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ANALYSE GAMING INTERVIEW Non classé PERFORMANCE

Comprendre les enjeux de l’économie in-app (interview B. Salord, App Annie)

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Usages mobiles.

Les chiffres viennent attester ce que l’on observe quotidiennement autour de soi : les applications sont partout et avec elles de nouveaux usages et de nouveaux modèles économiques voient le jour. L’étude la plus récente d’App Annie, plateforme de données marché spécialisée dans l’économie des applications mobiles, fait état de plus de 175 milliards de téléchargements d’applications dans le monde et plus de 86 milliards de dollars dépensés en 2017. À noter que ce chiffre comprend les dépenses réalisées via les app stores (applications payantes ou achats in-app) hors m-commerce et qu’il ne prend pas en compte les revenus publicitaires. Depuis 2015, le nombre de téléchargements d’applications dans le monde a augmenté ainsi de 60 %, les dépenses des consommateurs ont plus que doublé (par exemple pour le streaming de vidéos, le gaming, ou autre achat intégré dans les applications) et le temps passé dans les applications a grimpé de 30 %, les utilisateurs consacrant désormais 43 jours par an à leurs applications. Si les marchés émergents mobile first ont été les moteurs de cette croissance, à commencer par la Chine et l’Inde, les économies matures restent elles aussi dynamiques, cas de la France. Nous interrogeons Bertrand Salord directeur de marketing d’App Annie pour les pays EMEA.

Le marché mondial des applications semble avoir le vent en poupe. Mais de la même manière que le marché publicitaire est dominé par les Gafam, le marché de l’édition d’applications hors secteur du gaming (où l’on est dans une logique de machine à sous) n’est-il pas aussi hyper concentré entre les mains de quelques éditeurs à commencer par les principaux réseaux sociaux, Google et Microsoft ?

Bertrand Salord, App Annie.
Bertrand Salord, App Annie.

Tout dépend de ce que l’on analyse. Vous l’avez montré plus haut, les chiffres attestent d’un marché extrêmement dynamique : 175 milliards de téléchargements c’est 60 % de plus en deux ans et 86 milliards de dollars d’achats in-app (un jeu vidéo, un article de presse, etc.) c’est 105 % de plus qu’en 2015. Un autre indicateur est le temps passé sur ces applications qui continue de croître régulièrement, il est de 3 heures par jour en moyenne dans le monde ! Cela signifie que le mobile – cet appareil que l’on garde sur soi tout le temps – est devenu un écran à tout faire. C’est une superbe opportunité pour les entreprises de se connecter avec leurs clients et prospects. Si on analyse les volumes d’audiences, il va de soi que les principaux réseaux sociaux Facebook en tête dominent le paysage (vous avez tout de même Leboncoin qui apparaît en dixième position en France). Mais l’analyse ne se limite pas à ceux-là, tout dépend des usages. On ne peut pas comparer la fréquence d‘utilisation d’une application de messagerie instantanée avec celle d’une application bancaire que l’on consultera beaucoup moins fréquemment, à moins d’être un peu inquiet, ce qui ne signifie pas que cette dernière n’ait pas son intérêt et utilité, bien au contraire. Les banques vivent une très forte mutation et le fait de proposer des services dématérialisés à travers une application mobile est devenu central pour leur permettre de garder leurs clients et en conquérir de nouveaux. Dans le secteur du voyage tout se fait via le mobile, que ce soit pour réserver un vol, un hôtel, une voiture ou un restaurant. Pour beaucoup d’enseignes le fait de proposer une application permet de fidéliser ses clients et de les engager d’avantage, Starbucks a vendu plus de café grâce à son appli !

Concrètement qui gagne vraiment ? Si on retire des 86 milliards le secteur du gaming il ne doit pas y rester beaucoup de monde…

Le gaming, secteur historique des applications mobiles, représente la part la plus importante et c’est normal. Parmi les autres secteurs qui monétisent on retrouve les services de rencontres (6 sur les 10 premières applications non gaming) et de streaming (Deezer et Netflix dans les 10 premiers en France). [À noter qu’en France Spotify n’est même pas parmi les 10 premiers en termes de revenus générés ndlr.]

Cela signifie donc que l’économie mobile ne tourne pas que sur la notion de monétisation directe de l’application, cette dernière a en réalité plein d’autres fonctions…

En effet aujourd’hui chaque société est un éditeur d’application parce que c’est un passage naturel, c’est ce que les consommateurs veulent et attendent des entreprises avec lesquelles ils souhaitent interagir. Cette demande est absolument stratégique pour les entreprises : ceux qui ne développeront pas d’application perdront leurs clients. Et ça va très vite. Il faut aller à la rencontre du consommateur là où il est, c’est-à-dire, sur son mobile. N’oublions pas que, contrairement aux sites web où l’éditeur attend que l’internaute vienne le visiter, l’application permet l’interaction avec le mobinaute, elle permet de le solliciter.

Publicité localisée.Dans la majorité des marchés analysés, on dispose de 80 apps installées sur son téléphone et on utilise 40 chaque mois, ce qui est déjà pas mal. La France suit à peu près cette tendance. Pouvez-vous nous en dire plus sur les performances de ce marché dans l’Hexagone ?

En France on est plutôt à 90 applications installées pour 40 utilisées chaque mois. Cet écart s’explique aussi là encore par l’usage : une personne qui ne voyage pas fréquemment ne consultera pas l’application de sa compagnie aérienne tous les jours. En moyenne on utilise une dizaine d’applications par jour. Le marché se porte très bien en France aussi, avec beaucoup d’applications présentant une très bonne performance en audiences et en monétisation (AdoptunMec, Deezer, Leboncoin, les jeux d’Ubisoft…). Pour les entreprises françaises, les app stores représentent aussi des portes ouvertes sur le monde : pour celles qui n’ont pas d’ancrage avec le monde physique cela leur permet d’aller partout sans même avoir à ouvrir un bureau. Avec une bonne stratégie on peut se développer ailleurs en Europe, en Asie ou aux États-Unis.

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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