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Data et vie privée : qu’en pense Ysance, éditeur d’une plateforme de gestion de données (DMP) ?

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Ils sont à l’origine d’une plateforme de gestion de données (DMP) et ont annoncé récemment leur adhésion au programme d’opt-out Your Online Choices (lire ici notre article). Mais au-delà des effets d’annonce, comment gère-t-on à Ysance la collecte et l’exploitation des données sur les consommateurs pour le compte des annonceurs ? Nous avons souhaité en savoir plus en interrogeant Romain Chaumais, Directeur Marketing et co-fondateur d’Ysance.

(Mise à jour: Ysance a annoncé ce mardi 22/09 avoir levé 5 millions d’euros auprès de Creadev.)

Romain Chaumais_YsanceVous êtes éditeurs de solutions marketing avec une expertise poussée en matière de données (collecte, analyse, gestion). Vous êtes notamment éditeurs d’une plateforme de gestion de données (DMP), la Data Factory. Pouvez-vous nous présenter en deux mots votre savoir-faire en matière de données et ce que vous arrivez à faire en termes d’identification d’audiences en milieu digital ?

Depuis 10 ans, Ysance accompagne les entreprises dans la conception et la mise en place de leurs plateformes digitales. Cela consiste à compléter le système d’information traditionnel « processus centric » par un système d’information véritablement « customer centric », intégré à l’univers digital des consommateurs. Nous avons donc acquis une forte expérience dans les domaines du CRM, du Commerce Digital, du Digital Marketing, du Cloud Computing et bien évidemment des Big Data. Nous avons très vite été confrontés à des problématiques de collecte, de consolidation et de valorisation des données digitales croisées avec les données client. Faute d’une solution satisfaisante sur le marché, nous avons démarré il y a 3 ans le développement de notre DMP First party qui est conçue pour réconcilier les données Online avec les données Offline et ainsi offrir une vue unifiée et complète des interactions et transactions clients. Notre DMP propose donc des mécanismes avancés « d’Onboarding First Party » permettant de raccrocher les interactions digitales des internautes avec les « données CRM » de l’entreprise.

Comment est-il possible de croiser la base de données clients « off line » d’une marque ou magasin avec les données en ligne de ces mêmes personnes (leurs centres d’intérêt, les différents terminaux dont elles disposent, leur navigation sur les réseaux sociaux, leurs profils sur desktop et mobile) ? Comment les identifier sur l’univers digital ?

Nous ne pouvons pas révéler dans les détails notre « magic sauce », mais en synthèse, nous combinons de multiples méthodes permettant de façon déterministe de raccrocher des identifiants techniques (cookie, email, social login, N° carte de fidélité, etc.) aux clients et aux devices qu’ils utilisent. Nous obtenons ainsi une vue unifiée des interactions digitales combinées aux transactions « off line ». Tout ceci, nous le faisons dans le plus strict respect de la réglementation (CNIL, etc.). En aucun cas, nous ne collectons ni ne stockons de PII (Personally identifiable information).

Pour enrichir les données dites 1st party (CRM) les marques ont souvent recours à des bases de données dites 3rd party. Pouvez-vous nous dire deux mots sur la fiabilité de ces données 3rd party et notamment sur leur relation au respect de la vie privée des consommateurs ?

Les données 3rd party permettent « d’enrichir » les données 1st party selon 3 dimensions : augmenter la qualification de l’audience 1st party, étendre le bassin d’audience par du « lookalike » ou sur segmentation « persona » et augmenter le taux de Onboarding. A chaque fois, ce sont des Data Providers différents mais dans tous les cas il faut vérifier le sérieux de leur offre, la fiabilité et la fraîcheur de leurs données et s’assurer qu’ils respectent la réglementation locale et la vie privée des internautes.

C’est plus facile à dire qu’à faire. Mais il n’y a pas de secret, cela a un coût et il faut se méfier des promesses trop alléchantes. Il ne faut en aucun cas acheter des données fournissant des informations nominatives sur des individus dont on n’a pas obtenu le Opt-in.

ysance_digitalJamais auparavant les marques n’avaient d’accès à autant de données au sujet de leurs cibles et ce grâce aux méthodes de tracking des traces laissées par les utilisateurs dans leur navigation en ligne. D’une manière générale, pensez-vous que l’industrie du marketing digital est respectueuse de la vie privée des consommateurs ? Pourquoi ?

