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GAFAM vs éditeurs : Comprendre le point de vue des acheteurs de la chaîne publicitaire (interview A. Perdriel-Vaissiere, Publicis Média)

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Money, RTB.

Grâce à la puissance de leurs audiences et services, les GAFAM attirent l’écrasante majorité des investissements publicitaires. Ce constat n’est pas nouveau et les éditeurs en ligne, les premiers à en subir les conséquences, ne cessent de le répéter. Mais comment les acheteurs de la chaîne publicitaire – qui contribuent à pérenniser cet état de fait – envisagent l’avenir ?  Positionnés entre les GAFAM, qui attirent toutes leurs ressources, et les éditeurs qu’ils semblent considérer tout aussi importants pour l’écosystème, que pensent-ils au juste ? Nous cherchons à le savoir à travers le regard avisé de Aude Perdriel-Vaissiere, directrice générale adjointe data, technologie, analytics et insight chez Publicis Média.

Vous déclarez que l’offre des éditeurs en dehors des GAFAM est très importante pour les annonceurs. Mais dans les faits les investissements publicitaires partent tous chez les GAFAM.

Aude Perdriel-Vaissiere, Publicis Média.
Aude Perdriel-Vaissiere, Publicis Média.

Il est vrai que la majorité des investissements digitaux vont vers les GAFAM. Google a un stack technique très large, qui va du search à la DSP en passant par l’ad server et le modèle d’attribution. Facebook c’est tout autre chose, c’est vraiment un walled garden avec des segments activables et des audiences à acheter. Quoi qu’il en soit, on fait aussi bien avec eux et qu’avec les éditeurs. La maîtrise du contexte de diffusion des campagnes est fondamentale pour nous et c’est bien pour cette raison que nous, agences média, et les annonceurs devons contribuer à conserver cet écosystème éditeurs qui est très important pour nous.

Si l’on prend l’exemple de ce qu’il s’est passé sur Facebook, on voit bien qu’ils ne peuvent pas maîtriser véritablement ce qui est fait de la data qu’ils captent. Est-ce que cela vous donne moins envie d’aller chez eux ?

Notre métier c’est d’annoncer sur Facebook et d’y acheter des segments pour le compte de nos annonceurs. Nous sommes déjà très limités en termes de données sur Facebook : tout ce que nous pouvons faire est poser un pixel d’exposition dans la publicité qui nous permettra juste de dire si la publicité a été vue ou pas.

Vous n’en retirez rien, la data reste chez eux.

Oui, il faut que nous passions par leur régie et que nous achetions ce qu’ils nous proposent. Ceci étant, dans les plans média aujourd’hui, ce n’est pas antinomique de faire à la fois du social et du programmatique chez des éditeurs classiques. Le social et le search sont des leviers au même titre que le programmatique ou le gré à gré.

Oui mais le social prend le dessus sur tous les autres, c’est ce que les chiffres montrent en tout cas.

Ce n’est pas nécessairement de la responsabilité de l’agence média ou de l’annonceur. Le reach est chez Facebook est chez Google. Quand la campagne exige d’avoir un reach fort, nous sommes obligés d’aller là où il existe et où il est conséquent. Il y a dix ans, Microsoft avait plus de 80 % de reach avec Messenger, cela ne posait pas plus de problème que cela. Nous allons donc chercher le reach et les segments qui peuvent nous intéresser sur le social. Reste à savoir comment Google et Facebook vont appréhender la mise en application du Règlement général de protection de données (RGPD) : là nous saurons jusqu’où ils peuvent aller en termes de consentement et comment feront-ils pour profiler les gens en fonction de leur accord. Cela m’intéresse de savoir comment ils le mettront en place.

Ce n’est pas nécessairement de la responsabilité de l’agence média ou de l’annonceur. Le reach est chez Facebook est chez Google.

Vous dites que les éditeurs sont importants pour vous. Dans quel contexte, dans quel cadre et pourquoi ?

