Dans un contexte marché difficile, être compétitif face aux géants implique d’unir ses forces. La stratégie d’union, la capacité à atteindre de grosses volumétries, l’ADN médias premium des marques ou encore le label Digital Ad Trust font la force d’une alliance comme Gravity avec pour challenge de composer avec l’hétérogénéité des environnements des éditeurs membres. Fabien Magalon, Directeur Général d’Alliance Gravity nous explique dans quelle mesure l’alliance permet de faire face aux géants.
Qui sont les membres et quel est le rôle d’Alliance Gravity ?
Alliance Gravity est un rassemblement entre éditeurs français de différentes natures tel que les PagesJaunes de Solocal, des opérateurs télecom comme Orange et SFR, des sites e-commerce dont des marques du retail ou encore des marques médias.
L’ensemble des partenaires membres de l’alliance déposent toute ou partie de leurs données digitalisées (données navigationnelles, transactionnelles, CRM, Search) au sein de la plateforme Gravity dont le travail est de croiser l’ensemble de ces données pour donner naissance à une nouvelle data de ciblage beaucoup plus puissante et granulaire que celle que chacun des éditeurs est capable de construire individuellement. L’Alliance Gravity est supérieure à la somme des parties qui la compose.
Quelles sont les motivations des éditeurs à rejoindre une alliance comme Gravity ?
Le principal motif est lié au contexte marché à la fois difficile et d’une amplitude inouïe. Nous sommes dans un marché en pleine croissance, quasiment exclusivement tiré par deux acteurs. Or, si 80 % des investissements en publicité digitale reviennent à Google et Facebook, pour autant 80 % du temps passé par les utilisateurs ne se fait pas sur leurs plateformes, ce qui est anormal. La réussite de Google et Facebook repose sur une puissance instantanée importante, une granularité et diversité de data exceptionnelle sans oublier une plateforme singulière, facile d’accès et d’utilisation permettant d’accéder à leurs offres.
De notre côté, nous essayons de reproduire l’ensemble des facteurs clés de succès des deux géants pour atteindre la masse critique en termes de couverture, de reach, d’audience mais aussi en termes de puissance et nombre de segments. Pour ce faire, nous avons la certitude qu’il est nécessaire de se rassembler largement. La motivation des éditeurs à rejoindre Gravity est donc de participer à un collectif pour mutualiser un certain nombre d’actifs propriétaires et donner naissance à un nouvel actif qui soit compétitif avec ceux des géants transnationaux qui dominent actuellement le marché.
Quelles sont les forces et faiblesses de l’alliance ?
La force de Gravity réside dans la stratégie d’union et la capacité des éditeurs à atteindre des volumétries inédites. La deuxième force est dans le positionnement de Gravity et dans l’ADN même des marques avec lesquelles nous travaillons : un ADN média premium, valorisant et rassurant avec des contextes de diffusion éditorialisés et maîtrisés qui font la part belle à la « true-news » par opposition aux fakes news. La plupart des éditeurs (près de 60%) qui ont été labellisés par Digital Ad Trust sont d’ailleurs membres d’Alliance Gravity.
Le travail avec des environnements de diffusion hétérogènes sont en revanche notre challenge et à la différence de Google et Facebook, nous n’avons pas un login commun standardisé sur l’ensemble des éditeurs.
D’ailleurs, envisagez-vous de développer un environnement logué commun pour les éditeurs membres ?
C’est d’abord un sujet éditeur. L’initiative lancée par le GESTE pour la création d’un environnement logué commun est selon moi une excellente idée : la friction pour l’utilisateur est minimisée par l’agrégation des supports participant à cette initiative. Il y aura de nombreux bénéfices en termes de mesure et de reconnaissance des utilisateurs dans des environnements « multi-devices » : il y a potentiellement différents desktops au sein d’un même foyer tandis qu’au sein d’un même mobile, il y a un environnement applicatif, un environnement web mobile issu du navigateur de l’OS ou encore les « web views » (in-app browsers) au sein des applications comme Facebook.
La constitution d’un pont commun entre toutes ces interfaces de consultation de contenu permettrait aux éditeurs de réconcilier les utilisateurs avec tous ces environnements. Cela permettrait également d’établir une contractualisation avec l’éditeur en prévision de RGPD et e-privacy spécifiquement.
Avez-vous des craintes vis-à-vis de la nouvelle réglementation sur la protection des données (RGPD) ?
Bien que ce soit coûteux et complexe à implémenter, on voit le RGPD comme une opportunité. Il faut se souvenir que la précédente directive sur la protection des données date d’une époque où il n’y avait ni mobile, ni réseaux sociaux, ni retargeting, ni géociblage. Il était donc plus que nécessaire de la mettre à jour.
La RGPD va assainir le marché de certaines pratiques. Cela peut évidemment impacter les volumétries des données exploitables au travers d’un consentement plus libre et plus explicite. Cependant, cela va aussi améliorer la qualité des données exploitables. Par exemple, à une époque l’e-mailing était un vrai Far West. L’introduction de l’opt-in a considérablement diminué les volumes de bases mais en réalité, cela a créé des opt-ins véritables avec des intérêts avérés pour la réception d’emails personnalisés. Ce changement a été à l’origine de bases beaucoup plus qualitatives. Il est possible d’anticiper le même type de phénomène avec l’arrivée du RGPD et peut-être demain d’e-privacy.
Propos recueillis par Stéphanie Silo