Alors que le marché est en pleine période de consolidation, la plateforme d’achat média programmatique (DSP) MediaMath a lancé un « vaste » programme de réorganisation de ses cadres aux États-Unis en vue de préparer une « nouvelle phase », nous l’avons appris récemment de la presse spécialisée américaine. D’après un article qui s’est basé sur des propos attribués au directeur général de l’entreprise, Joe Zawadzki, et à son président, Michael Lamb, ces réorganisations n’auraient aucun lien avec une quelconque restructuration ayant des licenciements à la clé. Ces changements seraient, au contraire, liés à une volonté de l’entreprise de renforcer le volet services de son offre. Nous faisons le point avec Stéphane Ambrosini, directeur général de MediaMath en France.
Pouvez-vous nous expliquer ce que MediaMath cherche à modifier avec cette réorganisation?
Le marché programmatique est désormais beaucoup plus mature et n’est plus qu’une simple ligne dans le plan média des annonceurs. Nous voulons nous adapter aux nouvelles exigences des marques qui ne souhaitent plus seulement disposer d’une technologie omnicanal et cross-device, mais veulent aussi pouvoir gérer l’ensemble des données au sein d’une même plateforme : leurs données propriétaires (first party), celles issues de partenaires (second party) et les données tierces (third party). Cette nouvelle organisation permettra également d’améliorer le service et l’accompagnement afin que nos clients puissent être autonomes avec notre plateforme.
Si la notion de services ou d’accompagnement s’intensifie, ne rentrerez-vous pas en conflit voire en concurrence avec les agences et les trading desks?
Aux débuts du programmatique les agences étaient les seules à disposer de l’expertise, elles choisissaient la technologie, les éditeurs, les optimisations. Au fur et à mesure, avec l’impact croissant du programmatique, les annonceurs sont devenus plus matures sur le sujet : les marques souhaitent avoir de la transparence et internaliser, sans pour autant écarter les agences. En effet, par leur expertise, les agences ont un rôle clef à jouer, notamment pour penser et exécuter une stratégie marketing sur mesure pour les marques. Mais l’annonceur veut désormais pouvoir discuter directement avec les entreprises technologiques.
D’après notre expérience, notamment aux États-Unis où le marché est le plus mature, trois options sont possibles selon la culture de l’entreprise :
– L’agence signe le contrat avec le fournisseur technologique et exécute les campagnes. L’annonceur a accès à la plateforme en totale transparence.
– L’annonceur signe le contrat avec le fournisseur technologique, mais les campagnes sont opérées par l’agence en « managed service ».
– Le contrat et l’exécution des campagnes sont internalisés chez l’annonceur. En France, seuls certains annonceurs comme Air France ou Pernod Ricard ont franchi ce cap.
Ce mouvement est vertueux car fluidifie la communication entre les annonceurs et les agences. Ces dernières proposent aujourd’hui un très haut niveau d’expertise et de service.
En France, voire en Europe, travaillez-vous en direct avec les marques ou seulement par l’intermédiaire des agences et des trading desks et dans quelle proportion?
De nombreuses marques ont décidé d’internaliser, mais il faut d’abord qu’elles vérifient si leurs volumes d’achat leur permettent d’accéder à des économies d’échelle ou si l’agence demeure plus intéressante. Nous avons accompagné celles qui ont choisi MediaMath notamment car notre positionnement est unique (Jet.com, eBay, Marriott…) et nous constatons que cette tendance (l’internalisation de l’achat média) se confirme en Europe, nous y répondons bien sûr. Nous voyons déjà quelques appels d’offres arriver et le plus souvent l’annonceur demande à contractualiser mais laisse l’agence opérer. C’est en tout cas ce que nous lui conseillons. Dans tous les cas, MediaMath travaille avec toutes les agences et leur conserve une priorité de support, proportionnel au volant d’affaires.
Dans quelle mesure cela sera appliqué en France, et à partir de quand?
Toutes les réorganisations globales sont appliquées instantanément sur le marché français, afin de mieux répondre aux besoins de nos clients. Il en va de même pour notre plateforme qui bénéficie des toutes dernières mises à jour. Celles-ci sont adaptées si besoin selon les exigences locales.
Nous avons observé en 2016 pas mal de restructurations côté supply side, avec notamment une remise en questions dans les pratiques suite à l’adoption plus généralisée du header bidding, censé augmenter la concurrence entre les différentes plateformes SSP. Vous vous positionnez côté acheteur: comment avez-vous « vécu » cette évolution du côté de l’offre ?
Le header bidding a fait beaucoup de bruit récemment, mais c’est plus une problématique côté éditeur et nous sommes moins concernés en tant qu’acheteur. Néanmoins, c’est une opportunité pour nous car le header bidding met en compétition les inventaires vendus par leur régie en direct et les ventes programmatiques, nous pouvons donc miser aux enchères sur de nouvelles impressions auxquelles nous n’avions pas accès avant. Pour le mesurer, nous avons mené un test avec OpenX aux États-Unis et les résultats ont été très concluants ! En nous connectant avec leur solution de header bidding, nous avons constaté un reach incrémental de 24 % (c’est-à-dire des impressions auxquelles nous n’aurions pas eu d’accès sans le header bidding). Nos algorithmes vont pouvoir miser et remporter les impressions qui ont une forte valeur pour nos annonceurs.
LUL
(Images: Shutterstock. MediaMath pour la photo de S. Ambrosini.)