Le développement de la publicité native va s’accélérer ces six prochains mois, notamment grâce à l’adoption du standard « Native Open RTB 2.3 » par la plupart des acteurs technologiques importants, tels qu’Appnexus et Doubleclick Bid Manager (Google). Cette standardisation permettra d’augmenter massivement les flux de campagnes publicitaires natives.
Mais les pionniers de la publicité native automatisée, comme Mickael Ferreira, co-fondateur de Quantum Advertising, alertent sur l’arrivée sur ce marché de certains acteurs qui surfent sur la vague de la publicité native tout en lui portant préjudice. C’est le cas d’ad networks dits de « content discovery ». La publicité native n’a aucun point en commun avec « ces mosaïques de liens servant à rediriger du trafic en bas de page et connus pour être assez décevants pour l’utilisateur », souligne Mickael. Nous avons souhaité l’interviewer pour en savoir plus.
L’essor de la publicité dite native est incontestable – nous l’avons observé ce dernières années (lire ici par exemple) et les prévisions continuent de l’attester. Selon la dernière étude de Yahoo et Enders Analysis (voir ici), la publicité native pèsera 52 % du marché de la publicité digitale display en Europe d’ici 2020, soit 13,2 milliards d’euros. En parallèle, de plus en plus de grandes plateformes technologiques proposent de solutions de déploiement de campagnes natives automatisées. Quantum Advertising est un pionnier en matière de publicité native programmatique. Dans ce contexte d’engouement pour la pub native qui pousse beaucoup d’acteurs à utiliser l’étiquette « Native », pouvez-vous nous rappeler ses fondamentaux et nous dire qu’en est-il en réalité ?
Nous observons effectivement un véritable engouement sur le sujet – tant au niveau des annonceurs, des éditeurs que des fournisseurs de technologie et ce sur l’ensemble des territoires que nous couvrons. Cette tendance est plutôt cohérente avec l’évolution de nos modes de consommation et de communication, pour plusieurs raisons : d’abord en termes d’expérience utilisateur – le consommateur fuit de plus en plus la publicité intrusive (comme en témoigne le taux d’adoption d’adblockers, 40 % sur certaines tranches d’âge) et surfe de plus en plus sur des terminaux mobiles qui nécessitent des formats plus adaptés et intégrés par rapport aux interstitiels et autres bannières ; ensuite, en termes de communication – les marques doivent aujourd’hui adopter une forme innovante afin de s’adresser aux internautes.
Cependant, le buzz word « Native » laisse encore la place à beaucoup d’amalgames et le marché a besoin d’évangélisation de de clarifications, faute de quoi on pourrait de nouveau assister à une réelle destruction de valeur. La publicité native se borne à trois catégories et seulement trois : la native sociale, avec tous les emplacements in-feed que vous retrouvez sur Facebook, Twitter, Linked-in, Instagram,etc. ; la native éditoriale, avec des solutions intégrées in-feed utilisant le « look and feel »c’est-à-dire le style et l’apparence de chaque site éditeur et mettant explicitement en avant un annonceur unique ; la native événementielle, avec les opérations spéciales traitées en « one to one » entre un éditeur et un annonceur, donnant lieu à des dossiers complets et parfaitement intégrés aux supports.
En d’autres termes, « native » signifie beaucoup plus que « non standard ». Le marché tend parfois à confondre des placements non standards ou des solutions de génération de clics avec du native advertising. Cet amalgame est dangereux pour l’offre comme pour la demande, car il dénature la véritable valeur de la publicité native : engager sa cible dans une démarche volontaire et intéressée envers la marque et ses offres. Bref, la native, ce ne sont ni les réseaux au clic, ni les solutions de « content discovery » (comme Taboola, Outbrain, Revcontent, Ligatus ) qui redirigent du trafic en bas de page dans des mosaïques de liens aujourd’hui connus pour être assez décevants pour l’utilisateur.
