L’industrie semble un peu perplexe, suite à la décision annoncée par Neal Mohan de retirer d’ici la fin de l’année l’inventaire de YouTube de l’ad exchange de Google (DoubleClick Ad Exchange) dans un billet publié récemment. Mais y a-t-il vraiment raison pour tant de perplexité ?
Dans son billet, Neal Mohan, VP de publicité display et vidéo à Google, explique que leur intention est de continuer d’améliorer l’expérience publicitaire sur YouTube à travers le développement de nouveaux formats et canaux. Mais quel est le rapport entre ce souhait de développer de nouveaux formats pour l’inventaire sur YouTube et le fait de l’enlever de l’ad exchange ? Cette question, nous l’avons posée à Google France, qui ne donnera cependant pas pour le moment d’information autre que celle déjà véhiculée sur leur blog. Outre-Atlantique, elle semble aussi toujours ouverte : Google ne donne pas plus d’informations sur ce sujet, selon adexchanger, qui est parti à la chasse aux infos.
Mais de quoi parle-t-on au juste ? Aujourd’hui, 85% des publicités vendues sur YouTube le sont suivant le format TrueView, selon lequel l’annonceur n’est facturé que si l’utilisateur choisit de voir la publicité (s’il reste minimum 30 secondes à la visionner, dans le cas de vidéos in-stream, ou s’il clique dessus, dans le cas de vidéos in-banner). Or, cet inventaire n’est déjà pas disponible sur l’ad exchange de Google, on nous informe en France, mais uniquement via leur propre plateforme demande side (DSP), DoubleClick Bid Manager.
La mesure ne concerne donc qu’une toute petite fraction de l’inventaire de YouTube englobant des formats vidéo non TrueView et quelques formats display, et comptant selon des informations officieuses pour environ 5% des revenus publicitaires de YouTube. A partir de janvier 2015, cet inventaire quittera ainsi l’ad exchange de Google pour demeurer disponible uniquement sur des emplacements réservés, sur AdWords et sur AdWords vidéo. L’accès de manière programmatique se fera ainsi uniquement à partir des portes d’entrée de Google, à savoir DoubleClick Bid Manager, ou encore l’API AdWords.
Spéculations outre-Atlantique
Aux Etats-Unis, des acteurs de l’industrie spéculent sur les raisons – les vraies – qui motivent une telle décision de Google. La plus évidente semble être celle de vouloir fermer le cercle de ceux qui accèdent à l’inventaire de YouTube, pour au final le valoriser, car, avec une telle décision, les plateformes demand side (DSP) externes à Google ne le pourront plus: d’après ces spéculations, seulement des achats faits via la DSP de Google pourraient toucher cet inventaire de manière programmatique (restant aussi la possibilité du direct, bien évidemment). Ceci ouvrirait ainsi une autre possibilité : la totalité de l’inventaire reviendrait au direct, avec des ventes gérées de manière automatisée.
En ferment ainsi le cercle, Google créerait de la rareté, et donc de la valeur, affirment à adexchanger des sources souhaitant rester anonymes. En ramenant le tout au direct, même si de manière automatisée, l’entreprise engendrerait une valorisation de son inventaire vidéo. Référence est faite aux programmes très premium créés par Google récemment visant de gros budgets, comme Google Partner Select, sa place de marché programmatique privative vidéo. « La seule manière d’obtenir un deal premium vendu en direct est de proposer de la rareté », analyse une source.
L’impact sera-t-il véritable ? A priori pas vraiment, si l’on considère les chiffres rassemblés par adexchanger : seulement 5% des budgets dépensés le second trimestre via la plateforme de vidéo (et display depuis peu) programmatique TubeMogul ont été consacrés à YouTube ; aux Etats-Unis, cette année, seuls 3% des clients de Videology consacrent des budgets à YouTube ; YouTube représenterait moins de 2% de l’inventaire total exploité par The Trade Desk et Conversant, moins de 1% pour Turn. Donc si l’inventaire vidéo de YouTube est de loin le plus important pour la publicité digitale, sa participation sur des canaux programmatiques est encore très marginale. Il n’en reste cependant pas moins que cette décision a son poids symbolique, puisqu’ il s’agit là d’enlever des places de marché ouvertes une certaine fraction d’inventaire considéré de qualité.
D’un autre côté, comme le déclare sur adexchanger Raju Malhotra, SVP produits du spécialiste en data marketing Conversant, « aller sur le direct ne veut pas nécessairement dire que vous allez vendre à travers votre équipe directement. Ils ont l’échelle à travers un logiciel par abonnement (SaaS) qui est DoubleClick Bid Manager ». Et en partant d’un contexte où YouTube compte pour 60% de toutes les impressions publicitaires vidéo tout en prenant seulement 20% de tous les budgets consacrés à la pub vidéo, on peut facilement conclure selon lui qu’il y a lieu de mieux monétiser cet inventaire et à grande échelle.
Lire ici le billet de Neal Mohan, VP de publicité display et vidéo à Google.
Lire ici l’article d’adexchanger avec les réactions d’acteurs de ce marché aux Etats-Unis.
Luciana Uchôa-Lefebvre
(Images : www.youtube.com.)