En France, Adikteev a su se positionner de manière intelligente et donner sa propre touche à la notion de publicité en temps réel, pratiquée un peu partout dans le monde aujourd’hui dans le digital. Son concept de « Moment Advertising » cherche à allier performance et qualité : d’un côté, un soin particulier apporté à l’expérience du message, via des formats natifs et en accord avec la qualité éditoriale de chaque site ; de l’autre, une sélection soignée de l’audience ciblée. Nous avons souhaité savoir comment Adikteev gère les données des audiences et conçoit les limites entre publicité personnalisée et respect de la vie privée en interrogeant son co-fondateur Xavier Mariani.
Au cœur de la proposition de valeur d’Adikteev se trouve la notion du « bon moment » ou le « moment advertising ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Adikteev a développé sa technologie autour du « Moment Advertising », qui consiste à proposer une publicité à l’utilisateur au meilleur moment de la navigation. Le Moment Advertising repose sur trois moteurs principaux :
1. Matcher l’utilisateur avec une campagne: avec quelle campagne un utilisateur donné aura le plus de chances de s’engager.
2. Analyser le contexte de diffusion de la campagne (météo, heure de la journée, contenu de la page, positif / négatif) afin de s’assurer que le moment contextuel de diffusion matche le contenu de la campagne (ex : pas de campagne pour une compagnie aérienne sur une page parlant d’un crash d’avion).
3. Prédire le moment de navigation idéal pour diffuser une publicité à l’utilisateur (1ere page, fin de 2ème page etc…).
Cette technologie repose donc sur un moteur de prédiction avec un triple layer de ciblage.
Lorsque l’on pense à cette notion de « moment advertising » qui est au coeur de votre activité, on ne peut ignorer la maîtrise que cela suppose des données et des comportements des internautes pour justement pouvoir mesurer la manière dont on communique avec eux. Traitez-vous cette question en interne ou travaillez-vous avec des partenaires data ? Pouvez-vous nous dire deux mots sur votre savoir-faire en matière de données et ce que vous arrivez à faire en termes d’identification d’audiences en milieu digital ?
Cette donnée est majoritairement traitée en interne, mais il nous arrive de faire appel à des partenaires, pour l’analyse sémantique des pages, par exemple, qui n’est pas notre cœur de métier et nécessite un savoir-faire particulier. Au cours des derniers mois, Adikteev a renforcé ses équipes techniques (plus de la moitié des effectifs) en recrutant des data scientists, chargés de développer les algorithmes de prédiction, ainsi qu’une équipe de développeurs de très haut niveau chargée du développement, de la scalabilité et du maintien de la plateforme.
Au niveau technologies, nous avons développé notre propre pipeline de traitement de données basé sur Kafka, qui est un système de messagerie distribué en temps-réel ultra scalable, initialement développé par Linkedin et aujourd’hui utilisé par Twitter, Spotify, AirBnB, ainsi que Samza, qui est un framework permettant le traitement distribué de flux. Ce pipeline est couplé à des bases de données telles que PostgreSQL, Couchbase et Elastic Search. Ces technologies nous permettent de collecter des centaines de millions de logs sur les utilisateurs, certains étant très orientés métier (# impressions, campagne etc…) et d’autres très orientés utilisateur (contenu des pages vues, habitudes de navigation etc…). Le traitement et l’agrégation de ces logs vient nourrir les algorithmes de prédiction.
Les données ont toujours été le nerf de la guerre en matière de marketing et de publicité. La différence aujourd’hui est que jamais auparavant les marques n’avaient d’accès à autant de données au sujet de leurs cibles et ce grâce aux méthodes de tracking des traces laissées par les utilisateurs dans leur navigation en ligne. D’une manière générale, pensez-vous que l’industrie du marketing digital est respectueuse de la vie privée des consommateurs ? Pourquoi ?
L’industrie est vraiment en train de se structurer, et tend à aller dans le sens de l’utilisateur, ce qui est en soi une bonne chose : les utilisateurs peuvent généralement « opt-out » les cookies et commencent à mieux maîtriser les informations qui sont collectées sur eux.
Néanmoins, il est vrai que le niveau de connaissance utilisateur que peuvent avoir les géants comme Apple, Facebook ou Google est parfois effrayant et que le droit à l’oubli + un « opt-in » clair doit exister. S’il existe des moyens tels que la navigation privée ou la suppression des cookies pour éviter d’être identifié, il est quasiment impossible d’éviter les produits Google (gmail, navigateur chrome, google maps, youtube, moteur de recherche…). Allez sur l’url https://www.google.com/settings/u/0/ads/authenticated et faites le test, c’est impressionnant !!
Les comportements des consommateurs étant aujourd’hui multi-écrans, l’industrie laisse petit à petit de côté l’usage des seuls cookies pour approcher des méthodes de suivi cross device. On entend alors parler de fingerprint, de device ID, de http header. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous pensez de ces différentes méthodes ? Et de l’usage que vous en faites ?
La seule méthode vraiment précise pour le tracking cross device est celle du log-in, c’est-à-dire l’identification de l’utilisateur. Seules les plateformes utilisant un login utilisateur (Facebook, Google, Twitter..) peuvent faire de l’unification cross device. Les autres méthodes telles que le look alike, le fingerprint etc… sont vraiment expérimentales et nettement moins efficaces. Nous sommes en train de travailler sur des algorithmes de matching multi plateformes afin de pouvoir suivre un utilisateur sur sa navigation cross device mais c’est encore au niveau de la pure R&D. Il est clair en revanche que le seul cookie ne suffit plus aujourd’hui.
Le consortium W3C a récemment critiqué très sévèrement les méthodes de tracking sans cookies (lire ici leur déclaration). Que pensez-vous de leur déclaration ?
Les cookies présentent l’avantage de faire l’objet d’une régulation assez claire et bien encadrée, et de pouvoir être gérés sans trop de difficultés par l’utilisateur (suppression des cookies, navigation privée). Les autres méthodes telles que le fingerprinting sont efficaces mais sont nettement moins contrôlables par l’utilisateur, ce qui ouvre la porte à toute sorte d’abus. S’il semble difficile d’interdire l’usage de telles technologies, il semble en revanche indispensable de prévenir les utilisateurs que leur activité sera suivie via des moyens autres que les cookies et de proposer un « opt-out », bref, de faire en sorte que l’utilisateur conserve son libre arbitre quant à l’utilisation de ses données de navigation.
Comment concilier l’usage de données pour le ciblage de campagnes marketing, dont on sait qu’elles sont indispensables au financement des éditeurs et donc du contenu gratuit sur Internet, et le respect de la vie privée des consommateurs connectés d’après vous ?
Encore une fois, l’utilisateur doit avoir le contrôle et maîtriser le niveau d’information qu’il souhaite rendre utilisable. Le fait de cibler une campagne n’est pas une mauvaise chose car cela permet de rendre la publicité plus utile, mais cela ne doit jamais se faire aux dépens de l’expérience utilisateur ni du respect de la vie privée. En résumé il faut 1. Informer (explicitement) l’utilisateur de la présence de technologies de tracking ; 2. Proposer un opt-out clair et facilement accessible ; 3. Faire en sorte que les acteurs du marketing digital respectent une charte éthique pour éviter toute forme d’abus.
Vous prônez des formats qui soient respectueux des audiences et mettez beaucoup l’accent sur une expérience utilisateur réussie. Quels sont les éléments clés pour y parvenir ?
Lorsque nous créons un format publicitaire, nous nous mettons avant tout dans la peau de l’utilisateur et nous posons la question suivante : « lorsque je navigue sur un site et que je vois cette publicité, quelle est ma réaction ? » Si elle me donne envie de quitter le site et gène ma navigation, alors le format ne respecte pas l’expérience utilisateur. Un excellent moyen d’évaluer la réceptivité des utilisateurs vis-à-vis d’un format est également de le faire tester par un public non averti, voire anti-publicité.
Nous avons d’ailleurs une équipe produit qui veille au grain et travaille activement à l’amélioration continue de nos formats afin qu’ils soient toujours plus respectueux de l’expérience utilisateur.
Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images: adikteev.)