La grosse interview de la semaine avec Sylvain Travers, Directeur Général Délégué d’Audience Square
Comment percevez-vous les dernières évolutions de la publicité programmatique au sein de l’écosystème du digital ?
Le programmatique a amené avec lui de nombreuses mutations sur le marché publicitaire digital. Cela se traduit notamment par l’arrivée et le développement de nouveaux acteurs, mais également par la transformation de certains métiers historiques. Les trading desk d’agences mais également indépendants tendent à représenter une part de plus en plus importante dans cet écosystème. Les chiffres confortent d’ailleurs ces propos avec plus de 20% des investissements publicitaires digitaux passant par le programmatique. La partie « sell-side » s’est également transformée avec l’apparition et le développement des places de marché privées (Audience Square et La Place Média) dont la promesse est de proposer aux acheteurs du marché les meilleurs inventaires en appliquant une transparence sans faille. Le programmatique est un modèle d’achat qui a rapidement évolué. Longtemps cantonné aux campagnes RTB à la performance, de nouveaux produits ont fait leur apparition, drainant ainsi sa croissance et son développement. Parmi ces moteurs, on peut citer la part croissante des transactions de deals programmatiques. Cette formule consiste à allouer à un acheteur de manière automatisée un mix d’inventaire (formats, placements, positions…), fluidifiant ainsi le processus et amenant rapidité et efficience. Preuve du développement de ces transactions, nous remontons une croissance de 30% du chiffre lié à cet exercice chaque mois depuis le dernier trimestre. En parallèle, le programmatique se développe également sur de nouveaux produits, comme la vidéo ou encore le mobile (doublement des investissements RTB sur le mobile ces trois derniers mois). Enfin, nous constatons également une prise de conscience de la part des annonceurs sur la nécessité de prendre la parole au sein d’un environnement digital de qualité, ce qui se traduit par une demande recentrée autour de nouveaux critères importants tels que la visibilité ou encore la transparence du cadre de diffusion.
Comment ces évolutions ont-elles impacté le positionnement d’une régie 100% programmatique et multi-éditeurs comme Audience Square ?
Depuis la création d’Audience Square (décembre 2012), notre positionnement a fondamentalement évolué. Même si la genèse de l’entreprise reposait sur la gestion des inventaires invendus de nos régies actionnaires et partenaires, nous nous présentons davantage aujourd’hui comme une entité de consulting proposant à l’ensemble de nos éditeurs un accompagnement permanent autour des multiples évolutions du marché. Dans un marché digital changeant, il est important pour les éditeurs et les régies intégrées de se rapprocher d’acteurs stratégiques, apportant du service et autres outils permettant de s’armer face aux nouveaux défis qu’impose le marché avec notamment l’avènement du programmatique. C’est notamment le parti pris choisi par Audience Square, avec notamment la création d’un service sur-mesure permettant à l’ensemble des éditeurs de créer, proposer, et vendre de manière autonome leurs propres deals programmatiques. Outre le développement de l’offre commerciale avec de nouveaux produits, cela leur permet d’adresser de nouveaux contacts, et développer leur éventail de sources de revenus.
Question : Dans cet écosystème en pleine mutation, quels sont selon vous les défis à venir pour vos éditeurs ?
L’un des grands défis pour les éditeurs réside dans la prise de conscience des intérêts et avantages qu’apportent le programmatique. Longtemps perçu comme un modèle d’achat destructeur de valeur, le programmatique permet au contraire de remonter les niveaux de CPM grâce notamment à la mise en compétition permanente des acheteurs. Il s’agit également d’une fabuleuse opportunité pour les éditeurs de tisser et développer des relations avec les nouveaux acteurs de ce marché, comme les trading desk ou encore les annonceurs internalisant directement les compétences liées à l’achat programmatique en interne. En parallèle, et face au développement de l’aspect qualitatif de la demande, il sera indispensable pour les éditeurs d’optimiser et d’améliorer l’ensemble de leurs inventaires. Optimiser la visibilité de ses espaces publicitaires ou encore travailler sur l’engagement de l’internaute seront les principaux chantiers des éditeurs. Sur l’aspect commercial, l’autre défi pour les régies intégrées des éditeurs sera désormais de résonner constamment en termes d’enchères face à l’acheteur, et non plus en termes de garantie de volume/budget à délivrer. Il s’agit là du seul moyen permettant notamment de remonter la valeur des espaces publicitaire digitaux. Il sera intéressant de suivre l’intégration des accords-cadres parfois historiques dans ce nouvel écosystème. Enfin, et sur un plan plus humain, il faudra également faire face aux différents changements liés à la compétence interne, et notamment aux mutations des métiers historiques. Le métier de trader s’intégrera de plus en plus chez l’éditeur, transformant ainsi le commercial de base en technico-commercial, capable de tenir des discussions axées autour des technologies d’achat et de vente programmatique par exemple.
