Une DMP qui ne se sert ni des cookies ni du cloud pour fonctionner, mais de l’« edge computing »: comment ça marche ? Éléments de réponse avec Jonathan Thabot, directeur commercial de Permutive en charge des pays EMEA.
Expliquez-nous le principe de l’edge computing appliqué à l’analyse des audiences et au ciblage publicitaire.
Pour comprendre notre solution, il faut d’abord comprendre le contexte. Les DMP du marché utilisent le cloud pour mettre en place leurs opérations de ciblage. Elles identifient les utilisateurs à l’aide de cookies qu’elles synchronisent ensuite avec les acteurs de l’écosystème dans le cloud. Ce processus peut prendre entre 24 et 48 heures. Cela rend impossible le ciblage en temps réel.
Les audiences connues des éditeurs ne sont pas concernées par ce délai, non ?
En effet, cela concerne les lecteurs et utilisateurs qui viennent occasionnellement. Ce type de trafic représente entre 40 % et 60 % des personnes. Une DMP classique ne pourra donc pas les cibler. L’autre problème concerne les cookies tiers déjà bloqués par les navigateurs tels que Safari et Firefox. Cela représente également environ 40 % du trafic français. C’est énorme.
Comment pouvez-vous y répondre ?
Nous sommes nés il y a quatre ans à Londres, à un moment où les navigateurs commençaient déjà à bloquer les cookies tiers. Dès le départ, nous savions qu’il fallait se préparer à un monde sans cookies tiers. Nous proposons l’utilisation de l’edge computing et du stockage local de données sur le device de l’utilisateur. On y stocke un identifiant Permutive pour savoir quand cette personne arrive sur la page. Cette information ne sort jamais de cet emplacement, il n’y a que l’éditeur qui peut y accéder. De plus, l’éditeur peut retrouver cet utilisateur au sein d’un segment, mais il ne saura jamais de qui s’agit-il. L’identification personnelle n’est par conséquent pas possible. En somme, l’information que l’éditeur détient est le segment auquel cette personne appartient.
La data first va devenir la monnaie la plus importante de notre écosystème.
Quelles informations vous permettent de segmenter ces utilisateurs ?
Le contexte visité et le comportement de navigation permettent de les segmenter. Par exemple, un utilisateur qui s’apprête à faire un achat ou qui lit plusieurs articles sur un même sujet, cela génère des possibilités de classement. Ce sont ces informations – comportements, intentions – qui intéressent les annonceurs, beaucoup plus que les critères sociodémographiques. Ces derniers sont déjà amplement fournis par les GAFA.
Nous ajoutons de la valeur en permettant aux éditeurs de fournir aux annonceurs du contexte, du comportement et de l’intention. C’est comme cela qu’ils pourront se différencier.
Il est tout à fait possible aussi d’avoir des données d’intention ou de comportement chez les GAFA…
Oui mais les éditeurs disposent de données uniques, propres à chaque éditeur, c’est toute leur richesse. La data first va devenir la monnaie la plus importante de notre écosystème.
Comment se passe ensuite la transmission de cette information associée à l’inventaire de l’éditeur à l’écosystème publicitaire pour l’achat de l’impression dans les ad exchanges ?
Les segments sont calculés directement sur l’appareil de l’utilisateur (= edge processing, c’est-à-dire traitement sur l’appareil). Les données ne sont par conséquent pas envoyées à un serveur pour être traitées. Lorsque la page se charge et qu’une annonce est demandée, Permutive ajoute les ID de segment comme « paires clé-valeur » à l’appel publicitaire. Par exemple, la clé-valeur Permutive 33455 fait référence à l’ID du segment des amateurs de sport. Ces clés-valeurs peuvent être reçues et lues par les principaux ad servers et SSP (à la fois via des intégrations directes ou via un wrapper de header bidding).
L’éditeur peut mettre en place des campagnes basées sur des valeurs spécifiques dans son ad server ou SSP. Par exemple, l’appel publicitaire contenant la clé-valeur Permutive 33455 peut servir à afficher une publicité Nike. La plateforme affichera la publicité spécifique pour tout appel publicitaire reçu qui contient la clé-valeur choisie. Cela permet un ciblage personnalisé en temps réel dans les offres directes et programmatiques (PMP & Open).
À quelles plateformes SSP êtes-vous connecté ?
Nous nous connectons aux principaux SSP du marché, soit directement, soit par header bidding. Nous pouvons citer Xandr/AppNexus, Adx et Rubicon.
Quelle est la différence pour l’éditeur ?
On observe une augmentation de 400 % des recettes issues de la data. Le taux de clics augmente également, dans certains cas de 40%. La première raison est que notre technologie permet tout de suite aux éditeurs d’avoir plus de reach. La deuxième raison est que nous leur fournissons des insights de campagne très poussés. Cela leur offre une valeur supplémentaire, car ils peuvent partager avec leurs clients annonceurs des informations précieuses sur la manière dont les audiences réagissent à chaque campagne.
On observe une augmentation de 400 % des recettes issues de la data. Le taux de clics augmente également, dans certains cas de 40%.
Quels sont vos clients en portefeuille ?
Nous avons à ce jour plus de 65 éditeurs, parmi lesquels The Guardian, The Times, The Economist et Business Insider. La majorité se trouve à Londres et aux États-Unis, avec quelques clients aussi en Allemagne, France et Italie. Cela fait quatre mois que nous avons démarré notre activité en France. Mon objectif est de développer notre portefeuille de clients ici, en Italie et en Espagne. Nous venons de signer avec Unify.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre