Suite de l’interview avec Vihan Sharma, directeur général d’Acxiom en France, au sujet de la collecte et du traitement des données en ligne et du respect de la vie privée (la première partie a été publiée hier).
Les comportements des consommateurs étant aujourd’hui multi-écrans, l’industrie laisse petit à petit de côté l’usage des seuls cookies pour approcher des méthodes de suivi cross device. On entend alors parler de fingerprint, de device ID, de http header. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous pensez de ces différentes méthodes ? Et de l’usage que vous en faites ?
Ces « nouvelles » méthodes, restent des moyens technologiques de tracer ou marquer un navigateur. La disparition annoncée des cookies est aujourd’hui prise en compte par grand nombre d’acteurs de la publicité digitale. Pour Acxiom, il s’agit de proposer à ses clients une plateforme qui soit en mesure de supporter les différentes options technologiques dont un client pourrait souhaiter disposer. Toutefois ces alternatives, si elles visent à optimiser le ciblage des individus aux travers de leurs différents outils de navigation, sont clairement soumises aux mêmes règles que celles applicables aux cookies (cf. Délibération CNIL n° 2013-378 du 5 décembre 2013) [pour la consulter cliquez ici, ndlr].
Le consortium W3C a récemment critiqué très sévèrement les méthodes de tracking sans cookies (lire ici leur déclaration). Que pensez-vous de leur déclaration ?
Le consortium W3C est une initiative américaine, fondée sur le principe d’autorégulation propre à la culture juridique anglo-saxonne. Cette position nous semble alors tout à fait louable dans les pays où la législation n’est pas claire sur le statut encadrant ces pratiques. Mais encore une fois, la situation française est clairement définie notamment par la Délibération de la CNIL (5 Déc 2013) dont le périmètre ne se restreint pas aux cookies mais bien « à d’autres technologies (notamment, en l’état des connaissances actuelles, les local shared objects appelés parfois les cookies « flash », les pixels invisibles ou « web bugs », les identifications par calcul d’empreinte du terminal ou encore des identificateurs cachés). »
Google s’est mis récemment à faire de la pédagogie auprès de ses clients pour les inciter à mieux informer les utilisateurs sur l’usage de cookies, en vue de se conformer aux futures nouvelles réglementations européennes. Que pensez-vous de cette initiative ?
Nous ne pouvons que nous féliciter d’une telle évolution de la part d’un acteur majeur sur le secteur du digital à l’échelle mondiale. Nous sommes convaincus qu’il est du devoir de chacun de faire évoluer les pratiques et les habitudes vers plus de transparence et de pédagogie envers le consommateur. Les nouvelles technologies, comme les usages, évoluent très rapidement et il est essentiel de faire évoluer les pratiques du secteur marketing dans le respect de la vie privée. Cela contribue également à la fondation d’un socle commun de règles/ pratiques pour l’ensemble des régions du monde. A l’échelle européenne, la réglementation sur les cookies, bien qu’encadrée par les instances communautaires (Directive 2009/136/CE), reste encore en pratique au stade expérimental dans bien des pays membres. L’influence d’acteurs comme Google est donc clé pour la transposition de ces règles.
La France étant l’un des premier pays à les avoir transposées, cette influence apparaît peut-être moins urgente a priori. Mais il est toujours essentiel pour les acteurs d’un marché de s’assurer des bonnes pratiques de leurs partenaires. La tâche d’un acteur comme Google est effectivement très vaste mais elle est essentielle puisqu’il a la possibilité de convaincre ses partenaires. Acxiom apporte également une attention toute particulière aux pratiques de ses partenaires et clients en s’assurant dans les faits qu’ils respectent la réglementation en vigueur.
Les données sont stratégiques à double titre : pour le ciblage et le positionnement des campagnes mais ensuite pour l’analyse de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas vis-à-vis l’objectif fixé au départ. Comment concilier la publicité personnalisée, et la publicité tout court, dont on sait qu’elle est indispensable au financement des éditeurs, l’usage de données pour le ciblage de campagnes et le respect de la vie privée d’après vous ?
La donnée (bases CRM) a toujours été utilisée pour améliorer ou personnaliser la relation client sur les canaux du marketing direct. Aujourd’hui on parle beaucoup de la donnée sur ce nouveau canal qu’est l’écosystème programmatique, parce qu’en plus d’offrir une capacité de ciblage performante, elle permet de personnaliser l’expérience consommateur. La publicité personnalisée n’a de sens qu’à partir du moment où le consommateur perçoit une réelle valeur ajoutée (une information pertinente, une réponse à un besoin…). Ainsi, en améliorant la qualité et la pertinence des publicités, les annonceurs améliorent leur image auprès des internautes et ces derniers retrouvent une affinité avec la marque.
Dans le marketing direct les annonceurs ont été habitués à pouvoir calculer la performance de leurs campagnes et donc la pertinence de leurs investissements. Ce type d’évaluation n’était jusqu’alors pas disponible pour les dépenses publicitaires digitales. Désormais nous proposons à nos clients de pouvoir évaluer cette performance par l’analyse des interactions. Mais cette analyse reste fondée sur la donnée anonymisée donc s’appuie sur les segments visés et non l’individu en tant que tel.
Que la donnée soit utilisée pour le ciblage ou pour la mesure du ROI, il nous parait important qu’elle soit anonymisée pour le respect de la vie privée des consommateurs.
Quelles sont vos priorités pour cette rentrée en France et en Europe ?
Nous allons poursuivre notre développement en France comme en Europe, en lançant cet automne la commercialisation de notre plateforme « LiveRamp Connect » à travers l’Europe. Cette offre d’on-boarding va contribuer à renforcer notre position de tiers de confiance. Une rentrée très active que nous abordons avec beaucoup d’enthousiasme.
Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images : Acxiom .)