Le développement d’Instant Articles a franchi une nouvelle étape depuis que Facebook a décidé de l’ouvrir à tous les éditeurs dès le 12 avril prochain, affirmant ainsi sa ferme intention de devenir un véritable distributeur de contenu premium, à la place des éditeurs eux-mêmes.
Médiamétrie, institut privé qui mesure les audiences média en France, a réuni son comité Internet à la mi-février pour débattre de la manière dont on devrait attribuer les audiences d’Instant Articles. Ce comité, qui réunit une trentaine d’éditeurs, mais aussi des annonceurs et des agences, tout comme des représentants des réseaux sociaux distributeurs, en l’occurrence Facebook, a voté et finalement décidé que ces audiences obtenues dans le cadre d’Instant Articles ne seront pas attribuées aux éditeurs (contrairement à ce que souhaitait Facebook).
Cette décision va dans le sens de la logique de ce que plusieurs analystes avaient déjà décrite : les réseaux sociaux et les géants du Net – comme Facebook, Twitter, SnapChat mais aussi Google et Apple – sont en train de changer la manière dont le contenu média est distribué en proposant aux éditeurs leurs propres plateformes comme point d’accès.
Puisque Médiamétrie s’intéresse de près à ce sujet au point de constituer un groupe de travail qui continuera de plancher sur cette question d’ici l’été, nous avons souhaité poser quelques questions à Estelle Duval, directrice du département internet et de Médiamétrie Net Ratings.
Le souhait de trancher la question de l’attribution de l’audience était motivé par le fait que le principe du visiteur unique doit être respecté : on ne peut pas compter deux fois un même lecteur, d’un même article. Êtes-vous satisfait de la décision qui a été prise de n’attribuer cette audience qu’une fois, à Facebook ?
La prise en compte des contenus médias sur des nouveaux supports de diffusion comme Instant Articles de Facebook soulève de nombreuses questions, notamment techniques. Il a donc été décidé de monter un groupe de travail pour instruire ce sujet afin de définir les modalités d’attribution de ces audiences générées sur tous ces nouveaux canaux de diffusion. Dans l’attente, l’audience restera attribuée au support de contenu.
Même si l’audience était attribuée aux éditeurs, cela ne changerait pas le fait que les données sur celles-ci resteraient propriété de Facebook, puisque ce sont bien les membres du réseau qui viennent lire les articles sur la plateforme et qu’ils ne la quittent pas nécessairement pour aller sur le site de l’éditeur. (Rappelons-nous même si l’éditeur peut tagger ses pages il ne dispose pas des données qui lui permettraient de cibler ou recibler ces audiences, puisque ces dernières ‘appartiennent’ au réseau social). Ne pensez-vous pas que ce modèle pose bien un problème de fond pour les éditeurs à long terme : celui de ne plus maîtriser les audiences qui s’intéressent à leurs contenus ?
Les contenus médias sont amenés à voyager sur de nouveaux supports. C’est le cas des contenus vidéo par exemple. Notre rôle est d’accompagner ce changement selon la vision du marché. Nous réfléchissons à la notion d’audience contenus, complémentaire à celle d’audience support qui conserve son statut de référence aujourd’hui.
D’une manière générale, puisque vous réunissez tous les acteurs impliqués pour débattre de la question, pensez-vous que des clivages autour de cette question sont marqués ? En d’autres termes est-ce que le sujet divise les différents acteurs de la chaîne : éditeurs, annonceurs et distributeurs d’après ce que vous avez pu observer ?
Le sujet est complexe, notamment sur le plan technique. C’est pourquoi nous avons constitué un groupe de travail réunissant les différents acteurs de la chaîne. Son rôle est de clarifier les enjeux techniques et de parvenir à une vision commune de l’attribution de ces audiences issues des nouveaux supports de diffusion, partagée entre tous les acteurs.
Dans la mesure où votre métier est bien celui de mesurer les audiences, est-ce que vous pensez que ces nouvelles manières de distribuer le contenu que l’on voit émerger, et dont Instant Articles est une belle illustration, va complètement changer le paysage de l’attribution d’audiences ? Au profit de qui ?
Les contenus vidéo ont déjà changé notre façon de mesurer les audiences. Nous publions à cet égard deux classements : celui des Brands Sites-Supports et celui des Brands Players qui agrège les audiences vidéo quel que soit son support de diffusion. La notion de Brands Contenus pourrait venir compléter ce paysage.
Les travaux de ce groupe vont continuer jusqu’à l’été ? Quels sont vos objectifs ?
Ce groupe de travail se tiendra mi-avril et ses travaux seront partagés avec le Comité Internet début juillet. Nous étudions dès aujourd’hui les spécificités techniques d’une telle mesure qui, compte-tenu des enjeux techniques qu’elle représente, nécessitera des développements dont la mise en production ne serait rendue possible qu’à partir du quatrième trimestre.
Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images : Facebook et Médiamétrie.)