Aborder le sujet de la fraude notamment en environnement programmatique exige de voir à la fois du côté des éditeurs comme des annonceurs, agences et trading desks ce qui se met en place et comment ce problème est maîtrisé. Vous vous souvenez sans doute de l’annonce fin 2013 de la fusion de Xaxis, trading desk du groupe mondial britannique WPP, avec le spécialiste de la monétisation d’audiences côté éditeurs 24/7 Média. La nouvelle entité née a gardé le nom de Xaxis et serait ainsi à même de travailler des deux côtés en mode programmatique, en s’appuyant en outre sur sa capacité à manager la data.
En France, la fusion s’est opérée de façon particulière, puisque, comme nous explique Estelle Reale, VP Marketing de Xaxis pour les pays EMEA, suite à cette fusion au niveau global, le groupe a décidé de continuer à opérer la marque 24/7 Media pour la France avec un positionnement propre, celui d’une « régie publicitaire programmatique qui exploite la technologie développée et propriétaire de Xaxis ». Comme le précise Stéphane Dupayage, Directeur Général de 24/7 Media France, sa régie utilise une DMP propriétaire qui serait capable de créer en temps réel des segments d’audience exclusifs et anonymes, puis d’activer ces segments sur l’ensemble des canaux numériques.
Stéphane Dupayage s’est joint à Estelle Reale dans cet entretien réalisé avec ad-exchange.fr pour nous expliquer de quelle manière abordent-ils le sujet de la fraude, notamment sur le marché français.
Tout d’abord, dans un contexte où des études et analyses rendent compte d’un véritable fléau de la fraude où des milliards seraient dépensés sur des impressions qui n’atteignent jamais leurs cibles ou qui ne sont jamais vues, sentez-vous concerné ou menacé par des fraudeurs ? A quel niveau ?
ER : Les études et analyses montrent effectivement des chiffres impressionnants, mais il est important de noter que ces tendances sont principalement observables sur le marché américain. En France, la situation est quelque peu différente. En effet, l’émergence du programmatique en France a été initié et fortement dopée par l’apparition de coalitions d’éditeurs (i.e. La Place Media / Audience Square) ou de places de marché premium comme celle de 24/7 Media. La France est donc beaucoup moins exposée à ces risques, car dans cet écosystème, l’open RTB est significativement limité, et les achats se font essentiellement dans des environnements très qualitatifs.
A combien évaluez-vous les pertes pour les annonceurs pour cause de la fraude des impressions en ligne ?
SD : C’est difficile à quantifier. Mais en réalité, il ne s’agit pas d’un problème majeur en France. Sur notre marché, le débat central s’oriente d’avantage autour de la visibilité réelle des impressions que sur des problématiques de fraude.
Vous venez de lancer un outil de lutte contre la fraude le Xaxis Prime. En quoi est-il différent de ce que vous mettiez en place avant et pourquoi lancer un nouvel outil justement ?
ER : Prime a été lancé aux USA pour rassurer les annonceurs et leur garantir une visibilité « humaine » de leurs campagnes publicitaires. Sur le plan technique, il s’agit de l’utilisation de différents outils partenaires capables de mettre à l’index et de bloquer le trafic de robots, afin de s’assurer que l’ensemble des campagnes ne passent sur aucun site jugé suspect. Pour identifier ces sites, Xaxis utilise à la fois des ressources techniques qui analysent chaque site en profondeur, puis une ressource humaine qui assure un second regard pour valider la bonne conformité du site. Par ailleurs, la technologie propriétaire de Xaxis repose en partie sur la création de segments d’audience exclusifs. Dans ce cadre, Xaxis, en analysant de façon anonyme l’activité de surf des internautes, peut définir des catégories d’internautes qui ont un réel comportement humain (telle que les réponses CAPTCHA, les partages de page sur les réseaux sociaux…). Ces segments peuvent être alors poussés depuis notre DMP vers un DSP en temps réel, et nous pouvons proposer d’enchérir uniquement sur ces segments d’audience hautement qualifiés.
Est-ce que cette solution vous permet d’identifier la fraude avant l’enchère sur le RTB et comment ?
ER : Absolument. Comme expliqué précédemment, en proposant aux enchères uniquement des inventaires ciblés sur un comportement et une activité humaine, nous éliminons ainsi au maximum toute fraude sur les enchères RTB.
Quels sont les types de fraude les plus courants ?
SD : Contrairement à ce que l’on peut entendre, il est important d’expliquer que la fraude ne correspond pas à de l’emplacement bas de page, des inventaires de mauvaise qualité, ou encore à des sites de téléchargement illégaux. On retrouve de la fraude principalement lorsque des ordinateurs ont été piratés, et ou des logiciels peuvent y être installés générant de la fausse activité. Des robots peuvent aussi imiter des utilisateurs légitimes en téléchargeant à plusieurs reprises une page ou une publicité. Enfin, quelques acteurs malveillants arrivent à superposer l’une sur l’autre plusieurs bannières dans un même emplacement publicitaire, avec seulement la publicité supérieure visible par les internautes.
Est-ce un phénomène inhérent aux places de marché programmatiques ?
ER : Non, c’est un phénomène qui existe depuis la mise en place des bannières (20 ans !), mais cela s’est développé et a été mis au-devant de la scène avec l’Open RTB.
En quoi la fraude est-elle différente sur le desktop, mobile et la vidéo ?
SD : Comme la vidéo est le plus souvent amorcée par l’internaute lui-même, le débat y est beaucoup plus limité.
Quel conseil donneriez-vous à un annonceur pour lutter contre la fraude ? Est-ce d’ailleurs une question qui inquiète vos clients ?
SD : Pour éviter d’être exposés à des impressions frauduleuses, nous suggérons fortement aux annonceurs de travailler avec des inventaires premium, d’enrichir sur des urls non masquées et également d’avoir accès aux dernières technologies. Un élément clé dans le programmatique est de sélectionner des partenaires qui travaillent avec des technologies qui font les développements réguliers et adéquats pour contrer le phénomène (cf. AppNexus et sa dernière annonce) et qui en plus de la technologie, proposent les services humains appropriés.
Si vous aviez le pouvoir de dicter de nouvelles règles du jeux aux ad exchanges en RTB que feriez-vous pour réduire la fraude, notamment à priori (avant qu’une enchère ne soit lancée) ?
SD : Le marché doit se réguler. Les éditeurs doivent comprendre leur intérêt d’apparaître en full url et non en blind et les acheteurs doivent comprendre l’intérêt de passer par des places de marché qui vont pré-qualifier de l’inventaire. C’est tout l’intérêt des places de marché par rapport à l’Open RTB et c’est là qu’une société comme 24/7 Media a toute sa place en permettant de représenter des audiences d’éditeurs qualifiés au sein d’une place de marché transparente.
Luciana Uchôa-Lefebvre