d’une évolution dans la relation entre l’industrie publicitaire et le consommateur.
Retour sur les innovations dans l’industrie de la publicité en ligne
Le premier modèle est celui de la publicité contextuelle sur les moteurs de recherche dans les années 1990 qui a permis à Google de dépasser les 300 milliards de dollars de capitalisation boursière. Notons, au passage, que le modèle a été initié par Bill Gross chez GoTo.com. Il pèse aujourd’hui 50% des investissements publicitaires en ligne. Quinze ans plus tard, c’est la bannière qui va faire sa révolution. Inventé en 1995 par le site Hotwired, le display demeure présent avec des milliards d’impressions commercialisées quotidiennement en direct ou via les ad-exchanges, avec des hauts et des bas tant en matière de prix, de clics que de performances. Les bannières s’appuient sur les cookies tiers (en anglais on parle de third party cookie). L’une des pires expressions en est le reciblage publicitaire, grâce auquel une marque dont on a visité le site ou ouvert un email se permet de matraquer un consommateur en espérant qu’il vienne acheter sur son site d’e-commerce.
Au lieu de blâmer les cookies tiers des publicitaires, on devrait plutôt mettre en place une relation dans les deux sens entre les annonceurs et les consommateurs. Il faut aller au-delà des systèmes de désinscription (opt-out) de type « Your Ad Choices ». On devrait plutôt permettre à l’internaute de s’exprimer et de dire, non merci HP.com, j’ai juste visité votre site pour mettre à jour le pilote de mon imprimante ou non merci Zalando, j’étais juste en train de faire du lèche vitrine et je n’ai pas l’intention d’acheter ni aujourd’hui, ni demain. Au final, quel est le volume incrémental de chiffre d’affaires qui peut être généré par le retargeting? Soyons fous: 1%. Oui 1%! Alors à quoi bon continuer ainsi. Sérieusement, est-il normal que les professionnels du marketing en ligne passent leur temps à déployer des stratagèmes pour faire cliquer les internautes et donc être crédités de la vente générée ? De toutes les façons, on passe de moins en moins de temps sur les navigateurs lorsque l’on est connecté à internet. Les mobiles n’acceptent pas les cookies et la navigation depuis les bons vieux PC de bureaux ne cesse de diminuer. Les internautes changent leurs comportements, aussi est-il grand temps que l’industrie publicitaire fasse de même.
Le futur réside dans la publicité native, que l’on peut assimiler à du marketing de contenu. C’est un peu entre le rédactionnel, le social et le publireportage. D’ailleurs, les frontières sont floues. Sur les réseaux sociaux, la publicité devient plus intelligente puisqu’il est possible d’intégrer les interactions sociales des consommateurs avec leurs préférences, le graal à atteindre étant la recommandation d’un ami. D’ailleurs plus personne ne questionne le pouvoir d’influence de son cercle de connaissances.
Pour y parvenir, encore faut-il que les marques soient en mesure de détecter les désirs de leurs clients. Les réseaux sociaux ne sont pas seulement un outil pour mesurer l’efficacité ou les carences de son service clients. Il s’agit d’être capable d’identifier ses futurs clients et de les guider, les conseiller avant l’acte d’achat. Finies les interruptions des consommateurs avec des messages passe partout. Les marques doivent être en mesure de créer un dialogue continu avec les internautes. C’est une vision un peu utopique du futur de la publicité en ligne. Et pourtant, il faut mettre de l’intelligence dans la relation entre un annonceur et un consommateur en fonction de l’objectif de captation d’intérêt, d’acquisition, de rétention ou de gestion au jour le jour du client, un peu à l’image du CRM. Dans ce nouvel écosystème, les éditeurs de sites sont les intermédiaires entre les marques et le consommateur. Peu d’annonceurs se consacrent au développement de la marque, puisque l’essentiel des budgets est alloué au dernier clic, à la dernière étape du tunnel de conversion. Exit donc cette approche ancienne. L’attribution a donc de beaux jours devant elle, comme de nouvelles formes de publicité digitale avec au cœur le contenu et le natif.
Pierre Berendes