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Programmatique : Quels contexte et nouveaux défis pour les ad exchanges ? (interview de V. Latronche, Rubicon Project)

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Au centre des transactions programmatiques, les exchanges représentent le socle sur lequel repose la rencontre de l’offre et de la demande. Bien que le sujet du header bidding reste phare pour ces plateformes, le marché lui se transforme. A l’occasion de l’édition 2018 de Dmexco, nous avons rencontré Valérie Latronche, experte du programmatique ayant longtemps travaillé auprès des éditeurs afin de les aider à appréhender ce marché et à s’y développer. Valérie qui a notamment travaillé plus de 3 ans au sein de La Place Media est aujourd’hui Managing Director France & Belgique de Rubicon Project, l’exchange omniformat et omnimédia auquel sont connectés plus de 150 DSP. Elle nous explique le contexte dans lequel évolue la plateforme et les nouveaux défis auxquels elle est confrontée.

Deux ans auparavant, le marché observait une migration d’un modèle d’enchères au 2ème prix vers un modèle au 1er prix. Comment sont désormais répartis les deals ?

V.L : Actuellement, le modèle d’enchère au « First Price » est en effet prédominant. Nous l’appliquons notamment par défaut sur tous les inventaires monétisés dans un système header bidding, qui repose sur deux enchères successives – une enchère au sein de l’exchange lui-même remis en compétition sur des campagnes directes avec d’autres exchanges au sein de l’adserver de l’éditeur. Ce modèle de commercialisation qui représente aujourd’hui 80 % du revenu généré par la plateforme est devenu une norme. Rares sont les éditeurs qui n’ont pas adopté le header bidding. La plupart du temps, il s’agit de petits éditeurs qui se lancent dans la vente d’inventaire. Notre rôle auprès d’eux est par ailleurs de les accompagner dans la maturation du projet exchange et de vulgariser le header bidding.

En ce qui concerne les indicateurs : le win rate (taux d’enchères remportées) est-il encore un élément de pilotage difficile à appréhender ? Quel est le win rate moyen ?

V.L : Le win rate est un indicateur qui fluctue selon différents facteurs : la nature de la campagne, le prix et le type d’enchère soumis, la saisonnalité ou encore la densité de la compétition. Le nombre de paramètres est si important que se référer à un win rate moyen n’est pas vraiment pertinent. Fonctionnant sur un système d’automatisation, l’exchange n’a quant à lui pas de visibilité en amont sur la compétition à laquelle il est soumis au sein de l’adserver de l’éditeur.

En outre, les prix peuvent également varier fortement selon l’intérêt de la demande pour un produit donné, à un moment « T ». Lorsque l’intérêt est fort, le jeu des enchères est assez vertueux et les prix sont élevés. Ils le sont encore plus lorsque l’éditeur offre une bonne connaissance de l’utilisateur grâce à la data. Il faut néanmoins que la performance soit ensuite au rendez-vous car les buyers n’hésiteront pas à analyser la rentabilité de leurs achats.

Rares sont les éditeurs qui n’ont pas adopté le header bidding. La plupart du temps, il s’agit de petits éditeurs qui se lancent dans la vente d’inventaire. 

Quels sont aujourd’hui vos défis majeurs ?

V.L : Nous sommes actuellement challengés sur la connectivité avec la demande. L’objectif est de réussir à rassembler la demande de façon plus efficace et faciliter ainsi l’achat. Rubicon Project est notamment en train de fournir un énorme travail de développement pour d’une part assurer la visibilité des produits proposés par les éditeurs à travers l’exchange mais également permettre aux acheteurs d’enchérir rapidement en s’assurant que les enchères leur soient profitables. Dans un contexte très concurrentiel, c’est un vrai défi. Dans le même temps, nous souhaitons aussi nous mettre à la place de l’acheteur qui se retrouve devant un choix à faire : où acheter le produit proposé sur 15 plateformes différentes ? C’est dans cette démarche que nous avons racheté l’an dernier Ntoggle, une société aidant les acheteurs à optimiser leur accès à la demande. Nous avons aussi mis en place un algorithme permettant aux plateformes d’achat de mieux appréhender leur stratégie d’enchères dans un environnement qui a basculé en « First Price ». Parmi les défis quotidiens, nous pouvons également citer l’adaptation aux nouveaux formats qui se créent constamment et qu’il nous faut suivre avec attention.

En tant qu’exchange, comment survit-on face aux deux géants, que nous ne nommerons plus, dont les données représentent une véritable mine d’or pour les annonceurs ?

