Pour Cdiscount, la pub devient un métier. C’est ce que l’on découvre dans cette interview avec Christophe Blot, directeur général de 3W. Avec relevanC, 3W s’occupe de la collecte, la mesure, le ciblage et la monétisation d’audiences et de données transactionnelles de toutes les marques du groupe Casino.
Après les tendances de l’achat média, ad-exchange s’intéresse désormais aux attentes et prévisions des éditeurs. Cette mini-série de trois interviews donne la parole à des publishers aux typologies complètement diverses (pour lire la première, avec Clément Delpirou, patron de SFR Presse, à propos de Libération, cliquez ici). Aujourd’hui, on s’intéresse à ce représentant de poids d’une catégorie de publishers – celle des e-commerçants – pour qui la publicité en ligne devient un canal de monétisation de premier rang.
Qu’est-ce qui marquera l’activité de monétisation des e-commerçants cette année ?
Une tendance majeure que l’on verra se confirmer cette année est la « plateformisation » des produits publicitaires. La notion de « plateforme » n’appartient plus aux seuls GAFA. Nous mettons en place des outils – des plateformes – qui permettront aux annonceurs et leurs agences d’accéder en toute transparence et autonomie à tous nos produits publicitaires. C’est ce que l’on appelle la retail media tech. Et on démarrera dans quelques semaines avec la mise à disposition de la fonctionnalité d’achat de produits sponsorisés dans le site de Cdiscount avec notre propre outil, développé en interne. Cette fonctionnalité, disponible depuis deux ans, était jusqu’à présent opérée par un prestataire externe.
Au départ, le modèle économique des retailers ne reposait pas sur la publicité. Depuis une dizaine d’années et avec l’essor du numérique, ils ont compris l’intérêt de monétiser leurs actifs, ce qui a représenté un changement important. Désormais, on franchit une nouvelle étape : certains acteurs de ce secteur investissent et développent en interne des solutions publicitaires. C’est notre cas. Un acteur important de l’e-commerce doit disposer d’une équipe conséquente pour gérer ses sites. C’est pourquoi la bascule vers le développement d’outils publicitaires a été possible.
Mais ces capacités, cette évolution, les voyez-vous chez d’autres acteurs que vous ?
L’écosystème publicitaire est devenu très technologique, ce qui représente une barrière à l’entrée. Les acteurs de l’e-commerce sont conscients de la valeur de leur data et de leurs inventaires. Mais c’est très compliqué pour la plupart d’entre eux de lancer leurs propres solutions publicitaires. C’est pour cela que nous sommes persuadés que la mise en place d’une alliance s’impose. C’est ce qui permettra au marché de développer des alternatives viables aux géants du numérique.
Êtes-vous clairement en train d’inviter d’autres e-commerçants à venir utiliser vos outils publicitaires ?
Exactement. C’était déjà dans notre ADN à 3W de travailler en tant que régie externe pour de nombreux sites. Désormais, nous proposons d’établir une alliance avec d’autres acteurs français de l’e-commerce pour disposer d’une offre complémentaire à celle des acteurs américains ou chinois.
Quels contacts sont en vue ?
Nous travaillons déjà pour l’ensemble des enseignes de distribution du groupe Casino mais également pour Conforama. Nous avons des discussions avancées avec d’autres acteurs aussi bien de l’alimentaire que du non-alimentaire. L’enjeu est de mutualiser nos développements technologiques et nos compétences humaines internes au profit d’autres acteurs du retail.
Nous avons intérêt à nous unir. C’est pourquoi nous discutons aujourd’hui avec la plupart des grands distributeurs sur ce sujet.
Seriez-vous prêts à proposer cette alliance aux groupes de retailers directement concurrents du vôtre ?
Regardez ce qu’il s’est passé dans les secteurs des médias. Malgré une forte rivalité entre les différents titres, des alliances ont vu le jour. Ces acteurs directement concurrents ont compris l’intérêt de s’unir sur certains sujets. Cela peut fonctionner dans d’autres industries, comme la nôtre. Sur le volet publicitaire nous avons tous des concurrents majeurs et communs. Pour les activités de monétisation, il est donc clair que notre périmètre concurrentiel est tout autre. C’est pourquoi nous avons intérêt à nous unir. C’est pourquoi nous discutons aujourd’hui avec la plupart des grands distributeurs sur ce sujet.
Bien entendu, la donnée étant un actif très sensible dans notre secteur, leur consolidation et la répartition de la valeur seront opérées par un tiers neutre, afin que l’étanchéité de la donnée soit assurée. Ce tiers, qui s’occupe de la DMP de l’alliance, contractualisera avec les acteurs qui viendront la rejoindre. Pour cela nous travaillons actuellement avec mediarithmics.
Quel est le reach de Cdiscount et la part de la publicité dans ses revenus ?
Son reach est un peu plus de 20 millions de visiteurs uniques par mois, cela dépend des mois. Cela en fait le premier e-commerçant français. Pour ce qui est des revenus publicitaires, nous ne communiquons pas ces chiffres. Nous pouvons dire cependant que la croissance des revenus de monétisation de Cdiscount est à deux chiffres.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre