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« Le marché est entré dans l’ère post-pub » (interview Corinne Mrejen, Les Échos Le Parisien)

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Le groupe Les Échos Le Parisien a annoncé en début d’année la naissance d’un « vaste pôle de monétisation » nommé Les Échos Le Parisien Partenaires. Lors du premier déjeuner de l’année de l’Association des journalistes médias (AJM), le président du groupe Pierre Louette, a fait part de sa volonté de « proposer en cohérence de multiples solutions de communication ne se résumant pas aux simples ventes d’espaces publicitaires ». Pour comprendre cette stratégie, nous interrogeons Corinne Mrejen, directrice générale groupe, pôle Les Echos Le Parisien Partenaires.

Que veut dire un vaste pôle de monétisation ?
Corinne Mrejen, Les Echos Le Parisien.
Corinne Mrejen, Les Echos Le Parisien.

Le contexte a changé et il nous fallait y répondre. Le marché est entré dans l’ère post-pub. Les investissements des annonceurs changent de structure, ils privilégient désormais le hors-média, qui concentre les deux tiers des budgets. Cette partie hors-média inclut tout ce qui a trait aux « owned medias » (les médias propriétaires des marques), à l’événementiel et aux relations publiques. Ce changement montre que les annonceurs se perçoivent et se positionnent désormais en tant que médias.

D’autre part, les équilibres au sein de l’univers des médias ont bougé également. Le digital s’est très fortement développé, au point de devenir le premier média, devant la télévision. Cette progression exponentielle du digital correspond aux nouveaux usages des consommateurs.

Dans ce nouveau contexte, nous proposons un new deal aux entreprises. Nous répondons aux marques, qui cherchent une nouvelle recette à même de combiner différents leviers. Notre proposition est de faire vivre les marques au-delà d’elles-mêmes.

Vous allez nous expliquer comment. Mais avant, pouvez-vous nous préciser davantage ce changement de cap des annonceurs, qui agiraient eux-mêmes en tant que médias ?

Les marques investissent dans la production de contenus par elles-mêmes, pour elles-mêmes, elles se vivent et se perçoivent en tant que médias. Mais ce n’est pas suffisant. Nous considérons que nous pouvons collaborer avec elles, à travers une triple logique : en produisant des contenus pour elles, en créant des événements et en leur offrant de la visibilité dans nos médias. Notre valeur ajoutée se trouve dans notre capacité à leur permettre de capitaliser sur la valeur et l’empreinte éditoriale très forte de nos marques. C’est ce qui leur permet d’activer fortement des communautés très engagées.

Vous faites ainsi allusion à la création de brand content. Comment articuler cette production avec le travail de vos rédactions ?

Ce sont des équipes séparées qui produisent ces contenus, afin que l’on ne franchisse jamais la ligne jaune séparant ce qui est éditorial de ce qui ne l’est pas. En revanche, il est tout à fait possible d’avoir une logique de production intégrée et articulée autour de thèmes.

Prenons l’exemple du programme « Accelerate business for good », que nous avons lancé en novembre dernier avec le groupe BNP Paribas. Ce programme illustre qu’il est possible de produire des contenus éditoriaux traitant de manière indépendante une thématique qui concerne une marque. Dans ce cas, la rédaction s’est occupée de donner des clés de compréhension sur les activités à impact positif, sur la nécessité de développer une économie de nouvelle génération, plus durable et inclusive. En parallèle, nous organisons avec BNP Paribas un road show dans cinq grandes villes de France pour aller à la rencontre d’entrepreneurs sur le terrain qui mettent en place cette démarche. Nous intégrons ainsi dans un même dispositif un fil rouge éditorial, de l’événementiel et une restitution à la fin de ce road show sur la forme d’un livre blanc qui sera présenté fin 2019.

L’idée c’est donc de proposer de grands programmes de communication aux entreprises, au lieu  de seulement vendre de la publicité. Ces programmes mobilisent différents leviers autour de sujets qui font sens au regard de notre mission de marques médias, des sujets auxquels les marques peuvent s’associer. Beaucoup d’autres sujets et d’initiatives ont déjà été lancés, par exemple en lien avec l’intelligence artificielle, le Grand Paris, la santé, etc.

Est-ce que cela veut dire que les opérations spéciales de ce nouveau pôle vont fortement prendre le pas sur la monétisation de vos inventaires ?

Le pôle Les Échos Le Parisien Partenaires est constitué de plusieurs entités. Son ambition est d’assurer une croissance rentable au groupe. Aujourd’hui ce pôle représente 35 % de notre chiffre d’affaires. Notre ambition est qu’il puisse atteindre 50 % d’ici cinq ans.

Pour cela, il compte consolider la monétisation d’aujourd’hui tout en allant chercher les leviers de demain. Ses trois fonctions principales sont de simplifier (pôle annonces et solutions de dématérialisation), d’amplifier (pôles média, événements, études et publishing) et d’imaginer (notre accélérateur 2050, qui investit dans des start-up médias).

Ce nouveau pôle va ainsi se décliner en fonction du métier développé, du levier mobilisé. Sur la partie régie, Team Media devient Les Échos Le Parisien Médias. Nous avions déjà transformé nos commerciaux en des consultants experts d’un secteur d’activité. Désormais ils sont là pour concevoir avec les marques des protocoles sur mesure qui activent du contenu, de l’événementiel et du média.

Ce sera donc toujours dans une optique d’opération intégrée ?

La régie étant partie prenante de ce pôle, elle est d’autant plus à même d’activer ces différents leviers, comme la production de contenus et l’organisation d’événements. Chacun de ces leviers seront encore plus rapprochés entre eux. Notre objectif est de proposer une entrée unique et simplifiée à l’annonceur, qui lui permette de bénéficier de dispositifs sur mesure. Ces solutions seront plus efficaces pour les marques. Articulés autour de thèmes en affinité avec les centres d’intérêt de nos communautés, ces dispositifs seront susceptibles de les engager encore plus fortement.

Bien entendu, tout cela s’accompagne d’investissements conséquents dans l’ad tech, notamment en matière de collecte, de qualification et d’activation de la data.

Vous avez déjà tout ce qu’il faut en la matière, non (voir ici) ?

Nous disposons en effet d’une DMP, nous avons investi dans une plateforme de gestion du consentement (CMP) et nous sommes très engagés dans l’initiative Digital Ad Trust (DAT). En parallèle nous sommes engagés dans une logique d’alliances structurelles, avec Gravity et Mediasquare. Nous préférons nous associer à d’autres plutôt que de rester isolés, ce afin de mieux maîtriser notre futur et de proposer une alternative aux GAFA.

Est-ce que toutes ces décisions et notamment la naissance de ce pôle de monétisation intégrée représentent un grand changement pour vous ?

C’est le prolongement d’une stratégie initiée il y a deux ans. Le marché et les usages bougent, le numérique a fortement transformé la relation des gens avec l’information et les médias. Nous devons nous adapter. Il s’agit plutôt pour nous d’une dynamique d’agilité et d’adaptation, afin de proposer aux annonceurs des solutions plus efficaces pour activer nos communautés et pour répondre aux attentes des marques en matière de communication. Leur communication ne peut plus suivre une logique top-down. Elle doit être plus horizontale, interactive et informative.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre.

 

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