Nous ne pouvons pas généraliser le comportement des acteurs de l’industrie du marketing digital. Certains sont très attachés à la vie privée des internautes. C’est notre cas et notre DMP est de type « designed for privacy ». De plus, la réglementation européenne protège relativement bien les internautes même s’il reste encore du chemin à parcourir pour uniformiser les pratiques nationales. Néanmoins, les technologies de tracking permettent trop facilement de contourner le choix des internautes de ne pas être suivis. Des sociétés peu scrupuleuses en abusent. En retour, les consommateurs installent des Adblocker. Il faut donc absolument instaurer un climat de transparence et de confiance entre les consommateurs et les marques et faire un usage responsable des données collectées (voir notre chronique à ce sujet.)

Les comportements des consommateurs étant aujourd’hui multi-écrans, l’industrie laisse petit à petit de côté l’usage des seuls cookies pour approcher des méthodes  de suivi cross device. On entend alors parler de fingerprint, de device ID, de http header. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous pensez de ces différentes méthodes ? Et de l’usage que vous en faites ?

En premier lieu, il faut effectivement souligner que les cookies ne permettent pas de mettre en place un suivi cross device efficace, particulièrement dans l’univers du mobile et des Apps. Il est donc nécessaire de combiner un ensemble de techniques, qui sont loin d’être aussi efficaces les unes que les autres, pour « raccrocher » de façon déterministe les appareils d’une même personne et disposer d’une vue « client 360°» et non uniquement d’une vue « écran publicitaire ». Nous avons beaucoup investi en R&D afin de garantir des rapprochements multi-devices fiables et maintenus dans le temps. Il nous est ainsi possible de consolider pour un même consommateur ses visites web depuis son laptop, l’utilisation de l’application mobile, ses achats en magasin ou encore ses interactions avec des bornes iBeacons.

Le consortium W3C a récemment critiqué très sévèrement les méthodes de tracking sans cookies (lire ici leur déclaration). Que pensez-vous de leur déclaration ?

Sur la forme, le W3C est ici parfaitement dans son rôle, à savoir s’assurer que les standards du web sont correctement appliqués, préservant ainsi son bon fonctionnement et luttant contre tout détournement au profit d’une minorité. Sur le fond, nous sommes totalement alignés avec le principe que les utilisateurs ne peuvent être suivis sans leur accord et qu’ils doivent garder le contrôle sur les données collectées par les acteurs du web. Par contre, comme on l’a vu, les cookies ne sont pas suffisants pour proposer une expérience client unifiée sur tous les devices et il est donc nécessaire de les compléter par de nouveaux standards techniques. Au W3C de faire des propositions en collaboration avec les éditeurs d’OS mobile (Apple, Google, etc.).

ysance_investissement_retd_v2Comment concilier l’usage de données pour le ciblage de campagnes marketing, dont on sait qu’elles sont indispensables au financement des éditeurs et donc du contenu gratuit sur Internet,  et le respect de la vie privée des consommateurs connectés  d’après vous ?

Lorsque l’on exploite les données personnelles des consommateurs, il faut toujours s’assurer que ces derniers en tireront un bénéfice tangible. C’est une règle d’or qui rend acceptable ces « intrusions » dans leur vie privée. Or le monde de la publicité en ligne a encore de très gros efforts à faire sur ce plan. La majorité des campagnes marketing ciblées 3rd party sont techniquement et graphiquement décevantes. Il est nécessaire d’aller bien au-delà d’un retargeting basé uniquement sur la seule consultation d’un article ou d’un produit. Nous sommes convaincus que si les annonceurs proposent une expérience utilisateur publicitaire de qualité grâce à l’utilisation des données personnelles 1st party couplée à des formats modernes comme le native advertising, alors ces publicités seront parfaitement acceptées, généreront des clicks et par là même financeront naturellement les éditeurs. Le taux d’utilisation des Ad Blockers est à l’image des progrès que l’industrie publicitaire doit encore faire …

Luciana Uchôa-Lefebvre

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