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Influence marketing automatisée : l’exhaustivité ne menace-t-elle pas la qualité ? (interview de Q. Bordage, Kolsquare)

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L’influence marketing s’industrialise. Avec la progression significative des budgets accordés à ce canal par les annonceurs, l’offre technologique se multiplie. En France, ils sont une bonne poignée dans l’adtech à le proposer, avec des approches différentes. Pour comprendre le mécanisme des plateformes spécialisées dans l’influence marketing, nous avons choisi d’interviewer Quentin Bordage, CEO de Brand and Celebrities et de Kolsquare. Cet acteur a commencé à mettre en relation des influenceurs et des marques avant même que le marketing d’influence, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui sur les réseaux sociaux, ne voit le jour. Son approche – celle d’exhaustivité – est un parti pris qu’on essayera de comprendre.

Vous êtes quatre ou cinq dans ce marché de l’automatisation des campagnes d’influence en France : quelles sont les spécificités de Kolsquare ?

Il y a en effet en gros trois types de plateformes. Tout d’abord, celles basées sur le search et proposant un catalogue exhaustif, c’est notre cas. Ensuite, des plateformes de « seeding » : les influenceurs s’y inscrivent et répondent aux annonces que les marques postent, sans médiation ni data. Enfin, d’autres encore sont des plateformes d’IRM (Influencer Relationship Management). Ces dernières fournissent uniquement les tuyaux, l’automation. Les marques les alimentent avec leurs propres bases d’influenceurs. Ces trois types d’offres ont tendance à converger. La raison est que les annonceurs ont besoin de ces trois types de fonctionnalités.

Nous sommes data centric. Notre approche est la plus exhaustive et objective possible. Elle consiste à recenser la totalité des key opinion leaders (KOL) partout dans le monde. Notre critère principal est que chaque KOL matche avec les besoins de nos clients. Cela demande beaucoup de technologie : un tiers de nos effectifs sont des développeurs. Ils travaillent dans la collecte, l’analyse et l’interprétation des données pour qualifier ces influenceurs.

Comment faites-vous pour les identifier ?

J’ai créé Brand and Celibrities il y a neuf ans avec la même approche data centric. Nous avions mis en place un catalogue de 6 000 célébrités dans le monde. À l’époque, nous collections ces données de manière automatisée sur le web, et nous les complétions à la main. Nous invitions les célébrités elles-mêmes à finir de répertorier les informations les concernant. Les annonceurs et les agences s’en servaient pour mettre en place leurs campagnes. Notre promesse était de leur apporter les célébrités qui avaient du sens pour eux. Nous étions les seuls à proposer le haut de la pyramide. Par la suite, nous avons étendu cette plateforme à plus de 1,4 million d’influenceurs.

Aujourd’hui, la différence est que l’approche manuelle n’est plus possible. Nous nous connectons aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et TikTok que l’on vient de rajouter). Nos crawlers identifient de manière automatisée l’intégralité des comptes sociaux. Nous fonctionnons par capilarité : on part de leurs followers puis des followers de ces followers et ainsi de suite. Quand on arrive à répertorier tous les comptes d’un réseau, on regarde alors leur nombre de followers pour ne garder que ceux qui disposent de plus de 5 000 pour les afficher sur notre plateforme. C’est comme cela que nous traitons de manière exhaustive chaque réseau. C’est une spécificité forte de notre plateforme.

Par la suite, nous collectons plein de données sur ces comptes : les contenus qu’ils publient (texte, image, vidéo, etc.), les engagements liés à leurs posts, les données sociodémographiques de leurs audiences, etc. Tout cela pour comprendre le type d’audiences auxquelles ils s’adressent.

Comment, dans un contexte aussi exhaustif, garantir la qualité des influenceurs que vous mettez à la portée des marques ?

mobileDeux situations sont possibles : soit nous avons déjà travaillé avec eux soit pas encore. Dans le second cas, nous nous basons sur la data. Une fois que le catalogue est qualifié et affiché, dans les marchés où nous avons beaucoup de campagnes, comme la France ou l’Espagne, nous faisons une repasse manuelle tentant compte des besoins de nos clients pour les analyser et finir de les qualifier. Dès la phase de capilarité, nous les regroupons, car un même influenceur peut avoir plusieurs comptes sociaux. Les marques s’intéressent aux KOL disposant d’une puissance médiatique sur plusieurs réseaux. Par ailleurs, nous trions également pour enlever tous ceux qui disposent de plus de 5 000 followers mais qui ne sont pas des influenceurs au sens strict du terme. Je pense aux médias, aux marques et aux retailers.

L’analyse statistique nous permet ensuite d’exclure les robots. Ce sont des comptes dont on constate un comportement bizarre. C’est aux réseaux sociaux de faire ce travail, mais nous savons qu’ils ne le font pas toujours comme il faudrait. Ils sont à la fois juge et partie, c’est compliqué…

Nous avons mis au point un indice de qualité d’audience. Nous le calculons via des algorithmes qui tiennent compte du taux d’engagement observé comparé à la moyenne du type d’influenceur dont il s’agit. Si vous avez une énorme communauté avec beaucoup de robots, vous aurez peu d’engagement. Le taux sera inférieur à la moyenne observe chez d’autres influenceurs disposant d’une bonne communauté. Nous regardons également où se situent les audiences. Si vous postez en français et que vous avez une audience énorme en Inde, en Indonésie ou en Europe de l’Est, il y a des grandes chances pour qu’il s’agisse de robots, même si ce n’est pas toujours le cas.

L’analyse statistique nous permet d’exclure les robots.

Mais comment combattez-vous la fraude justement ?

Nous ne combattons pas la fraude, c’est aux plateformes sociales de le faire. Nous mesurons et, basés sur l’analyse statistique, l’évitons.

Comment faites-vous pour vous assurer de la fiabilité des influenceurs ?

Notre démarche est de fournir aux marques et aux agences des outils d’aide à la prise de décision. Je fais le parallèle avec un pilote d’avion. Il doit disposer de nombreux instruments pour piloter, mais c’est lui le pilote. Notre souhait est de fournir aux marques des outils qui permettent d’être plus efficace, d’augmenter son ROI et de limiter son risque. Pour cela nous mettons à leur disposition un maximum de données et un indice de qualité d’audience. Elles peuvent alors se faire leur propre opinion.

La suite de l’interview de Quentin Bordage, CEO de Brand and Celebrities et de Kolsquare, sera publiée demain.

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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