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BRAND SAFETY DATA INTERVIEW Non classé PERFORMANCE PROGRAMMATIQUE

Réussir sa stratégie programmatique: l’exemple du groupe aufeminin (suite de l’interview)

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Suite de l’interview de Bastien Deleau, directeur programmatique du groupe aufeminin. Pour voir la première partie, cliquez ici.

Que conseillez-vous aux éditeurs qui souhaitent mais n’osent pas mettre en place le yield holistique ?

Bastien Deleau, aufeminin.
Bastien Deleau, aufeminin.

B.D. Il leur faut certaines compétences programmatique et techniques en interne, de l’agilité et, encore une fois, une vision claire. Les « algorithmes » [lire notamment la première partie de cette interview N.D.L.R.] ne représentent pas la partie la plus complexe, ils demandent bien sûr une certaine logique, mais l’approche est vouée à l’échec sans une coordination assez étroite entre les équipes et des convictions fortes. L’agilité est inscrite dans l’ADN du groupe aufeminin, nous ne sommes pas un mastodonte difficile à manœuvrer et à faire avancer. Nous disposons d’une rapidité de prise de décision et d’une efficacité d’exécution très rares pour un grand groupe média. Notre approche et notre réussite sont basées sur les principes fondamentaux du yield management. Nous nous inspirons des hôteliers ou des compagnies aériennes, le yield management dépasse largement l’écosystème programmatique. Dans nos bureaux, toute la régie est sensibilisée et convaincue par cette approche, portée par l’équipe programmatique. C’est plus simple d’intégrer le direct dans une logique programmatique que l’inverse.

Cette logique vous permet aussi de respecter vos engagement pris en direct et rassurer les acheteurs, puisque, si je comprends bien, dans la négociation vous tenez compte des tendances des enchères pour fixer les prix…

B.D. Oui, exactement. Il est aussi important de souligner que tout ce travail aurait été inefficace voire inutile si nous n’avions pas parallèlement ajusté la structure publicitaire de nos sites. On ne peut en effet justifier que les prix augmentent si les performances publicitaires n’évoluent pas en conséquence. Ce qui a fait augmenter nos prix est la compétition holistique – plus on a de densité plus les prix montent, mais ce qui a permis de justifier cette augmentation de prix c’est surtout de meilleures performances de visibilité, de taux de complétion, etc. Pour que ce soit possible, nous avons revu l’ensemble de la structure publicitaire de nos sites, tous nos emplacements, en amont de l’adoption du header bidding.

Nous avons revu l’ensemble de la structure publicitaire de nos sites, tous nos emplacements, en amont de l’adoption du header bidding.

Vous affirmez donc que les CPM augmentent grâce à une dynamique du marché, mais il faut aussi que l’éditeur soit à la hauteur et qu’il offre les performances attendues par les acheteurs pour ces niveaux de prix…

B.D. C’est cela. Beaucoup d’éditeurs voient dans le header bidding juste une manière d’augmenter ses revenus à court terme. Et en effet dès qu’on lance le header bidding on observe  une hausse forte et immédiate des revenus : pour le même inventaire et la même audience, la différence peut être de 15 % à 30 % ! Mais cette revalorisation est artificielle et injustifiée si elle n’est pas épaulée par une logique d’amélioration de la qualité de l’inventaire. Faire payer les acheteurs plus cher pour le même produit est une démarche qui ne peut tenir la route sur le moyen et le long termes. Nous avons voulu à tout prix éviter cela. C’est pour cela que nous avons attendu que toute notre structure publicitaire sur nos sites soit refondue et améliorée pour répondre davantage aux KPI des acheteurs avant de lancer le header bidding.

Est-ce que pour un éditeur aujourd’hui quand on parle programmatique on parle surtout header bidding ?

B.D. C’est en effet le sujet phare, d’un point de vue technologique : aujourd’hui un groupe média qui n’a toujours pas lancé sa solution de header bidding ne peut prétendre à être mature et performant en programmatique. C’est comme pour une course automobile, il faut évidemment un pilote performant, mais il n’aura aucune chance de l’emporter s’il s’élance avec une voiture à pédales. Par ailleurs, nous voyons dans le rapprochement avec TF1 des opportunités de faire bénéficier les entités digitales du groupe de nos avancées en programmatique. Et si le rachat de Doctissimo par TF1 se concrétise, nous disposerions d’une force de frappe considérable !

Votre CPM moyen a été valorisé de combien suite à l’adoption du programmatique et surtout du header bidding ?

B.D. Nos CPM, côté programmatique, ont augmenté de 50 % en moyenne sur l’ensemble de nos inventaires. Cela est le résultat du recours au header bidding, de la mise en compétition globale (y compris avec le direct) et de l’amélioration des performances des inventaires. C’est un ensemble de facteurs.