Tout d’abord pour une question de pluralité. Nous avons besoin de sites avec des journalistes pour analyser les sources, creuser, trouver l’angle. C’est vraiment cela qui fait la valeur de l’information de nos jours dans un contexte de fake news, et que l’on ne trouve pas forcément sur les réseaux sociaux. Plus il y aura de l’information, plus il y aura de pluralité et pour nos clients annonceurs plus il y aura des possibilités d’annoncer dans un contexte qui convient à la marque. Pour certains annonceurs, il est fondamental de s’assurer que le site est en adéquation avec sa philosophie et ses valeurs, et il n’y a que les éditeurs qui peuvent nous le certifier aujourd’hui.

Data, tracking.Parlons data : aujourd’hui l’offre de data intentionniste s’enrichit, on voit les retailers qui s’y lancent et des plateformes de search et d’e-commerce qui proposent de segments de données de ce type. Qu’en pensez-vous ?

Toutes les données sont intéressantes pour les campagnes, et plus elles sont déterministes plus elles sont intéressantes. C’est beaucoup mieux d’acheter une donnée dont on sait comment elle a été collectée et traitée qu’une donnée 3rd party avec des segments dont on ne sait pas comment ils ont été constitués. D’autre part, plus nos clients montent en compétence sur la donnée, plus ils s’intéressent à la manière dont la donnée est faite. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons un département de data science qui n’est plus là que pour acheter des segments mais aussi pour creuser ce qui il y a dans les logs et faire des rapprochements là où initialement on ne le faisait pas. Nos annonceurs sont friands de cela. Il n’y a pas que la mesure de l’efficacité média mais aussi les insights qui comptent. On va apprendre avec les logs que l’on traite des choses que l’on n’aurait pas forcément identifiées de façon classique. Et la donnée c’est aussi cela, c’est apprendre plus sur les audiences de façon évidemment anonyme.

Il n’y a pas que la mesure de l’efficacité média mais aussi les insights qui comptent.

Pensez-vous que le RGPD va avoir une incidence forte sur l’offre de segments 3rd party et par ricochet donner plus de valeur aussi à la donnée des éditeurs ?

J’en suis persuadée. Le consentement est traité par les éditeurs. La donnée de l’audience qui donnera son accord aura beaucoup plus d’importance que la third. Les éditeurs vont par conséquent avoir une position prédominante parce que ce sont eux qui ont la main sur cette audience-là. Le cookie bombing va mourir. Le RGPD c’est très positif dans ce sens.

Mais est-ce que l’offre de donnée 3rd party va cesser d’exister ?

Non, en tout cas pas les 3rd party constituées par des gens sérieux, comme Nielsen ou Acxiom, qui demandent l’accord aux éditeurs. En revanche, cela va donner un grand coup de balai dans les fournisseurs de données un peu exotiques dont on ne savait pas trop d’où elles venaient ni si les gens étaient vraiment d’accord pour les partager.

Dans l’achat média aujourd’hui qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?

Le programmatique c’est de l’hyper automatisation mais il faut que l’on conserve la relation client. Pour que les éditeurs comprennent les annonceurs, il faut leur parler. Dans l’open auction aujourd’hui on achète un bid et pas forcément le contexte et le travail de la marque qui va bien. Il faut se poser et travailler davantage des places de marché privées, le contexte, les besoins de la marque et l’efficacité média. L’automatisation de la chaîne de valeur c’est positif, mais à condition d’y ajouter tout ce travail de préparation : on redonne ainsi de la valeur à l’éditeur pour son contexte, à l’agence média pour son conseil et à l’annonceur, qui sera content de la diffusion de sa campagne. Nous avons créé une offre programmatique basée sur des PMP éditeurs sur un inventaire exclusivement premium avec des urls 100 % transparentes. Cela fonctionne bien parce que l’annonceur sait où l’inventaire est acheté et à quel prix, il est complètement rassuré du contexte où sa campagne est diffusée.

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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