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AdTech : Google reconnu coupable de monopole sur deux marchés clés de la publicité programmatique

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Ce qu’il faut retenir

  • Les faits. La justice américaine a reconnu Google coupable d’avoir abusé de sa position dominante sur les marchés des ad servers éditeurs et des ad exchanges open web. Le géant est aussi sanctionné pour avoir lié de façon illégale ses produits DFP et AdX.
  • Les conséquences. Le tribunal pointe une stratégie d’exclusion ayant limité la concurrence, réduit les revenus éditeurs et verrouillé l’écosystème au profit de Google. Des pratiques comme Last Look ou les unified pricing rules sont jugées anticoncurrentielles.
  • What’s next. Une seconde phase s’ouvre pour déterminer les remèdes, avec à la clé des mesures structurelles ou comportementales. Le DOJ évoque une possible cession d’actifs ad tech de Google ou une interdiction d’autoprivilégiation.

C’est une décision historique pour l’écosystème publicitaire. Le tribunal fédéral de Virginie a jugé que Google avait abusé de sa position dominante sur deux marchés de l’ad tech : les ad servers éditeurs et les ad exchanges pour la publicité display sur l’open web.

La juge Leonie Brinkema a estimé que Google avait violé la section 2 du Sherman Act, texte de référence du droit antitrust américain, en acquérant et maintenant de manière illégale un pouvoir monopolistique dans ces deux segments. Le tribunal a également reconnu un « tying » anticoncurrentiel entre son ad server (DFP) et sa place de marché publicitaire (AdX), contraignant les éditeurs à utiliser l’ensemble de son stack pour accéder à son bassin d’annonceurs.

Une stratégie de verrouillage jugée illégale

L’instruction a mis en lumière une mécanique d’intégration progressive et contrainte : en conditionnant l’accès à AdX à l’usage de DFP, Google a écarté la concurrence sur les ad servers, verrouillant plus de 90 % du marché selon le jugement.

Par ailleurs, des pratiques comme le « First Look » et le « Last Look », ou encore l’ajustement dynamique des commissions côté sell-side, ont renforcé cet avantage, au détriment des éditeurs et des autres ad exchanges. Même les mesures présentées comme correctives — telles que les unified pricing rules — sont considérées comme ayant consolidé la position d’AdX.

Des acquisitions structurantes et ciblées

Le rachat de DoubleClick en 2008 a été décisif dans la constitution de cette domination. Des documents internes ont révélé que l’objectif de Google était aussi d’éviter que ses concurrents (notamment Microsoft) n’accèdent à ces actifs stratégiques. L’acquisition d’Admeld en 2011 a poursuivi cette logique, notamment en supprimant des fonctionnalités utiles aux éditeurs non-utilisateurs de DFP.

Le tribunal a rejeté les arguments de Google selon lesquels ses choix relevaient d’innovations produit ou d’une recherche d’efficacité. Il les a jugés « prétextuels », estimant que leur finalité réelle était de freiner la concurrence et d’augmenter la dépendance des éditeurs.

Un jugement attendu, une décision aux conséquences potentielles majeures

Cette décision, très attendue depuis la fin du procès en novembre 2023, constitue un tournant dans la régulation du marché programmatique. Elle ouvre désormais la voie à une seconde phase, celle des remèdes, qui pourraient inclure des sanctions structurelles (jusqu’à une possible cession d’actifs publicitaires de Google) ou comportementales (interdiction de l’autoprivilégiation).

Le DOJ avait également demandé des sanctions pour spoliation de preuves, en raison du recours abusif de Google au privilège juridique pour masquer certaines communications. Si la juge Brinkema reconnaît des manquements graves, elle estime cependant que les preuves déjà réunies suffisent à établir les violations.

Un signal fort pour le marché ouvert

« Pendant plus de dix ans, Google a lié son Adserver éditeur à son Adexchange via des politiques contractuelles et des intégrations techniques, protégeant ainsi sa position dominante », conclut la juge dans son arrêt. Une stratégie qui, selon elle, a nuit aux éditeurs, à la concurrence, et in fine aux consommateurs.

Alors que la phase des remèdes débutera dans les prochaines semaines, ce jugement donne raison à de nombreux éditeurs qui dénonçaient de longue date un déséquilibre structurel dans les relations commerciales avec Google.

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