Instagram monte en puissance face à Facebook dans la course pour attirer des budgets publicitaires. C’est le constat de la plateforme d’analyse des médias sociaux Socialbakers. Dans une étude récente sur les tendances des médias sociaux en 2019, Socialbakers indique qu’Instagram devient le média social leader en engagement pour les marques. Pour comprendre le positionnement d’Instagram mais également l’évolution des performances de Facebook en France, nous interrogeons Damien Landesmann, vice-président de Socialbakers pour les pays EMEA.
Comment les marques réagissent-elles aux changements de comportement des utilisateurs et aux faits majeurs qui ont ébranlé Facebook en 2018 ?
Il est vrai que l’année a été compliquée pour Facebook. Ceci étant, on continue d’observer une croissance soutenue des audiences et des budgets investis dans les réseaux sociaux, y compris sur Facebook. Il y a donc une grande différence entre les scandales que l’on peut lire dans la presse et la réalité des investissements publicitaires. Ces derniers, tout comme le temps passé sur les réseaux sociaux de la population française et mondiale, croissent massivement.
Il y a une prise de conscience généralisée que la donnée a une valeur très forte et qu’elle ne peut être utilisée aux dépens des utilisateurs. Ceci étant, Facebook ne s’en sert pas aux dépens des consommateurs, mais dans le but de leur proposer une expérience sur mesure. De même, il le fait pour monétiser l’inventaire de la façon la plus ciblée possible en réponse aux attentes des annonceurs. Les marques souhaitent en effet identifier leur cœur de cible et communiquer de manière engageante.
Je travaille au quotidien avec de très nombreuses marques. Les annonceurs ne sont pas satisfaits des scandales autour de la donnée. Mais en même temps ils ont compris que l’efficacité des médias sociaux n’est plus à démontrer. Non seulement leur cœur de cible est sur place comme on observe un shift massif qui continue de s’opérer entre l’offline et l’online, au centre duquel se trouvent les médias sociaux.
Concernant la montée en puissance d’Instagram, les marques changent-elles leur fusil d’épaule ou restent-elles malgré tout sur leurs positions, y compris sur Facebook ?
Tout dépend des secteurs d’activité. Certains secteurs comme la mode et la beauté, la maison et le voyage transfèrent leurs investissements de Facebook vers Instagram. Ces secteurs sont à la recherche d’un public plus jeune et plus féminin. De plus, Instagram a la particularité d’être très visuel et très engageant.
Et les autres secteurs ?
Ils se développent de plus en plus sur Instagram aussi, comme le retail, l’automobile ou le secteur des électroniques. Petit à petit, le recours à ce média se généralise parce qu’il s’agit aussi d’une plateforme extrêmement mobile.
Mais Facebook l’est également…
Oui, mais Facebook a beaucoup plus de texte. Facebook reste le réseau n° 1 pour les médias et les approches plus communautaires. Instagram non seulement est uniquement sur mobile comme il a su proposer des formats innovants. Les stories sont un must pour les marques, cela marche très bien. Le marketing d’influenceurs aussi se développe très bien sur Instagram.
Est-ce que les audiences de Facebook ont vieilli ?
Oui tout à fait, elles suivent l’évolution de la population française. C’est aussi la raison pour laquelle tous les annonceurs y sont présents désormais, y compris ceux qui ciblent les seniors.
Quels ont été pour vous les faits les plus marquants ces derniers mois sur les médias sociaux ?
En 2018 nous avons constaté l’explosion d’Instagram. C’est l’année où ce réseau social a consacré sa victoire dans sa bataille contre Snapchat, même auprès des adolescents. Instagram a tout simplement copié toutes les innovations apportées par Snapchat. Ils ont bénéficié de la force de frappe de Facebook, ce qui a également rassuré les annonceurs. Jusqu’il y a encore un an, les offres commerciales de Snapchat étaient très légères face à la machine de guerre de Facebook. Sur les réseaux sociaux, vous avez la mécanique de la prime au plus gros. Les annonceurs veulent être là où les audiences passent le plus de temps.
Deuxième fait marquant : l’explosion du marketing d’influence. C’est en partie lié aux changements d’algorithme qui ont pénalisé la visibilité des marques. Le recours aux influenceurs est apparu comme un moyen pour les marques de retrouver le reach perdu.
Enfin, la protection des données a été un sujet phare. Facebook a opéré beaucoup de changements dans ses API. Sur Instagram il n’est plus possible de faire du listening. Ces acteurs se servaient jusqu’il n’y a pas si longtemps des données privées pour évaluer l’impact des marques. Beaucoup ont dû cesser leur activité.
Cette année, Instagram va continuer de se développer d’après vous ?
Oui, Instagram va continuer à se renforcer, ne serait-ce que parce que Facebook continue d’investir beaucoup sur cette plateforme. En parallèle, le marketing d’influence va davantage se professionnaliser. Les annonceurs ne font plus de chèque en blanc aux influenceurs. Ils demandent à avoir plus de contrôle sur leurs données.
Il est important également de signaler qu’encore une fois en France les événements récents, dont le mouvement des gilets jaunes, ont réaffirmé le rôle majeur joué par les médias sociaux et leur impact. Les gens sont de plus en plus présents sur ces écosystèmes. Il y a en revanche beaucoup d’efforts à faire encore en matière de contrôle et d’élimination des fake news et de sensibilisation de la population à les identifier. C’est une question de volonté politique.
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre