77 % des marques pourraient disparaître dans l’indifférence générale, révèle Havas Group dans la nouvelle édition de son étude Meaningful Brands® diffusée aujourd’hui. En hausse de trois points par rapport aux résultats de 2017, ce résultat est le plus élevé depuis le lancement de l’étude en 2008.
« En recherchant la corrélation entre la performance d’une marque, le sens dont elle est porteuse et le contenu qu’elle crée, Meaningful Brands® 2019 montre que les marques doivent de toute urgence produire un contenu plus efficace pour obtenir l’adhésion du public et de meilleures ventes », indique le communiqué diffusé à la presse ce matin pour dévoiler les résultats de l’étude qui porte sur 1 800 marques dans 31 pays et se base sur les déclarations de 350 000 personnes interrogées.
La faute à qui ? Aux marques, qui ne savent pas parler à leurs consommateurs ou au numérique, qui a multiplié les sources et les flux d’information ? C’est pourtant le moment où les marques produisent le plus de contenus, au point de parfois devenir des éditeurs à la place des éditeurs eux-mêmes. Mais dans ce cas, comment produire du contenu qui « fasse sens » ?
Pour répondre à ces questions, nous interrogeons Nadine Medjeber, directrice d’études, et Sébastien Emeriau, directeur du planning stratégique et de l’innovation chez Havas Media.
Le fait que les consommateurs ne prêtent pas d’attention aux marques est-il vraiment nouveau ? Et dans ce cas, est-ce la conséquence de la fragmentation des espaces de communication favorisée par le numérique ?
S.E. Cette étude existe depuis dix ans. Même si ce chiffre était relativement élevé déjà au début, il l’était moins qu’aujourd’hui. Dans les pays émergents, comme le Brésil ou la Chine, ce taux était bien plus bas il y a cinq ou dix ans. À l’époque, le rapport aux marques était beaucoup plus fort.
Ce changement n’est pas nécessairement lié à la numérisation. C’est le regard du consommateur occidental qui a changé. Ce dernier est devenu plus sophistiqué et exigeant. Par conséquent, les produits l’enchantent moins.
Prenez l’exemple des hypermarchés. Il y a vingt ans, ils suscitaient un vif intérêt, alors qu’aujourd’hui c’est beaucoup moins le cas. Les consommateurs aimeraient que les marques soient plus responsables écologiquement et socialement.
Votre étude indique que 77 % des consommateurs achètent des marques qui partagent leurs valeurs. Le consommateur a-t-il changé ?
N. M. Oui, clairement. Nous avons commencé à annoncer ces mutations il y a déjà plusieurs années, nous constatons que les comportements évoluent. Quel que soit le secteur ou la catégorie des produits, les consommateurs attendent que leurs valeurs de transparence et de respect de l’environnement soient partagées. Dans le secteur de l’hygiène-beauté par exemple, les marques classiques souffrent d’une certaine désaffection des consommateurs dans les grandes surfaces, tandis que les marques plus engagées enregistrent des progressions de ventes.
Pourtant 58 % du contenu produit par les 1 800 premières marques que vous avez étudiées manquent de pertinence ou ne tiennent pas leurs promesses.
Avec le numérique les annonceurs deviennent des éditeurs en créant des sites, des pages sociales et des publications en lien avec leurs prises de parole. Certains vont jusqu’à s’approprier des médias. Que faudrait-il changer dans leurs pratiques ?
S.E. Les marques ont toujours pris la parole de manière autocentrée. Un contenu qui ne correspond pas nécessairement aux attentes des gens ne peut pas les satisfaire. Les marques doivent commencer par s’interroger sur ce que veulent entendre, voir ou lire leurs audiences. Des marques comme Décathlon [2e du classement des Meaningful Brands 2009, ndlr.] ou Leroy Merlin [en 19e position, ndlr.] ont réussi ce pari. Elles ont identifié le bon moyen de répondre aux questions de leurs clients : les tutoriels, qui marchent très bien !
Il faut par conséquent que l’annonceur, à l’instar des médias, trouve ce que le consommateur a envie de lire ou d’entendre afin de produire un contenu cohérent et intéressant en conséquence. On peut parler de tout : du bien manger, du bien-être, du voyage, des relations familiales, de la défense des arbres et des minorités… Toute marque peut prendre la parole sur ces sujets. Le tout est de produire des contenus utiles qui intéressent les gens.
N. M. Et qui soient en phase avec les valeurs de la marque…
L’annonceur, à l’instar des médias, doit trouver ce que le consommateur a envie de lire ou d’entendre.
C’est bien pour cela que la marque doit se positionner de manière franche au-delà du discours…
N. M. Oui, il faut inscrire ce contenu dans un écosystème complet qui partage les mêmes valeurs.
Vous découvrirez demain la suite de l’interview de Nadine Medjeber, directrice d’études, et Sébastien Emeriau, directeur du planning stratégique et de l’innovation chez Havas Media.
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre