Nous connaissions bien en France RadiumOne, plateforme d’achat média sur les ad exchanges dont l’une des spécificités était d’avoir développé un savoir-faire autour de la data. Mais voici qu’arrive RhythmOne, un SSP et ad-exchange américain pratiquement inconnu en France, qui en quelques mois a acquis RadiumOne et dans la foulée Yume, plateforme d’achat et de monétisation vidéo. Nous cherchons à comprendre ce que devient cet ensemble avec Julien Braun, devenu à cette occasion directeur général de RhythmOne en France.
En 2017 l’ad exchange et SSP américain RhythmOne a sorti le portefeuille et acquis presque d’un coup RadiumOne puis YuMe. On se retrouve désormais avec une plateforme travaillant à la fois coté offre et côté achat. Pouvez-vous nous resituer l’ensemble ?
C’est l’histoire d’une intégration verticale, motivée par la recherche d’efficacité opérationnelle dans un marché concurrentiel extrêmement difficile dominé par Google. La pression exercée par Google sur tout le marché forçait de plus en plus vers le bas nos marges, rendant notre mode de commercialisation des espaces très tendu. En effet la suite d’outils DoubleClick souvent gratuite, pose de plus en plus de problèmes de concurrence car elle alimente un écosystème média aux détriment d’une pluralité d’éditeurs indépendants. Personne n’est dupe, quelle que soit la qualité des outils Google sans concurrence tout le monde est perdant et les annonceurs comme les éditeurs souhaitent voir émerger des alternatives crédibles au niveau mondial. Il faut également souligner que le marché de l’adtech est encore trop fragmenté pour fonctionner efficacement. C’est ce problème auquel nous essayons de nous atteler. Cette fusion donne donc naissance à une nouvelle plateforme intégrée d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur avec un positionnement haut de gamme en termes d’inventaires, de performance média, de services autours de la data et d’expérience client. En fusionnant notre plateforme d’achat RadiumOne à un adexchange, nous renforçons notre capacité d’achat, tout en réduisant sensiblement nos coûts opérationnels. RhythmOne opère son propre adexchange, RhythmMax, et une plateforme SSP propre RhythmOne for Publishers. Avec RhythmMax, nous avons accès à l’ensemble des inventaires des différents SSP du marché. Sa valeur ajoutée consiste à filtrer en amont l’inventaire qualitatif et à garantir la brand safety, éviter les sources frauduleuses de trafic (garantissant un taux de fraude inférieur à 1 %) et maximiser la visibilité. Toutes ces garanties représentent des coûts opérationnels considérables pour les trading desks. Avec cette opération, nous pouvons garantir le meilleur niveau de qualité à nos clients sans avoir à en faire supporter le coût économique.
Quels sont les SSP réunis au sein de RhythmMax ? Depuis quand d’ailleurs RhythmMax opère en France ?
Cela fait deux ans que RhythmMax est opérationnel en France sans présence commerciale. Depuis la fusion, nous avons accéléré les partenariats et avons déjà doublé nos flux média. Par exemple aux États Unis, 70 % des flux de RadiumOne ont déjà migré sur RhythmMax, en France on en est qu’à 30 % et avons donc encore beaucoup de potentiel. L’objectif est de se rapprocher des 100 % d’ici la fin de l’année. Les plus gros acheteurs sur RhythmMax sont The Trade Desk, MediaMath et Appnexus suivis de l’activité DSP de RadiumOne. Son développement va s’accélérer avec l’intégration directe d’autres DSP comme DBM prévue cette année. Du côté de la supply nous avons accès via les intégrations avec nos SSP partenaires aux inventaires de Smart+, Rubicon Project, Improve Digital, Teads et Freewheel pour les principaux. Nous avons également accès aux inventaires Google DFP via notre propre SSP qui est connecté au programme EBDA, l’exchange de Google ainsi qu’aux inventaires monétisés par l’échange Amazon A9. Enfin nous pouvons brancher notre SSP sur les header bidders d’éditeurs ayant choisi cette solution technique. Ce déploiement va commencer le mois prochain. Nous avons une roadmap assez chargée.
Pour revenir à la fusion, quels autres effets a-t-elle sur l’offre de RadiumOne ?
Toute l’intelligence data de RadiumOne est désormais injectée au niveau de l’ad-exchange et plus seulement au niveau du DSP. Ainsi, notre connaissance consommateur permet de démultiplier nos capacités de ciblage et de prédiction ce qui améliore largement nos performances du trading. Enfin nous avons désormais la possibilité d’enrichir avant le processus d’enchère, l’ensemble des bid requests qui transitent dans notre adex ce qui permet de commercialiser notre offre data sous forme de deal-ID à des annonceurs ou des trading desks qui ont fait le choix d’autres DSP que le nôtre. Cette offre s’appelle « Guaranted Market Place ». Nous avons donc désormais une offre de service d’achat programmatique sous gestion RhythmOne à destination des annonceurs et de leurs agences mais aussi notre place de marché garantie à destination des trading desk et des annonceurs opérant eux-mêmes leurs achats programmatiques. Cela va nous permettre de faire revenir sur notre plateforme certains annonceurs qui ont fait des choix technologiques exclusifs.
Mais n’y a-t-il pas un risque de conflit d’intérêt d’un côté comme de l’autre pour les éditeurs ou les acheteurs si vous jouez de deux cotés ?
Les règles du jeu sont fixées par le processus d’enchères. Ce dernier était, jusqu’à récemment, exclusivement basés sur le second price auction ce qui en théorie fonctionnait très bien. Mais en pratique face à des problèmes d’asymétrie de concurrence, des acteurs comme Appnexus ont décidé de réagir avec le header bidding et de pousser la logique des enchères au 1rst price. Cette proposition a fonctionné auprès d’un grand nombre d’éditeurs puisqu’elle a été suivie par Google et son programme EBDA. Cependant elle a grandement complexifié voire biaisé le processus d’achat puisque nous avons désormais deux rounds d’enchères et non un. D’où l’opportunité pour nous d’insérer notre SSP dans ces programmes (EBDA et header bidding) et de pouvoir garantir contractuellement à nos clients l’intégrité du processus d’achat. Nous sommes ainsi capables de délivrer à nos clients une transparence réelle sur l’ensemble de la chaîne de valeur et de leur permettre de reprendre la main sur leurs accords avec leur éditeurs partenaires. N’oublions pas que notre ad exchange est ouvert à la compétition, ce qui renforce son attractivité pour les éditeurs ainsi que son efficacité pour les annonceurs. Sans compétition entre les plateformes, la transparence est une vue de l’esprit. Ce qui garantit la compétitivité est l’intégrité des processus d’enchères. Sans compétition tout le monde perd.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur l’état du déploiement de votre SSP en France ? Avec quels éditeurs travaillez-vous déjà ?
Notre SSP a été lancé fin janvier en France. Nous sommes en pleine phase de négociation avec un grand nombre d’éditeurs, notamment ceux qui souscrivent aux programmes EBDA et A9, avec pas mal d’accords de principe. Nous poursuivrons dans un second temps ceux qui ont activé des solutions type header bidding car les contraintes techniques et contractuelles sont plus complexes. Notre objectif est de couvrir 100 % du marché d’ici la fin de l’année.
Vous venez également d’acquérir YuMe, pour compléter cette approche de bout en bout, pouvez-vous nous en dire plus ?
La vidéo, mais aussi la télé connectée, ont leurs particularités techniques qu’il nous fallait intégrer à notre offre. YuMe dispose de beaucoup d’inventaires en propre que nous allons pouvoir commercialiser plus efficacement sur notre adex. La taille de notre adex permettra également aux clients de YuMe d’avoir accès à une plus grande diversité et qualité d’inventaires à de meilleures conditions économiques. Notre objectif est ainsi d’accélérer la transition programmatique de YuMe et de massifier les flux sur notre adex pour attirer plus d’éditeurs et d’annonceurs sur la plateforme.
La boucle est bouclée ?
Nous arrivons en effet avec une proposition intégrée verticalement différente en termes de service et d’expertise de celle des autres écosystèmes du marché tels qu’Appnexus, Google, Oath ou Facebook. Nous sommes résolument ouverts pour enrichir le patrimoine data et la connaissance client de nos annonceurs. Nous ne sommes pas centrés sur un média particulier. Notre approche est pragmatique, elle est celle de la transparence et de l’efficacité.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre