Ils opéraient dans le programmatique même avant le lancement de La Place Média (LPM) à l’été 2012, dont ils sont membres-fondateurs. Avec LPM, ils se sont mis à valoriser de façon plus qualitative leurs inventaires display, puis mobiles, en programmatique. Et voici que cette année, TF1 Publicité a fait un pas de plus en lançant sa propre place de marché privative vidéo, avec la technologie de StickyAds. Désormais investissant très fortement une logique multi-écrans, la régie du groupe TF1* voit dans l’IP télé la naissance d’un nouveau mass média qui pourrait un jour peut-être se voir monétisé de façon automatisée sur les ad exchanges. Entretien avec Philippe Boscher, responsable de marketing et de développement du pôle digital de TF1 Publicité.
Vos opérations en programmatique touchent quels types d’inventaires ? Vidéo ? Display ? Desktop ? Mobile ?
Nous avons commencé avec le display et à partir du moment où LPM s’est mise à le proposer sur le mobile, nous avons démarré également le mobile. Mais nous avons cette année inauguré un nouvel axe stratégique, sur la vidéo.
Spécifiquement sur la vidéo, nous avons souhaité sortir notre propre offre programmatique, en-dehors de LPM. Ce n’est pas une négation de la valeur de la place, mais tout simplement une conséquence du fait que sur la vidéo nous estimions que TF1 Publicité avait la taille critique pour pouvoir se lancer seule. Et le marché nous donne raison. Nous l’avons lancé en test cet été. Nous sommes une place de marché privée. Nous utilisons la technologie de StickyAds comme SSP. C’est une offre bien identifiée comme du TF1, isolable et ouverte à toutes les plateformes DSP à une nuance près : comme il s’agit d’une place de marché privée, l’annonceur doit être d’abord validé par nous. C’est très important dans le cadre du respect de la loi Sapin en France.
Nous voulions être le plus transparents possible : je suis capable de dire à chaque annonceur exactement combien il a acheté.
Sur le format c’est donc une place fermée, privative. Est-ce que vous travaillez sur le RTB ouvert ou uniquement en deal ID ?
Nous offrons aussi bien du open RTB que des deals ID.
Avez-vous déjà un peu de recul pour voir lequel fonctionne le mieux ?
C’est un peu tôt pour dire et cela va dépendre des périodes. En période de fêtes de fin d’année, l’open RTB marche très bien, car il y a beaucoup de demande et les enchères montent, mais dans les périodes creuses les deals ID seront sans doute une bonne option.
Et sur le lancement de cette place de marché vidéo programmatique dans son ensemble. Quelle analyse en faites-vous six mois après ?
La première analyse que nous faisons est que la transparence était attendue par le marché, que ce soit par les annonceurs ou les agences, et elle est valorisée. Ce pilotage et cette optimisation des campagnes en temps réel est un vrai service en plus pour nos annonceurs. L’autre point fort de notre offre est qu’elle se différencie de la concurrence sur la vidéo du fait de son taux de complétion publicitaire très élevé. Ce qui fait notre différence est bien la qualité de notre contenu. Le pré-roll ou mid-roll ne sont pas un souci pour vous lorsqu’il s’agit de voir votre série préférée ou un contenu que vous souhaitez vraiment voir. Nous sommes suffisamment confiants dans la qualité de nos contenus pour nous dire que les gens sont prêts à regarder la pub.
Et le contenu de la pub ? Avez-vous un regard dessus ?
C’est compliqué, nous essayons de donner des guidelines, comme par exemple, d’éviter des formats trop longs, de donner priorité aux formats adaptés au digital, que de mettre juste le spot télé ne suffit pas, qu’il faut lui donner un enrichissement supplémentaire, qu’il faut le rendre interactif, etc. Mais je ne peux être que force de proposition.
Puisqu’ on parle de vidéo programmatique, que pensez-vous de la télévision programmatique, en plein démarrage aux Etats-Unis, et sommes-nous prêts en France pour prendre cette direction ?
En France, c’est impossible aujourd’hui, car il existe une contrainte légale fixée par le CSA qui interdit aux chaînes de personnaliser la publicité. TF1 n’a donc pas le droit de cibler une pub et de la diffuser seulement sur un segment donné d’audience, par exemple, pour une région spécifique en France. Aujourd’hui on ne peut donc pas individualiser la publicité dans la télévision.
Aimeriez –vous que ça change ?
Je n’ai pas à me prononcer sur les aspects réglementaires.
En revanche, là où nous commençons à réfléchir en R&D c’est sur l’IPTV, la télévision via la box, car là, sur le replay, j’ai le droit de personnaliser la publicité. En France il y a eu beaucoup d’efforts faits sur la box. Aujourd’hui quasiment tout le monde dispose d’une box et la plupart des boxes sont reliées à la télévision. Les acteurs américains sont sidérés par ce marché français. C’est un vrai média de masse. Aujourd’hui, la box reçoit des publicités servies par les ad serveurs. On le fait depuis trois ans environ. Ce sont des publicités différentes du direct, vendues en digital, ce qui est une spécificité assez française et cela vient tout juste d’être mesuré pour la première fois ! Nous sommes vraiment en train d’assister à la naissance d’un nouveau média digital : l’IP télé ! Ce sont plus de 22 millions de français chaque mois au global et 9,4 millions sur TF1 qui regardent le replay sur leur télévision, selon Médiamétrie. Ce marché est énorme et supérieur à celui de la tablette.
En France, peut-on prendre en compte aujourd’hui d’autres types de télévision connectée ?
Il existe en effet les Smarts tv, ce sont les télévisions que vous pouvez connecter à votre Wifi, mais c’est rarement fait.
Quelle est aujourd’hui pour vous la différence entre faire de la publicité pour la télévision et la faire pour la box ?
Ce sont deux univers complètement distincts. La box se vend en mode digital. Nous packageons des offres sur les quatre écrans. Aujourd’hui, plus de 75% de nos ventes digitales sont faites sur quatre écrans : la campagne est diffusée sur les quatre médias – PC, smartphone, tablette et IP télé.
Vous êtes donc à fond dans le multi-écrans. Les annonceurs réagissent comment ?
Le seul reproche que l’on nous faisait était celui de la difficile mesure de l’IP télé. C’est désormais une affaire du passé, puisque depuis un mois Mediamétrie le mesure, on l’a vu, et nous avons une vraie réponse à leur apporter.
Et les profils ? Et la data ? Comment vous faites du ciblage sur la box ?
Les opérateurs télécom ne partagent pas du tout leur data et ils sont très surveillés par la CNIL. Pour faire du ciblage, nous nous appuyons sur nos propres programmes, car ils sont autoporteurs de leur data.
Que voulez-vous dire exactement ?
Le replay est très qualifiant. Le fait de choisir de voir du replay n’est pas un hasard, cela renforce votre profil. Dans la télévision linéaire, tout le monde peut tomber sur un programme par hasard, mais en replay c’est un choix. Ainsi, suivant les caractéristiques de l’émission, on peut très facilement en déduire des profils d’audience. Nous pensons que cette data nous permet de proposer une offre très pertinente et ciblée à nos annonceurs. Grace au Médiamat, nous pouvons avoir désormais chaque jour une audience précise sur nos programmes, y compris sur l’IP télé et le digital
Nous réfléchissons à trouver des passerelles programmatiques sur le replay en IP télé. C’est assez compliqué, nous cherchons des développements techniques qui pourraient permettre de le faire. C’est pour le moment de la pure R&D.
(La deuxième partie de l’entretien avec Philippe Boscher, responsable de marketing et de développement du pôle digital de TF1 Publicité sera publiée très prochainement).
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre
*TF1 Publicité commercialise les espaces publicitaires des chaînes du groupe TF1 (TF1, HD1, LCI, Eurosport, Eurosport 2, TV Breizh, Stylia, Ushuaïa TV, Histoire), et bien d’autres groupes et chaînes télé tels que Turner et Discovery et radio. Elle assure la commercialisation des espaces publicitaires des sites Internet : MYTF1.fr, MYTF1News, WAT.tv, eurosport.fr, TFou.fr, bouyguestelecom.fr…