Quelles sont le limites de ce système ?

B.D. Il y a encore beaucoup de choses à améliorer sur ce marché, à commencer par la maturité des intervenants programmatiques de l’écosystème. On entend encore hélas des experts qui adoptent un langage inutilement trop complexe, rempli d’anglicismes et d’acronymes, et parfois même erroné. Cette pratique peut polluer l’écosystème, le rend incompréhensible pour les non-initiés, et participe à véhiculer des contre-vérités sur le marché. Une de ces contre-vérités est celle qui consiste à dire que les éditeurs premium ne sont pas concernés par la fraude et autres problèmes de brand safety. Ceci est faux, il faut arrêter de faire l’autruche. Il est de notre responsabilité d’identifier ces problèmes et de tenter de les éradiquer, mêmes si les outils de lutte doivent encore évoluer.Enfin, nous considérons qu’une technologie doit servir une stratégie. Un éditeur doit tracer sa voie, et avancer avec les partenaires technologiques qui s’inscrivent dans ses choix stratégiques. L’indépendance est l’une des clés du succès pour un éditeur, nous cherchons d’ailleurs à rester le plus agnostique possible. Le poids de certains acteurs technologiques est tel que l’on pourrait, consciemment ou inconsciemment, être influencé dans ses décisions. Nos partenaires connaissent nos enjeux et notre niveau d’exigence. Nous les challengeons quotidiennement, et n’hésitons pas à demander voire à effectuer les adaptations nécessaires pour respecter les intérêts de nos éditeurs et des acheteurs.

Une de ces contre-vérités est celle qui consiste à dire que les éditeurs premium ne sont pas concernés par la fraude et autres problèmes de brand safety.

Pensez-vous vraiment que toutes les technologies autorisent des adaptations ?

B.D. Vous mettez le doigt sur un sujet complexe : l’ouverture et la transparence des technologies. Ce n’est un secret pour personne que certaines technologies, comme celles proposées par Google, sont bien moins ouvertes et transparentes que d’autres. Ceci qui ne veut cependant pas dire qu’elles ne sont pas performantes. Plus problématique encore que leur positionnement est le fait que ces technologies s’imbriquent et communiquent très mal les unes avec les autres. L’intraconnexion est rarement problématique, l’interconnexion l’est beaucoup plus souvent ! Aujourd’hui vous n’avez pas d’autre choix que d’être soit en full stack avec Google, soit n’utiliser aucune de ses solutions. Ceci représente un gros enjeu pour les éditeurs qui ont opté pour le header bidding, car pour avoir accès à toute la demande provenant de Google DBM, il faut utiliser le SSP de Google, technologie indissociable de l’adserver de Google. Et nous ne pouvons occulter le fait que la demande programmatique provenant de DBM est  conséquente En deux mots, si l’on n’utilise pas les outils de Google, on a un trou dans la raquette. C’est un sujet de discussion et de réflexion chez nous en ce moment.

Si l’on n’utilise pas les outils de Google, on a un trou dans la raquette. C’est un sujet de discussion et de réflexion chez nous en ce moment.

Enfin, entre les alliances, les places de marché programmatiques, les régies et les éditeurs qui sont de plus en plus matures en monétisation digitale, vu de l’extérieur le marché publicitaire numérique paraît extrêmement confus. Partagez-vous cet avis ?

B.D. : Oui, c’est très confus. L’arrivée de nouvelles alliances ou coalitions est encore un rebond de ce marché, justifié par une perte de vitesse des alliances programmatiques historiques. Ce sont des cycles qui se renouvellent : coalition, essoufflement, fragmentation et réassociation… La difficulté pour les acheteurs est de faire le tri entre les alliances qui ont un vrai intérêt d’un point de vue de l’efficacité publicitaire et celles montées sur un simple coup marketing. Nous avons fait le choix d’alliances verticalisées, nous sommes depuis à peine quelques mois à la fois chez RelevanC [la plateforme data lancée par le groupe Casino, N.D.L.R.], pour le média aufeminin, et chez Foodlab [la plateforme data lancée par Carrefour, N.D.L.R.], pour le média Marmiton. Nous avons privilégié des alliances dont la compréhension et la mise en œuvre sont simples, nous pensons que la performance et la cohérence de cette approche seront meilleures dans notre cas. Pour le moment nous avons ainsi fait le choix de ne pas agréger nos inventaires et nos audiences au sein d’alliances généralistes. Comme vous le savez, nous avons été achetés par TF1, qui a opté pour une approche généraliste et massive des alliances. Nous sommes donc complémentaires et nous confronterons nos résultats à la suite de tests qui devront a priori durer jusqu’à la fin de l’année.

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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