V.L : Contrairement aux autres exchanges dont nous faisons partie, Google et Facebook disposent de leur data respective accessible exclusivement au sein de leur environnement. La data détenue par Facebook circule exclusivement dans son circuit tandis que celle de Google est rendue accessible à l’acheteur si celui-ci utilise le stack de Google. Cependant, si ce dernier est utilisé par un bon nombre d’acheteurs, il ne détient pas 100 % du marché. Entre les efforts fournis par certains éditeurs pour qualifier leurs propres internautes et la formation d’alliances data, les éditeurs représentent des sources de données toutes aussi légitimes et portant leurs fruits. Les acheteurs vont forcément continuer à solliciter leur data car elle offre du ROI et de la performance.

Entre le Digital-Out-Of-Home, l’audio ou encore la voix et les assistants vocaux, de nouveaux supports voient le jour et sont envisagés dans un cadre programmatique. Etes-vous déjà en train de les apprivoiser ?

V.L : Le programmatique se déporte en effet peu à peu sur d’autres supports. Le programmatique audio est en train de se développer, du moins sur les formats streamés et nous pouvons déjà concrètement l’observer étant partenaires de Spotify. Nous partageons de plus en plus de réflexions avec les acteurs du DOOH qui apparaissent sur un marché qui se construit avec des acteurs tels que Displayce en France. Pour le moment nous ne travaillons pas encore avec des éditeurs sur ce créneau en Europe mais c’est déjà le cas avec les US.

Notre adaptation à ces nouveaux supports reposera pour le moment sur notre capacité à continuer d’accompagner le marché et de faciliter l’intégration de notre plateforme dans le stack de l’éditeur.
Nous travaillons beaucoup sur les sujets de prébid sans faire abstraction du fait qu’une partie des éditeurs peut solliciter une intégration directe sur son adserver.

Le programmatique se déporte en effet peu à peu sur d’autres supports. Le programmatique audio est en train de se développer, du moins sur les formats streamés et nous pouvons déjà concrètement l’observer étant partenaires de Spotify

Parmi les autres défis auxquels un ad exchange doit faire face : les problèmes de charge générés par les appels de tags dans le cadre du header bidding sont-ils encore d’actualité ? Qu’en est-il du server-side ?

V.L : La capacité de gestion des data centers est un vaste sujet. Le nombre de requêtes est croissant pour diverses raisons. Premièrement, nous travaillons avec des éditeurs sur des inventaires auxquels nous n’avions pas accès puisque contrairement à aujourd’hui où toutes les impressions sont potentiellement priorisées, nous apparaissions auparavant en fin de liste au sein de leurs ad servers (priorisation).

De plus, le fait de travailler avec de plus en plus d’éditeurs multiplie évidemment le nombre d’ad requests à traiter. Mais absorber cette charge supplémentaire n’a pas vraiment été un problème car nous y étions préparés.

D’un point de vue éditeur, la mise en compétition de plusieurs exchanges et la latence qu’elle engendre remettent en question l’intégration client-side. Les sites, pages web et navigateurs n’ont pas été créés dans l’optique de supporter cette charge.
L’intégration server-side offre une solution pour limiter le nombre d’appels en déportant la charge vers des serveurs intermédiaires en charge de soutenir les appels restants et servant de relais vers les autres exchanges.

L’intégration server-side peut s’effectuer de deux manières :
– une intégration directe avec l’adserver : pour certains adservers nous fonctionnons déjà en intégration native notamment avec DFP (et le programme exchange bidding)
– via une API permettant de développer littéralement une unified auction (enchère unifiée) dans l’adserver propriétaire de l’éditeur.

De plus, nous développons notre instance de Prebid Server permettant d’héberger l’exchange relais sur les autres exchanges.
C’est une solution qui demande à la fois beaucoup d’investissements humains et financiers, c’est également une solution complète qu’il faut intégrer chez l’éditeur, chez la régie et avec le partenaire technologique qui sera choisi. C’est pour toutes ces raisons que son adoption est lente.

A cela s’ajoutent les questions de transparence : en déportant une partie de son activité chez un tiers, comment la contrôler ?

V.L : C’est tout l’enjeu de l’adoption d’une solution Open Source telle que Prebid.
S’il est depuis quelques temps déjà possible de qualifier le programmatique de « marché mature », ses acteurs n’en sont pas moins challengés au vu des problématiques auxquelles ils font face.

Celles-ci seront notamment abordées lors des 4ème Rencontres Editeurs organisées les 30 et 31 janvier à Amsterdam.

Propos recueillis par Stéphanie Silo

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