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« L’adtech est de plus en plus complexe » (P. Framezelle, Adverline)

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En à peine quelques mois cette année, la régie Adverline (Mediapost) a annoncé l’arrivée de trois nouveaux éditeurs, tous dans la verticale « entertainment » : Skyrock, radio musicale privée, Seriously.com, site d’informations dédié aux séries télévisées et ciblant les Millennials, et Polymate, application sociale géolocalisée. Adverline réunit entre 22 et 23 millions de visiteurs uniques, avec des marques telles que laposte.fr, Lonely Planet ou La Tribune. Rencontre cet été avec Philippe Framezelle, directeur de la régie, pour faire le point sur son actualité mais également  sur celle de son industrie.

Pourquoi le choix de renforcer l’offre entertainment ?
Philippe Framezelle, Adverline.
Philippe Framezelle, Adverline.

Notre stratégie demeure celle d’acquérir de nouveaux éditeurs pour monétiser leurs audiences. Nous avons développé l’entertainment en particulier cette année parce que nous avions perdu NRJ, et il nous fallait compenser cette perte. L’arrivée de Skyrock répond à cet objectif. De plus, nous avons toujours proposé des sites de cette verticale, comme Non stop people ou VSD. Skyrock, Seriously et le réseau social Polymate vont dans le même sens.

Ceci étant, nous ne sommes pas focalisés exclusivement sur ce thème. Nous essayons également de développer nos verticales historiques, comme le BtoB, l’immobilier et le voyage.

Quelles solutions technologiques vous paraissent indispensables aujourd’hui pour vous aider dans le déploiement efficace d’une stratégie de monétisation?

Notre particularité est d’avoir notre propre ad server, c’est historique. Par ailleurs, nous sommes en train de migrer une partie de nos sites sur DFP [DoubleClick for Publishers, le SSP de Google renommé récemment Google Ad Manager, N.D.L.R.] parce que c’est ce qui compte aujourd’hui, c’est de faire un yield parfait. Pour avoir un yield parfait, il faut pouvoir interroger 100 % des bourses électroniques [sa manière de nommer les ad exchanges et SSP, N.D.L.R.]. Cet outil est nécessaire pour interroger la bourse électronique de Google, qui est une des plus importantes.

Nous avons développé notre propre wrapper  qui nous permet d’interroger chaque bourse électronique en temps réel et d’allouer l’impression à celui qui enchérit le plus. Nos équipes d’ingénieurs pilotent la résolution de problèmes (troubleshooting) entre les différents SSP.  Nous regardons les sites qui fonctionnent bien et nous gérons le time out, car le temps de réponse de chaque SSP n’étant pas le même, on peut choisir d’augmenter ou de réduire le time out.

Il y a également toute la politique des floors, qui est très importante. On est obligé d’imposer un prix plancher, mais il ne faut pas le proposer à un niveau trop élevé. Il faut par conséquent disposer du savoir-faire nécessaire pour trouver la juste mesure. L’objectif est de tendre vers un yield parfait, en jouant sur les connexions techniques client side et server side.

L’objectif est de tendre vers un yield parfait, en jouant sur les connexions techniques client side et server side.

Enfin, en programmatique, ce qui crée de la valeur ce n’est pas l’open auction, mais les deals. Toute la force commerciale d’Adverline, qui gère à la fois le gré à gré et le programmatique, consacre son temps à faire des deals. Ces derniers représentent environ 20 % du volume, mais 40 % à 50 % de la valeur.  À savoir que notre place de marché – The place to bid – permet également de générer des deals ID sur un site en particulier, ce qui n’est pas forcément le cas des autres places de marché.

On voit bien que la monétisation  repose  aujourd’hui sur des aspects techniques et technologiques très importants…

Un éditeur peut l’assumer, mais il lui faut une équipe technique solide pour cela.

Quels formats innovants ou émergents utilisez-vous ?

Nous avons une technologie d’habillage propriétaire, One Skin, que nous proposons aussi aux éditeurs qui ne sont pas en régie chez nous, comme Free ou ParuVendu. On croit à l’habillage parce que c’est un format impactant avec un taux de clics élevé.

La native se développe beaucoup également. Nous travaillons avec plusieurs acteurs dans ce domaine, à commencer par TripleLift.

Enfin pour ce qui est de la vidéo, nous allons probablement travailler avec une société qui créé de la vidéo et qui la monétise. C’est une des pistes de développement pour Adverline.

Au final, l’ad tech qui vous sert se complexifie-t-elle ?

Chaque année, l’offre des technologies publicitaires est plus complexe. Prenons des exemples récents. D’abord le 2nd price qui a été récemment remplacé par le 1st price. Tous les éditeurs étaient alors contents parce que les CPM se sont valorisés. Mais très vite après, les DSP se sont adaptés avec leur bid shading [outil qui permet à un acheteur de corriger à la baisse la valeur des enchères en tenant compte des prix historiques du marché, N.D.L.R.]. La conséquence de cela est que c’est plus complexe pour l’éditeur de maintenir son niveau de CPM. Il y a aussi le bid caching [pratique qui consiste à réutiliser plus tard une enchère pour un même utilisateur mais sur un emplacement différent, N.D.L.R.]. Le bid caching permettait à certains éditeurs de faire du cash, mais ce n’est plus vraiment autorisé maintenant. On voit que tout cela bouge très vite !

Et le marché va encore bouger. Aujourd’hui, quand l’acheteur achète sur les différentes bourses électroniques, il ne connaît pas les frais de ces dernières, dont les commissions de surcroît varient. Aux États-Unis on se dirige vers une bien plus importante transparence sur les frais pratiqués par chaque plateforme. La conséquence est que ce sera encore plus complexe pour l’acheteur de décider car il sera obligé d’investir là où il a le plus de chances de gagner.

Pensons enfin au header bidding, aux nouveaux acteurs, à la vitesse de temps de réaction de chaque bourse électronique… Pour résumer, il y a sans doute une montée en puissance de la complexité.

Et concernant l’offre et la variété d’outils qui semblent se multiplier chaque jour ?

Effectivement, il existe plusieurs outils. Ne serait-ce que pour piloter l’activité, il existe par exemple une solution pour voir où en sont les enchères et pour connaître les types d’annonceurs et de trading desks qui investissent le plus. Il y a également une start up qui vient de se lancer pour vérifier si tout est implanté correctement au niveau des SSP et des emplacements du site. Beaucoup de choses arrivent et contribuent à améliorer la fluidité des tuyaux.

Beaucoup de solutions contribuent à améliorer la fluidité des tuyaux.

Malgré ces initiatives, la complexité de l’activité reste importante, tout comme l’opacité de la manière dont les algorithmes fonctionnent. J’en veux pour preuve le SPO [la  « supply path optimization », mise en place par les plateformes d’achat, NDLR].

Enfin, nous ne disposons pas à ce jour d’une vision réelle de ce qui se passe sur ce marché. La plupart du temps l’acheteur enchérit sans savoir ce qu’il s’est passé. Pourquoi alors ne pas avoir en temps réel le prix d’un inventaire donné ? Si on fait une analogie avec la bourse, quand on veut acheter du Facebook on sait combien cela a coûté la veille, à la clôture du Nasdaq. Ensuite, en Europe le marché ouvre à un certain niveau, ce qui permet d’enchérir en fixant une certaine limite, et on sait à peu près ce que l’on va acheter. Sur le marché du display digital, on enchérit sur un prix passé que l’on ne connaît pas. Et cela est aberrant. Il faudrait certes des serveurs très puissants, mais c’est une piste.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre

Article mis à jour le 09/07/2019 à 16:49.

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