TubeMogul l’une des plateformes DSP les plus courues aux Etats-Unis ne devrait plus trop tarder à ouvrir un bureau en France (voir notre article). Toujours en pleine croissance après son introduction en bourse en l’été 2014 (voir ici ses résultats), l’entreprise a bénéficié du boom de la vidéo qui attire de plus en plus d’annonceurs, y compris en programmatique, partout dans le monde. TubeMogul est aussi à l’origine (avec BrightRoll, Innovid, LiveRail et SpotXchange) de l’initiative Open Video Viability qui promeut une technologie open source de mesure de la visibilité des impressions vidéo développée par la DSP (lire ici aussi). Nous donnons suite ainsi à notre tour d’horizons du marché de la publicité vidéo programmatique en interviewant François-Xavier Le Ray, directeur de TubeMogul en France.
Tirée par une consommation de vidéos en ligne en hausse continue, la mise en place de campagnes publicitaires vidéo de manière automatisée se développe aujourd’hui partout dans le monde. D’après vous, pour un annonceur, quel canal finalement choisir dans la panoplie d’options que le programmatique lui offre ? Enchères ouvertes ? Enchères en privé (deal ID) ? Places de marché privatives ? Garanti ?
Le choix des annonceurs concernant leurs achats programmatiques dépend de leurs objectifs. L’essentiel est que la plateforme qu’ils utilisent leur permette d’accéder à l’ensemble des options à partir d’un point d’entrée. Il est également important qu’ils s’assurent de l’indépendance de la plateforme vis-à-vis des sources d’inventaires. Si le DSP est agnostique et axé achat, il ne sera pas nécessaire de faire des choix puisque toutes ces options seront accessibles.
Votre place de marché privative Brand Access a vu une augmentation très importante en 2014 du nombre d’impressions négociées (1500% en neuf mois selon les chiffres de l’automne dernier). Pourquoi un tel phénomène ? Quels types d’annonceurs préfèrent les places privatives au détriment des ad exchanges ouverts ?
Avec BrandAccess, nous offrons aux annonceurs la possibilité de centraliser n’importe lequel de leurs achats directs existants sur la même plateforme que celle où ils effectuent leurs achats open exchange. Les annonceurs n’abandonnent pas nécessairement les achats RTB pour le programmatique direct, mais ils comprennent de mieux en mieux les bénéfices d’une plateforme leur permettant de consolider l’ensemble de leurs achats vidéo. De plus, nous constatons que le programmatique direct offre aux annonceurs des impressions de qualité supérieure à celles des places de marché ouvertes. Au Royaume-Uni, au quatrième trimestre, le taux de visibilité moyen des impressions était de 63 % via BrandAccess et de 46 % en RTB.
Au final quel intérêt les ad exchanges ouverts représentent-ils encore ?
Les ad exchanges ouverts donnent aux éditeurs la possibilité d’optimiser la monétisation de l’ensemble de leur inventaire et aux annonceurs d’accéder à davantage de volume et d’amplifier leur impact. De par l’automatisation et la simplification des processus d’achat, les ad exchange ouverts sont aujourd’hui le meilleur moyen d’acheter et de vendre des inventaires publicitaires.
Aux Etats-Unis eMarketer parle d’une évolution certaine d’ici 2016 mais non pas fulgurante des investissements sur de la pub vidéo en programmatique. Ces budgets ont été multipliés par trois en 2014, mais ils sont en quelque sorte freinés par un inventaire limité, analyse eMarketer. Selon eux « malgré une demande soutenue pour de l’inventaire vidéo premium en programmatique, les éditeurs et les régies ne se sentent pas stimulés à donner accès à leur inventaire sur les ad exchanges ». Que pensez-vous de cette analyse ? S’applique-t-elle aussi à la France et en Europe ?
Aux États-Unis, les éditeurs et marques média sont de plus en plus prêts à rendre leurs inventaires disponibles de manière programmatique, et ce notamment parce que c’est la volonté même des annonceurs. C’est aussi la raison pour laquelle, nous avons pu voir récemment beaucoup d’achats programmatique de publicités TV lors d’évènements tels que le Super Bowl et les Oscars. Il est indéniable que les ventes programmatiques ne remplaceront jamais totalement les ventes directes, mais les éditeurs américains et européens acceptent de plus en plus l’idée que l’achat programmatique est compatible et complémentaire à une approche premium.
D’après-vous qu’est-ce que la vidéo en ligne offre aux annonceurs que la télévision n’offre pas ?
La vidéo en ligne offre de nombreux bénéfices par rapport à la télévision. Les deux principaux sont la possibilité d’utiliser les données pour améliorer le ciblage et l’efficacité accrue liée à l’automatisation. Les publicités peuvent ainsi être rapidement mises en place, suivies et optimisées en temps réel. De plus, l’utilisation des données permet aux annonceurs de mieux toucher leur cible et non de simplement acheter de l’espace sur un site Internet qu’ils espèrent être pertinent pour leur audience.
Tube Mogul semble bien sur tous les fronts des télévisions connectées, en tout cas bien placé pour ce qui touche à la montée du programmatique auprès des chaînes télé. Un exemple est son partenariat avec AudienceXpress plateforme de monétisation d’audiences télé sur des émissions par câble, satellite, IPTV etc. Pouvez-vous nous expliquer le principe de fonctionnement de la télévision programmatique ?
La télévision programmatique est le prolongement naturel de la vidéo programmatique, elle consiste en l’achat et la vente de publicités télé en s’appuyant sur la technologie. Les avantages sont d’abord de réduire les coûts et de rationaliser la charge de travail liée à une campagnes de publicité, d’offrir la possibilité de vendre des inventaires de qualité à la dernière minute (comme nous avons pu le voir avec Mondelez lors du Super Bowl), et enfin de permettre aux annonceurs de mieux intégrer et d’optimiser leur stratégie de marque dans leur ensemble via l’analyse des impressions quelques jours après leur diffusion, et non de devoir patienter jusqu’à la fin de la campagne. Lors d’un entretien avec AdWeek au Royaume-Uni, Eric Matthewson, le PDG de WideOrbit a declaré: « Si vous faites appel à l’achat programmatique, quand vous diffusez vos spots TV sur 150 emplacements, vous savez exactement ce qui s’est passé dès le jour suivant. Sinon, vous n’en avez pas la moindre idée tant que votre agence n’a pas reçu les factures, 30 à 45 jours plus tard. »
Qu’est-ce qu’il est possible de faire dans ce domaine aujourd’hui aux Etats-Unis ? Quelle partie de l’inventaire télé peut passer en programmatique ? Quelle partie l’est déjà proposée sur les ad exchanges ?
TubeMogul PTV agrège les inventaires TV des principaux acteurs de la télévision par câble et satellite, des groupes audiovisuels locaux et bien plus encore. L’inventaire couvre plus de 80 des principaux opérateurs par câble et des centaines de groupes audiovisuels locaux, avec une couverture de plus de 90 % des ménages américains. Nous avons des intégrations avec les principales plateformes de gestion d’espace télé, tel que Wideorbit. Il est important de faire la différence entre le programmatique numérique et la télévision programmatique, où n’y a pas d’ad exchange, et donc pas d’enchère en temps réel. Le processus se rapproche beaucoup du programmatique direct : les accords se font entre l’annonceur et le réseau ou la chaîne. Historiquement, le media planning TV était un processus long et fastidieux. Les capacités de ciblage étaient limitées et la planification entre les marchés était un véritable cauchemar. Avec la télévision programmatique, les annonceurs peuvent désormais cibler plus précisément uniquement sur l’âge et le genre. Nous intégrons notamment les données de Nielsen et recommandons des ciblages spécifiques sur tout type de critère, du niveau de revenu à la présence d’un animal domestique.
Pouvez-vous nous donner d’autres exemples de plateformes de télé programmatiques auxquelles vous accédez pour les annonceurs ?
TubeMogul est le premier éditeur de logiciel publicitaire en libre-service au niveau mondial à permettre l’achat automatisé d’espace de publicités TV. À notre connaissance, il n’existe pas d’autre produit proposant la même solution. En plus des inventaires régionaux américains, nous pourrons bientôt proposer à nos clients au Royaume-Uni de réserver les inventaires VOD de Channel4. Cette solution devrait être lancée d’ici 4 à 6 semaines.
Quels retours d’expérience ?
Les retours sont très positifs. Comme évoqué plus haut, Mondelez a d’ores et déjà fait appel à PTV pour prendre la parole lors du Super Bowl. D’autres évènements prestigieux comme les Oscars ont également donné lieu à des campagnes TV programmatiques. Laura Henderson, Directrice associée médias et communications chez Mondelez a déclaré : « Ce n’est qu’un aperçu de l’avenir qui s’ouvre à l’achat d’espace automatisé en TV. » Enfin, à titre d’exemple, 87 % des impressions diffusées lors de la première campagne programmatique de 3M l’ont été sur les dix principales chaînes de télévision, dont 1/3 en prime time.
In fine, quand est-ce que la publicité à la télévision telle que l’on la connaît aujourd’hui sera une affaire du passé ? A quand une fusion entre la télévision et tous les autres écrans du digital ?
Les principaux acteurs de la télévision britannique ont annoncé très récemment que les dépenses publicitaires dans le pays avaient augmenté de plus d’un milliard de livres par rapport à l’année dernière. La télévision linéaire est et va continuer d’être le principal vecteur de publicité de marque. C’est davantage pour les contenus, que nous constatons des convergences et des fusions. Il est de plus en plus certain que les consommateurs ne font plus de différence entre TV et numérique. Certains contenus premium sont aujourd’hui uniquement disponibles sur Internet et pourtant les consommateurs les perçoivent comme des contenus semblables à de la TV. Un grand nombre d’entre eux les regardent d’ailleurs sur leur écran de télévision. Pour eux, peu importe qu’il faille télécharger ou y accéder via une chaîne.
En France, aujourd’hui le programmatique touche essentiellement les inventaires vidéo en ligne. On en est encore très loin d’une introduction des ad exchanges pour l’inventaire télé classique et même en VOD ou par satellite ou câble. Jusqu’où la vidéo en programmatique peut-elle aller en France d’après vous ? Quel est votre avis sur ce marché ?
Dans la cadre du récent livre blanc de Digital TV Europe intitulé « L’avenir de la publicité TV», de nombreux marketeurs ont été interviewés dans toute l’Europe. Plus de 90 % d’entre eux ont affirmés que l’achat programmatique va « soit déterminer l’avenir de la publicité télé soit y jouer un rôle important ». Nous pensons donc – comme beaucoup – que ce sera bientôt le tour de la France. Dans un premier temps, pour plus d’efficacité dans les achats d’espace et des campagnes mieux optimisées. Il faudra probablement attendre quelques dizaines d’années avant d’assister à des transactions « en temps réel », et nous doutons même que cela ait lieu un jour.
La suite de l’interview de François-Xavier Le Ray, directeur de TubeMogul en France, sera publiée demain.
Luciana Uchôa-Lefebvre
1 question déjà posée