Des associations représentatives des annonceurs, des agences et des fournisseurs de technologie aux États-Unis ont mis ensemble au point une certification de lutte contre la fraude. Cela se fait dans le cadre d’un groupe de travail appelé le Trustworthy Accountability Group (TAG lire ici aussi). En parallèle, aux États-Unis, l’Interactive Advertising Bureau impose à ses membres désormais de devenir membres aussi du TAG. Romain Bellion, directeur technique et co-fondateur d’Adloox, entreprise française de mesure de la qualité et de l’efficacité des investissements publicitaires, critique cette certification, qu’il considère largement insuffisante. Nous l’interrogeons.
Vous considérez cette certification insuffisante. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Il y a différents « packages » dans la certification TAG. Le premier est une inscription à un registre. Il suffit d’avoir une entité légale et de répondre à quelques questions et déclarations. Ce type d’inscription est évidemment insuffisant pour lutter contre la fraude. C’est difficile d’en voir l’intérêt. Ensuite il y a une certification « fraud« . Cette certification est insuffisante et sans intérêt pour deux raisons. D’abord elle repose sur les guidances d’une association tierce, le Media Rating Council (MRC), de surcroît sur les guidances les plus simples à suivre, le GIVT (General Invalid Traffic). Pour tacler efficacement le problème de la fraude, il faut suivre les guidances SIVT (Sophisticated Invalid Traffic). Et je dirais même plus : les toutes dernières qui demandent d’abandonner le sampling (échantillonnage). Mais le principal problème est que cette certification peut être obtenue sur une base déclarative. Elle n’a donc aucune valeur….
Le MRC utilise le cabinet EY pour faire ses audits et certifier ou non les candidats. C’est un processus très précis, poussé et coûteux. Ce processus ne peut pas être remplacé par ce que propose le TAG. D’ailleurs vous remarquerez que bon nombre d’acteurs ont la certification TAG alors qu’ils n’ont pas encore le SIVT (Moat et Pixalate) ou ne l’essayent même pas (Forensiq).
Pouvez-vous nous expliquer de manière simple en quoi consiste la méthode de filtration des impressions invalides sophistiquées ?
La filtration sophistiquée a pour but d’identifier et donc de filtrer les impressions qui sont le résultat de fraudes avancées (répertoriées par le JICWEB) et de mauvaises pratiques. La filtration générale ne couvre que la fraude très classique, par exemple un serveur se faisant passer pour plusieurs ordinateurs. Ce type de fraude est plus facilement identifiable, pas besoin d’être un spécialiste pour la filtrer. C’est le minimum requis.
Vous affirmez que la certification du Media Rating Council (MRC) est la seule fiable du marché parce que justement elle mesure la lutte contre le trafic invalide sophistiqué (SIVT). C’est d’ailleurs cette certification que vous venez d’obtenir auprès du MRC, en février dernier (voir ici). Est-ce que cela signifie que vous n’allez pas demander de certification auprès du TAG ?
Nous sommes en discussion. La proposition du TAG qui consiste en un identifiant unique pour chaque impression servie est vraiment intéressante, même si la mise en place est compliquée.
Faut-il systématiquement se remettre à des organismes nord-américains – en l’occurrence le MRC – pour avoir un label certifiant la qualité de son offre en matière de mesure ou de diffusion de campagnes publicitaires en ligne ? Des initiatives européennes peuvent-elles voir le jour d’après vous ?
Le MRC a pris une avance difficilement rattrapable. Le marché nord-américain est précurseur, leader et surtout moteur. Les acteurs de l’industrie en dehors des États Unis se réfèrent tous aux guidelines du MRC.
Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images: Shutterstock, sauf pour la photo de R. Bellion.)