Le marché français des données à usage marketing aurait généré € 1,5 milliard de revenus en 2014, soit une progression de 4,6% comparé à l’année précédente, selon Limelight Consulting, qui a réalisé cette évaluation pour le compte de Mediapost Communication, filiale du groupe La Poste.
Cette évolution ne se matérialise cependant pas de manière homogène dans les différents secteurs de cette activité, bien au contraire, puisque moins de 40% du marché concentre toute la croissance observée. Tandis que les activités de diffusion et de ciblage (+21,6%) ainsi que d’analyse et d’intelligence (6,5%) grimpent, celles de collecte et de vente stagnent (-0,6%) et de stockage perdent du terrain (-2,7%).
Cette étude (dont on affirme que c’est une première en France) cherche ainsi à évaluer l’étendue et les spécificités de ce marché en progression constante depuis quatre ans et d’en cartographier les acteurs, soit 274 entreprises.
Pour en savoir un peu plus sur sa méthodologie et sa portée, nous interrogeons Jérôme Toucheboeuf, directeur général de Mediapost Communication.
Vous avez analysé le marché français du marketing de données. Tout d’abord quel critère utilisez-vous pour définir un acteur qui fait du data marketing ? Quel périmètre ?
Mediapost Communication au travers de plusieurs de ses filiales est un acteur historique de la data et possède donc déjà une bonne connaissance de son marché. Mais pour s’assurer une bonne qualité de couverture et de recueil, j’ai fait le choix de travailler avec Limelight Consulting qui est une société d’études à la fois très renommée dans notre écosystème Btob de la communication et qui accompagne également des entreprises dans leur transformation numérique. Entre nos experts et les leurs, nous avons dressé une cartographie inédite et très complète du marché. Mais j’ai bien conscience que ce marché évolue très vite entre créations, rachat, fusion, changement de noms et parfois disparitions. Nous avons en revanche fait le choix de ne pas considérer les entreprises qui ont réalisé moins de 1M€ de CA en 2014.
Comment qualifiez-vous l’émergence de nouvelles technologies telles que les plateformes de gestion de données (DMP) et les plateformes de vente et d’achat d’inventaire via les ad exchanges proposant de la segmentation et de l’enrichissement des données ? Quelle ampleur réelle peut-on observer en termes d’adoption et d’offre ?
Le marché publicitaire a besoin de rationalisation et de productivité. Ces plateformes offrent à la fois ces capacités tout en fluidifiant les échanges entre acheteurs et vendeurs. La valeur ajoutée se transfert ainsi vers le conseil et l’orchestration des moyens pour les agences. A date, ce marché est naissant, les annonceurs testent, les acteurs proposent des solutions évolutives car les contours médias ne sont pas figés. La télévision viendra tôt ou tard au programmatique, la radio est en route pour sa version digitale, la presse y travaille. Tout cela change la donne. Aujourd’hui certains annonceurs souhaitent réconcilier leurs data offline avec le online. Les outils existants doivent donc s’adapter sans cesse aux besoins naissants de connaissance client.
Vous parlez d’une progression de l’usage de la data au service du marketing. Est-ce que les technologies programmatiques sont à l’origine de cette progression justement ?
Pas seulement. Il est vrai que les technologies liées au programmatique se nourrissent de data mais en réalité c’est tout le spectre du marketing qui doit en faire l’usage. Le point de vente, le call center, le CRM sont autant de leviers qui génèrent de la data et qu’il faut savoir réconcilier avec le digital pour opérer de façon intelligente. La révolution de la data est donc bien plus large que l’achat d’espace.
En termes d’offre de données, le marché se focalise plus sur la 3rd party ou sur l’enrichissement des données propriétaires (du type CRM) ?
Jusqu’à présent les données 3rd party étaient privilégiées mais d’ores et déjà on voit une demande grandissante pour du CRM onboarding, cette réconciliation entre offline et online que j’évoquais précédemment. Il y a de fortes chances que ces données soient plus robustes que les 3rd party, pour autant ces dernières auront du sens si elles apportent une vraie valeur ajoutée. C’est donc une question d’équilibre et surtout d’efficacité.
En lisant votre communiqué on comprend qu’il existe en France aujourd’hui 274 sociétés opérant dans le marché de la data. Ya-t-il une prédominance de technologie importée des Etats-Unis ? Voyez-vous un dynamisme aussi en termes de mise au point de solutions made in France ?
Les start-up françaises sont à la pointe de la collecte ou du datamining. Beaucoup sont encore en phase d’accélération, certaines ont déjà été rachetées par des groupes américains. Les technologies de DMP peuvent être aussi françaises, et Mediapost Communication propose sa propre solution. Le marché est en pleine ébullition, les américains sont en pointe parce que la taille du marché est telle que l’accélération est presque naturelle. Mais il ne faut négliger l’excellence des écoles d’ingénieurs françaises, la qualité de l’enseignement des mathématiques et statistiques.
Enfin, existe-t-il encore des freins à une adoption plus massive des technologies de collecte et de traitement de données à de fins de personnalisation du marketing ? Lesquels ?
Le principal frein pourrait venir de la « privacy ». Il est fondamental que le marché sache s’autoréguler sur le respect de la vie privée. Tout dérapage peut avoir des conséquences, certes pour l’acteur incriminé, mais selon son ampleur il pourrait entacher une profession en pleine expansion. Il est donc impératif de respecter la volonté du consommateur, de lui expliquer les bénéfices qu’il pourra tirer de l’usage de ses données personnelles. Chaque acteur en est responsable. Le groupe La Poste et par là même sa filiale Mediapost Communication en sont d’ardents défenseurs.
Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images: Mediapost Communication.)