A ce titre, comment Audience Square accompagne ses éditeurs / actionnaires ?
L’accompagnement d’Audience Square envers ses éditeurs est quotidien. La large palette de nouveaux services que nous proposons nous permet de couvrir de nombreuses problématiques éditeurs, mais surtout d’offrir un accompagnement sans faille sur le programmatique. Nous proposons par exemple une prestation permettant de mesurer la visibilité de chaque inventaire. Notre objectif est de partager ces résultats avec les éditeurs, et les aider quant à l’amélioration de cette mesure afin de gagner en attractivité auprès des agences.En parallèle, nous offrons également une solution unique permettant à nos éditeurs d’appréhender les deals programmatiques, et ainsi leur permettre d’indexer une nouvelle brique de revenus à leur chiffre d’affaires. Enfin, notre accompagnement passe aussi par l’évangélisation constante des nouvelles pratiques et leviers qu’offre le programmatique par le biais de rencontres régulières avec l’ensemble des équipes de nos éditeurs.
Où en sommes nous des deals programmatiques opérés par les éditeurs ?
Audience Square est fier de voir ses éditeurs mettre en place aujourd’hui leurs tous premiers deals premium avec des Trading Desk via le système dédié qu’Audience Square a pu leur mettre à disposition. La révolution ici est que l’inventaire mis à disposition dans ces deals n’est autre que le véritable first-look, c’est-à-dire, les toutes premières impressions, avant même les ventes directes traditionnelles des régies. C’est notamment la rencontre entre le fort intérêt des annonceurs pour ces premières impressions et la mise en compétition de ces derniers qui tendront à maximiser les CPM de vente, et ainsi faire croître les revenus des éditeurs. Pour nous, le programmatique ne se cantonne désormais plus seulement à l’invendu, mais bien aux inventaires premium générateurs des meilleures performances et favorables aux campagnes branding.
Quel avenir pour un acteur comme ASQ et LPM ? Ne pensez-vous pas qu’à un moment les gros éditeurs vont souhaiter reprendre le programmatique en interne plutôt que de collaborer avec leurs « concurrents » coactionnaires ?
Notre feuille de route est plus que chargée pour cette fin d’année. Nous avons également des projets prometteurs pour 2015. Il est fort à parier que l’intégration de cette compétence se fasse sur le moyen terme. Toutefois, cela n’empêchera pas les éditeurs de poursuivre leur collaboration avec Audience Square, dont la vocation première sera de fournir la meilleure prestation technologique possible.
Parlez-nous un peu du premier retour en matière de mobile qui a été lancé un mai ?
Malgré un développement rapide des achats programmatiques, les investissements mobiles restent encore en retrait. Ce constat, assez atypique, se veut propre au marché français. En effet, lorsque l’on observe les résultats du mobile sur un modèle programmatique au Royaume-Uni, les faits sont tout autres, avec notamment une certaine maturité apparente. Nous sommes persuadés que les investissements vont s’accélérer dans les prochains mois, avec notamment une volonté de plus en plus forte de la part des agences et trading desk pour accompagner leurs annonceurs sur ce produit encore trop peu représenté dans les investissements digitaux. Toutefois, malgré ce constat en demi-mesure et grâce à un portefeuille éditeurs de qualité, nous avons réussi à capter de multiples budgets mobiles dès le lancement de notre offre mobile. Afin de conserver l’engouement, nous allons également communiquer prochainement sur la mise à disposition de formats mobiles uniques, entièrement tournés vers des logiques de branding.
Et la vidéo comment cela se passe-t-il en terme d’outils et d’adoption chez vos actionnaires ?
La vidéo est un vaste sujet et il est fort à parier qu’il s’agira d’un des produits drainant la croissance du programmatique d’ici les trois prochaines années. Après avoir lancé notre offre mobile en mai dernier, nous allons prochainement officialiser le lancement de notre offre vidéo.
ASQ n’a-t-il pas intérêt à se rapprocher ou à racheter un SSP vidéo comme vient de faire RTL Group ?
Le projet Audience Square émane d’une réflexion globale de l’ensemble de nos actionnaires. A date, nous n’avons aucune vocation à acquérir des outils, services, ou autres technologies.
Pierre Berendes
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