Que doit-on espérer en 2020 en matière d’achat média et de technologies publicitaires ? Et comment continuera d’évoluer la relation entre les agences médias et leurs clients annonceurs ? Pour répondre à ces questions, ad-exchange interroge à partir de cette fin d’année trois groupes médias , à commencer par l’agence Repeat. La parole à Sandra Touboul et à Mamadou Kane, codirecteurs du département digital, ainsi qu’à Richard L’Hotellier, directeur conseil digital.
La montée en puissance de l’attribution multi-touch
S.T. : Nous constatons une demande grandissante de la part de nos clients annonceurs pour la mesure. Il faut pouvoir tout mesurer, pousser cette logique chaque fois plus loin. Mais certains leviers ne s’y prêtent pas facilement, notamment quand ils ne servent pas à des logiques purement ROIstes. Je pense à la vidéo ou à la publicité native. Dans ces cas, pour être capable de tout mesurer, il est nécessaire de considérer l’adoption d’outils supplémentaires, qui nous permettent de calculer la contribution de chaque média sur une vente. Mais cela représente des coûts additionnels.
Qu’est-il compliqué de mesurer ?
S.T. : Il est surtout compliqué de lier et de comparer sur les mêmes bases le digital et les autres médias, comme la télévision ou la radio. De plus, beaucoup d’annonceurs ROIstes ne comprennent pas d’emblée l’importance du branding pour eux. Il nous faut pouvoir leur démontrer l’impact positif du branding même lorsque l’on est dans une logique de performance. Le branding peut en effet avoir un vrai impact sur les ventes. Tout l’enjeu est de réussir à démontrer cet impact. Et c’est là qu’entrent en jeu les nouveaux outils d’attribution.
À quels outils faites-vous allusion ?
R.L. : Il en existe plusieurs sur le marché. Nous pouvons citer Adloop, Eulerian, Mazeberry [fusionné avec Ysance, ndlr.] ou encore Weborama. Tous ces outils ont vocation à construire des modèles d’attribution soit génériques soit adaptés à un client. En pratique, il peut y avoir autant de modèles d’attribution que d’annonceurs. Toute la difficulté est dans le choix entre une personnalisation extrême ou, au contraire, un modèle unique qui s’adapterait à tous pour permettre de tout comparer. Il est fondamental pour nous de comprendre et de maîtriser les enjeux des différents modèles d’attribution pour trouver la meilleure formule pour nos clients.
Ces outils peuvent-ils vraiment relever le défi de la mesure de la contribution de chaque canal ?
R.L. : Oui, tout à fait. Les modèles d’attribution permettent de revaloriser l’ensemble des touch points médias. Prenons l’exemple d’une personne exposée à une vidéo, mais qui décide de s’y pencher une semaine plus tard. Elle fera une recherche sur Google pour retrouver le sujet. Dans le modèle majoritaire, la conversion sera attribuée au search alors qu’en réalité c’est bien la vidéo qui, la première, l’a sensibilisée à ce sujet. En tenant compte de tous les points de contact, les outils d’attribution permettent notamment de revaloriser le branding.
M.K. : Ces outils permettent de pousser encore plus loin l’analyse. Je peux, par exemple, constater que l’activation search sera plus efficace si elle est précédée par une vague VOL. L’outil nous permet de connaître plus précisément la valeur apportée par chaque canal. C’est utile pour une optimisation quotidienne des investissements.
Doit-on conclure que le recours à un outil d’attribution devient un passage obligé ?
R.L. : Il faut malgré tout tenir compte du coût que ce type de solution représente. Et surtout de l’impact que cet outil aura sur le coût d’acquisition. L’impact de l’outil sur mes résultats compense-t-il ce coût ?
M.K. : Le volume et le nombre de canaux pèsent dans cette décision.
C’est par conséquent une décision qui se prend au cas par cas et je suppose plutôt pour des annonceurs matures et investissant beaucoup en publicité…
S.T. : Oui, cela va concerner des annonceurs dont le volume d’investissements annuels dans le digital dépasse un million d’euros. C’est également un outil adapté aux annonceurs qui nourrissent cette volonté de mieux mesurer l’impact de chaque levier sur leur ROI. Ce sont par conséquent des annonceurs matures sur le digital. On verra en 2020 la montée en puissance de cette mesure de l’impact de chaque levier. C’est une tendance qui a été favorisée par tout ce que l’industrie a accompli en amont. Le terrain a été travaillé en quelque sorte les années précédentes par les priorités accordées à la mesure de la visibilité, de la couverture sur cible et de la brand safety, entre autres.
La suite de cette interview sera publiée demain.
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre