Face à la forte concurrence du e-commerce, les retailers traditionnels doivent aujourd’hui s’appuyer sur la technologie pour développer des stratégies de conquête toujours plus performantes et ainsi renforcer leur position sur leur marché. Afin d’en savoir plus sur cette tendance, nous avons interviewé Thomas Opoczynski, CEO & Co-founder de Singlespot (plateforme drive-to-store) lors de l’édition 2018 du MobileOne.
Dans quel contexte évolue Singlespot et à quels objectifs répond la technologie ?
T.O : Singlespot est une start-up basée à Paris (disposant également de bureaux à Londres, Milan et Madrid) qui collecte et qualifie des données de localisation afin d’optimiser le marketing des retailers et des marques. Nous avons développé une technologie de collecte de données de localisation qui permet de reconstruire le parcours physique des consommateurs. Grâce à cette data, nous sommes en mesure de faire deux choses : développer des campagnes publicitaires dont l’objectif est de générer du trafic en point de vente et offrir à nos clients un état des lieux du marché grâce à une analyse des comportements et des déplacements des consommateurs.
De quelle manière la technologie permet-elle aux retailers d’optimiser leur stratégie de conquête ?
T.O : Afin de permettre aux retailers de générer du trafic en magasin, nous effectuons un ciblage des individus en fonction de leur historique ou plus précisément des enseignes et points d’intérêt qu’ils ont visité pour ensuite les toucher via la diffusion de publicités. Nous pourrions par exemple permettre à Carrefour de cibler les clients de concurrents vivant à moins de 5 km de l’un de ses magasins, leur diffuser une annonce, pour être ensuite capable de mesurer les visites effectives des personnes ciblées et exposées à la campagne.
Dans un second temps, nous aidons nos clients à monitorer leurs performances de visites en point de vente grâce aux données de localisation.
Aujourd’hui, les retailers utilisent différents systèmes plus ou moins limités pour la mesure des entrées et sorties de leurs points de vente. Notre objectif est d’offrir aux marques une alternative grâce à une base régulièrement alimentée par des données comportementales intégrant les déplacements des consommateurs. Ces données nous permettent de leur offrir une quasi-étude de marché : nombre de visites constatées sur un magasin spécifique, la part de marché d’un magasin sur sa zone de chalandise, les évolutions de cette part de marché ou encore la zone géographique dans laquelle vivent les clients. Toutes ces informations sont mises à jour en temps réel grâce à la data collectée quotidiennement.
L’exploitation des informations d’achat pourraient permettre aux retailers d’aller encore plus loin dans cette démarche de conquête, pensez-vous pouvoir accéder à ses données dans le futur ?
T.O : En terme de conversion, il y a en effet deux métriques : la visite qui ne s’accompagne pas forcément d’un achat et l’achat sur le point de vente. Actuellement, nous ne recueillons pas les données d’achat. C’est une mine d’or que les retailers détiennent et retiennent. Nos données permettent de mesurer l’impact de tout ce que peuvent aujourd’hui faire des retailers, toutefois, nous aurions bien sûr souhaité avoir l’opportunité d’exploiter ses données. Nous invitons tous les retailers à travailler avec nous en ce sens, cependant, ceux-ci ont du mal à partager cette donnée sur laquelle ils sont assis depuis des années.
En renforçant la protection des données personnelles en Europe, le RGPD a introduit de nouveaux défis pour les acteurs de l’industrie de la publicité. Quels sont les vôtres ?
T.O : A l’arrivée du RGPD, les acteurs du marché ont dû se remettre en question en s’assurant qu’ils travailleraient en conformité avec le règlement. Sur notre secteur, il n’y a pas eu de vraies guidelines, ce qui a engendré un flou et une angoisse généralisée. Ceci s’est notamment traduit par une petite défiance du marché et une baisse des investissements média.
De notre côté, nous avons été impactés de façon indirecte comme le reste des acteurs à causes des multiples interrogations levées, et notamment des interrogations sur la meilleure façon d’informer de façon explicite les individus sur la collecte des données pour un consentement éclairé ou encore la définition du meilleur temps de conservation des données pour alimenter la technologie.
Nous avons donc mobilisé nos équipes et travaillé en collaboration avec des avocats afin de répondre aux exigences du RGPD.
En avril 2018, Singlespot a levé 6 millions d’euros auprès d’Iris Capital pour augmenter l’efficacité des campagnes drive-to-store des commerçants. L’entreprise développe actuellement ses activités en Europe.
Propos recueillis par Stéphanie Silo