Il y a un an, il parlait déjà à propos de yield holistique et de télévision programmatique, alors que le sujet était encore évoqué de manière assez timide. Un an plus tard, aux Etats-Unis, la notion de gestion d’inventaires sur le mode programmatique pour la télévision est plus que répandue et les pratiques commencent à se développer sérieusement. En France, cependant, on en est encore loin. Pour faire le point sur le sujet et découvrir l’évolution des activités de la régie de France Télévisions nous reprenons contact avec Yannick Lacombe, passé Directeur Général Adjoint récemment.
Racontez-nous vos premiers pas dans l’univers du programmatique.
Nos premiers pas remontent à il y a plus de 2 ans, au moment de la création de La Place Média dont nous sommes actionnaires. France Télévisions a très vite compris que le programmatique allait bouleverser la vision métier des acteurs de la publicité et la manière de concevoir une transaction commerciale. Il nous est apparu important de prendre très tôt ce virage pour tester et apprendre.
Où en êtes-vous avec la télévision programmatique ?
La télévision programmatique n’est pas une réalité en France. Nous sommes bien sûrs très attentifs aux initiatives en la matière prises aux Etats-Unis. Mais la France n’a pas le même cadre réglementaire et la maturité de nos marchés est sans doute différente. Au-delà des contraintes liées au cadre réglementaire, nous sommes convaincus que le programmatique dépassera les frontières de l’environnement numérique car il y est aussi question de simplification des workflows et donc d’efficacité opérationnelle. Même si nous ne pouvons pas différencier en France la diffusion d’une publicité d’un individu à l’autre sur les grandes chaînes de télévision, nous pouvons travailler sur une industrialisation de l’accès à nos espaces et réinventer les modèles de tarification à y associer.
Il y a un an environ, le gros de vos recettes continuait de venir de l’inventaire vidéo commercialisé intégralement en direct garanti. Est-ce toujours le cas ?
C’est toujours le cas dans le sens où nous n’avions pas jusqu’à lors encore franchi le pas de la commercialisation en programmatique de nos inventaires vidéo. La sophistication qu’offrent maintenant les technologies d’achat et de vente va nous permettre d’aller un cran plus loin. Davantage de transparence sur nos inventaires, la possibilité de travailler aux enchères ou en CPM fixe, envisager des garanties de livraisons, toutes ces modalités sont dès à présent possibles. France Télévisions Publicité vient de s’équiper d’un SSP vidéo maîtrisé en interne indépendamment de La Place Média. Nous ferons donc réellement le bilan en 2015. Mais nous savons d’ores et déjà que la commercialisation de la vidéo en programmatique représente dans certaines agences autant que l’achat direct. Le potentiel de revenu est clairement identifié.
Début 2014 entre 40% à 50% de vos impressions display passaient par le RTB pesant 13% de l’ensemble de vos revenus en display, et 6% du digital. Ces chiffres ont-ils bougé ? Quelle analyse en faites-vous ?
Cela représente un peu moins aujourd’hui dans le sens où nous avons fait beaucoup d’efforts en termes d’innovation format sur le display, ce qui a renforcé nos ventes directes. Nous sommes également confrontés à un basculement des usages sur le mobile ce qui tend à rendre asymptotique le volume de nos inventaires display web fixe. Nous arrivons néanmoins à maintenir un niveau de revenu tout à fait satisfaisant grâce à l’augmentation de la valeur des CPM générée par La Place Média.
Globalement, est-ce que vous pensez que l’automatisation de la vente d’espaces en ligne, sur desktop ou mobile, engendra une réduction du personnel travaillant pour les éditeurs et agences à leur service ?
Je crois que la question centrale est plutôt l’évolution des métiers. Le programmatique est avant toute chose un nouveau canal de vente. Il n’a pas vocation à se substituer au capital humain des entreprises. Bien au contraire. Construire des deals spécifiques, travailler les offres, implémenter les logiques de yield, les opérer, y associer des briques technologiques qui permettent de renforcer le ciblage et le ROI des campagnes nécessitent de l’expertise métier. Et sans doute de plus en plus d’expertise métier au service du business.
Côté data, outre le travail réalisé avec LPM, pouvez-vous nous dire où en êtes-vous ?
Nous avons un partenariat avec Nugg’Ad qui nous permet d’exploiter 80 critères de qualification au travers de segments sur étagère ou de segments ad’hoc spécifiquement créés, à la demande. Que cela soit en vente direct ou en programmatique. La data recouvre cependant un champ plus vaste, car elle est certes liée à des problématiques technologiques mais surtout à des problématiques organisationnelles et métiers. 2015 correspondra sans doute à une accélération sur ce sujet pour nous. Nous avons entamé depuis la rentrée une réflexion stratégique au sein du groupe qui a donné naissance à notre charte « Data Friendly » et plus largement à un audit du marché en termes de solutions technologiques et à la définition de use cases, que cela soit côté éditeur ou côté régie.
Quel est d’après vous le rôle de la data désormais pour la monétisation de votre inventaire ?
Il est central car la data permet d’affiner le ciblage, de travailler la performance et d’optimiser la conversion. C’est un critère d’augmentation de la valeur. Nous y sommes donc extrêmement attentifs.
Les annonceurs opèrent des campagnes multi-écrans et de télévision synchronisées, comment y répondez-vous ?
La mise à disposition de solutions publicitaires hybrides mixant la télévision linéaire et l’environnement digital multi-écrans est résolument dans notre ADN. Nous avons sorti un certain nombre de produits allant dans ce sens. Nous venons d’opérer notre premier dispositif de synchronisation en temps réel en partenariat avec TVTY autour du Téléthon sur une mécanique inédite : à chaque palier de dons franchi, une campagne display de l’AFM remerciant et invitant au don est diffusée de manière synchronisée et automatisée sur l’ensemble de l’environnement numérique de France Télévisions avec des créations adaptées. Nous allons déployer ces dispositifs autour de nos événements sportifs et également en fonction de la situation météorologique. La synchronisation peut se concevoir comme de l’apport de couverture instantanée à des spots de publicité diffusés à la télévision mais aussi comme une possibilité pour les marques de renforcer l’engagement en s’attribuant des moments éditoriaux spécifiques. Finalement, on parle de Moment Marketing. Dans ce même registre, nous avons déployé un large partenariat avec Twitter et ses solutions Amplify autour de nos événements sportifs et d’une vingtaine d’émissions emblématiques de nos antennes. Nous avons sophistiqué les mécaniques en allant plus loin que la viralisation d’extraits vidéos parrainés : défloutage de photos, contenus exclusifs, voting, automatic reply …
Comment vous positionnez-vous sur le mobile ?
Le mobile est une priorité pour le groupe. Le basculement des usages vers la mobilité est une exigence que nous devons intégrer dans la manière de concevoir nos contenus et nos dispositifs publicitaires. L’offre de France Télévisions fait partie des offres médias leader au travers d’applications de référence que sont FranceTVInfo, FranceTVSport, CultureBox, Ludo ou Pluzz.
Le mobile représente encore des défis ? Lesquels ?
Les défis sont avant tout technologiques. Le monde de la mobilité est un monde complexe et protéiforme du fait de la multitude de terminaux et de systèmes d’exploitation. La maîtrise technologique est décisive dans la génération d’expérience à forte valeur, la personnalisation de contenus, l’exploitation des fonctionnalités des terminaux, l’utilisation de la data en cross device, la créativité publicitaire et le programmatique.
Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ?
La sonnerie de mon téléphone tôt le matin … Plus sérieusement, l’exigence de ne pas courir après mais de précéder. Nous évoluons dans un environnement dont les temporalités se sont radicalement accélérées et nous devons sans cesse réapprendre pour le lendemain ce que nous avons appris la veille. Rester sensible aux évolutions de notre environnement et avoir un regard neuf sur tous les signaux faibles.
Quelles sont vos priorités désormais pour 2015 ?
Programmatique direct, mobile et data !!!
Luciana Uchôa-Lefebvre et Pierre Berendes