La version finale des spécifications Open RTB 2.3, qui permet notamment de traiter la publicité native en programmatique, a été publiée fin 2014. Ce nouveau standard a-t-il déjà changé significativement l’industrie ?
De nombreux acteurs technologiques utilisent déjà ce protocole 2.3 et sont en passe d’officialiser le lancement de leur solution de native en 2016. L’adoption des formats native va s’accélérer sur les six prochains mois, notamment grâce à l’adoption récente du standard Native Open RTB 2.3 par la plupart des acteurs technologiques importants comme Appnexus, Doubleclick Bid Manager, etc. Cette standardisation permettra d’augmenter massivement les flux de campagnes publicitaires natives.
Toutes ces évolutions sont une très bonne nouvelle pour des leaders comme Quantum, qui ont su se positionner dès leur création sur les aspects programmatiques, anticipant ainsi ces grands mouvements du marché. Ayant lancé notre offre avant même la création du standard 2.3, nous avons développé notre propre standard (beaucoup plus flexible que le 2.3) notamment en termes d’expérience utilisateur. Depuis le début de l’année, nos placements sont compatibles avec les deux standards : le 2.3 et le standard Quantum, toujours dans une logique de yield optimal en mettant en compétition en temps réel les différents types de flux.
Vous dénoncez des solutions qui se présentent en tant que telles mais qui ne sont véritablement pas d’offres de publicité native programmatique et qui comportent des risques pour les éditeurs. À quels acteurs faites-vous précisément allusion et quelles pourraient être les conséquences de leur arrivée sur le marché ?
Au-delà des traditionnels acteurs Supply Side Platform (SSP) et Demand Side Platform (DSP), des ad networks sont également compatibles (ou s’apprêtent à l’être) avec ce protocole RTB 2 .3. C’est notamment le cas de certaines solutions de recommandations de contenus (« content discovery », comme Taboola, Outbrain, Revcontent, Ligatus ), avec toutes les interrogations que cela suscite, notamment pour les éditeurs.
Rappelons en effet que le véritable format native, évoqué plus haut, représente aujourd’hui l’un des rares viviers de valeur pour les éditeurs. C’est un format disponible dans des volumes raisonnables, avec une pression publicitaire maîtrisée, qui enregistre des taux d’engagement 10 à 20 fois meilleurs que les formats standards, ces derniers présentant des résultats qui pourraient être noyés dans la masse, voire tirer les prix vers le bas. Considérer à l’identique des placements native (dans lesquels une marque identifiée peut prendre la parole avec 100 % de visibilité et des taux de clics supérieurs à 1%) et des emplacements multi-annonceurs (visibles à 30 % générant des taux de clics à 0,3%) débouchera inévitablement sur une dépréciation de valeur pour les éditeurs.
Si les éditeurs souhaitent commercialiser des widgets de recommandation de contenu en mode programmatique selon le protocole 2.3, ils devront s’interroger sur la manière de piloter les volumes, les cappings et les prix de ces emplacements pour rester maîtres de la situation. À l’heure actuelle, ces emplacements sont vendus en mode « adnetwork » par les opérateurs du marché qui se rémunèrent de cette démarche en « gré à gré » par des marges de 35 % à 45 %… L’éditeur gagne donc à peine plus que le vendeur du format.
La commercialisation programmatique devrait repositionner ces intermédiaires comme de simples SSP, avec des marges de moitié inférieures. Quel éditeur accepterait aujourd’hui que son SSP garde 30 % ou 40 % de revenu généré ? Se pose alors la question de savoir si ces réseaux publicitaires sont d’ores et déjà prêts à adopter une transparence totale, à changer leur business modèle pour se positionner en SSP, quitte à baisser leur marge, ou bien vont-ils s’accrocher à leur positionnement originel et ainsi capter une grande partie de la valeur des flux au détriment des éditeurs ?
Note de l’éditeur: Appnexus vient de signer un partenariat stratégique avec Ligatus, plateforme citée dans cette interview, dans le domaine de la publicité native programmatique (lire notre article publié vendredi).
(Images: Quantum Advertising et IAB.)