Suite de l’interview de Nadine Medjeber, directrice d’études, et Sébastien Emeriau, directeur du planning stratégique et de l’innovation chez Havas Media. Pour lire la première partie cliquez ici.
Votre étude montre que les contenus des marques déçoivent une majorité de consommateurs. Facebook est-il un bon exemple de ce désenchantement ?
N. M. On a vu en effet le score de Facebook baisser sur des critères de bénéfice collectif et personnel, comme conséquence de ses problèmes de transparence et non-conformité à certain de ses engagements. Même si ces derniers n’étaient pas formalisés de manière claire, l’utilisateur attend de sa part un certain comportement. C’est aussi le cas pour Amazon, qui recule et perd pour la première fois six places dans notre classement.
S.E. Les attentes des consommateurs sont multiples et c’est très compliqué pour les marques d’y répondre pleinement.
Que faut-il pour être meaningful ? Quels critères vous ont-ils servi à construire votre classement meaningful brands ?
N. M. Il n’y a pas de recette miracle, tout dépend du secteur de la marque. Mais globalement on constate que les attentes les plus fortes des consommateurs sont celles qui concernent les bénéfices personnels et collectifs, tandis que les bénéfices fonctionnels perdent du terrain. Les indicateurs évoluent clairement dans ce sens. Toutes les marques positionnées en haut du classement sont plutôt bien notées sur les bénéfices personnels.
Nous nous servons d’une trentaine de critères pour mesurer les attentes des consommateurs. Les bénéfices fonctionnels sont ceux en lien avec le contrat de base des marques, qui font que les produits sont de bonne qualité et répondent à ce que l’on attend deux.
Les bénéfices personnels sont ceux que chaque individu perçoit au niveau personnel – si la marque rend heureux, si elle fait du bien à sa santé, si elle lui facilite la vie, lui donne de nouvelles idées.
Quant aux bénéfices collectifs, ils concernent toute la dimension RSE de l’annonceur – son rapport à l’environnement, s’il s’agit d’une entreprise qui traite bien ses fournisseurs, où il fait bon de travailler, etc.
Y a-t-il des cas remarquables que vous pouvez mettre en évidence pour illustrer le fait que « donner du sens » paye ?
S.E. Michelin, en première position de notre classement, est un exemple parfait d’une marque qui réussit si elle communique correctement. C’est une marque qui vend des pneus que tout le monde connaît. Pourtant le nombre de gens passionnés par les pneus est limité….
Michelin ne se positionne donc pas comme un vendeur de pneus, mais comme une marque du voyage et du déplacement, et elle propose pléthore de contenus qui vont dans ce sens. Pensez aux guides et aux cartes Michelin, tout le monde en a un chez soi. La dimension patrimoniale de la marque est très importante.
Le fait que certaines marques deviennent des éditeurs presque à la place des éditeurs est-il une tendance de fond ?
S.E. Red Bull est un exemple de marque qui crée et sponsorise des événements et des émissions sur les sports extrêmes diffusées sur les chaînes télé et le web. Je ne connais pas les détails de son business, mais il est probable que ses contenus lui rapportent plus d‘argent que ses boissons. Mais ce sont des cas isolés.
Il y a en effet beaucoup de marques qui internalisent la production de contenus en lançant des « brand factories » mais pas au point de devenir des éditeurs ou de les remplacer. C’est compliqué pour une marque de produire des contenus, cela exige un savoir-faire dont les annonceurs ne disposent pas nécessairement.
Quelles autres conclusions importantes tirez-vous de cette étude ?
N. M. Il y a encore quelques années, cette étude trouvait peu d’échos significatifs auprès des marques. Les annonceurs se focalisaient beaucoup sur des priorités de court terme. Depuis ces deux dernières éditions on constate que les consommateurs ne sont plus les seuls à avoir changé. Les marques aussi ont changé. Les annonceurs sont de plus en plus nombreux à nous solliciter, parce que cette étude traite des problématiques qui deviennent vraiment importantes pour eux. Cette réflexion sur le sens est devenue stratégique pour eux.
Les marques qui offrent du sens et qui embrassent des combats sociaux et environnementaux ont des résultats business directs.
S.E. Les marques qui répondent aux attentes des consommateurs en leur offrant du sens et en embrassant des combats sociaux et environnementaux ont des résultats business directs. Non seulement cela leur permet d’attirer de nouveaux consommateurs comme de fidéliser les existants. [D’après l’étude, les marques « meaningful » et considérées comme contribuant à un monde meilleur surperforment le marché boursier de 134 %, ndlr.]
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre