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[Dossier] Audio digital comme support publicitaire : « tendance de fond ou épiphénomène » ?

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audio digital

Avec une augmentation de 94% des annonceurs présents sur le levier en 2018 par rapport à l’année précédente (source : Kantar), l’audio digital est en plein boom. En effet, depuis deux ans, les marques se lancent en masse sur ce média pour toucher leurs audiences à travers ce levier et plus particulièrement les podcasts. Et si la crise sanitaire a créé un certain déséquilibre en début d’année, elle a également été une aubaine pour le marché avec une croissance de 20% de l’écoute du contenu audio sur le digital (plateformes de streaming telles que Deezer et Spotify, les sites internet et les applications). Mais cette tendance sera-t-elle durable ?

L’audio digital : la complexité du contexte marché

Un marché 3 en 1

L’audio digital a pour particularité d’être intégré à 3 marchés distincts :

  • le marché de la production audio réalisée par plusieurs types d’acteurs tels que les studios, les médias, web radios et chaînes TV
  • le marché publicitaire représenté par des régies et des fournisseurs de technologies (ex : podcast Acast, Audion, etc.) dédiés à la commercialisation voire à la diffusion des annonces publicitaires sur les podcasts
  • le marché de la diffusion, dominé par Apple podcasts et Spotify

Actuellement, de plus en plus de studios et de marques allouent des budgets importants à la création de podcasts devant la croissance de la consommation des contenus audios. Néanmoins, la création de contenu podcast représente un coût important, d’autant plus qu’il est nécessaire d’en produire de façon régulière pour engager ses audiences.

Le défi de la diffusion audio

Entre les plateformes de streaming musical, les plateformes fermées et payantes (pure paid), ou encore le streaming web sur les sites médias, les moyens de diffusion de l’audio sont très hétérogènes. Pourtant, diffuser des podcasts relève plus d’un challenge pour les créateurs de contenu audio.

“Le gros enjeu de l’audio digital n’est pas de produire du contenu ni de faire de la publicité mais tout simplement de réussir à diffuser les podcasts” –Jérémy Parola, Directeur des activités numériques, Reworld Media

En effet, non seulement les plateformes et applications de diffusion (Soundcast, Pandora, Audible, etc) desservent les éditeurs traditionnels qui perdent le contrôle de leurs contenus, mais surtout les deux géants de l’audio, Apple podcasts et Spotify, n’autorisent pas les podcasters et les marques à distribuer ni à promouvoir leurs contenus à travers leurs interfaces. Une raison supplémentaire pour les créateurs de contenus audio de maximiser leur référencement sur les supports disponibles afin de gagner en visibilité.

Une diversité de formats publicitaires

Preroll, mid roll, post roll… Les formats classiques de l’audio n’ont pas changé.  Ce sont les formats audio les plus plébiscités. Le sponsoring (host read) qui consiste à faire lire un message publicitaire par le podcaster est quant à lui moins exploité car bien qu’il soit plus efficace, il est aussi beaucoup plus onéreux. Il est en revanche très développé aux US (70 % de la publicité digitale sera du host read aux US) En outre, comme pour le reste des leviers digitaux, la personnalisation est également permise sur l’audio.

En outre, comme pour le reste des leviers digitaux, la personnalisation est également permise sur l’audio.“Il est d’ores et déjà possible de mettre en place des créations dynamiques (DCO) en fonction de critères tels que l’heure, la géolocalisation, la météo, etc. Il s’agit donc d’un niveau de personnalisation semblable à à celui display.”Mehdi Aroussi, Publisher Director EMEA, Tabmo

Vers une nouvelle typologie d’annonceurs sur l’audio ?

L’audio digital représente également la démocratisation de l’audio. Historiquement, la radio était exclusivement investie par les annonceurs à très gros budgets (grande distribution, banques/assurances, télécom, …) pour leurs campagnes de notoriété. L’audio digital permet à ces mêmes annonceurs de digitaliser leur campagnes radio mais aussi d’ouvrir l’accès à l’audio pour d’autres types de marques (disque, divertissement, etc.) et ceci y compris pour des objectifs de performance, avec l’avantage de pouvoir exploiter des technologies publicitaires comme sur d’autres leviers.

Entre opportunités et menaces

D’ici 2024, la publicité podcast pourrait représenter plus de 1,6 Md$ aux US, d’après les prévisions d’eMarketer. Les Etats-Unis enregistrent une croissance à 2 chiffres sur la publicité podcasts qui s’est d’ailleurs poursuivie en dépit de la crise sanitaire. Un exemple qui laisse envisager des perspectives intéressantes en France. Toutefois, pour le moment, malgré une croissance importante, le marché publicitaire audio en est encore à ses débuts. Des opportunités tout comme des freins au développement de l’audio digital existent.

L’inconvénient des applications

Les applications, environnements fermés, ne facilitent pas le tracking publicitaire. Par conséquent, les médias privilégient la diffusion de leurs contenus audios dans leur propre environnement (site) pour garder la main et engager leurs audiences. D’autres choisissent par ailleurs de créer leurs propres plateformes. Reworld Media a notamment développé sa solution de podcast (sans application) afin d’être en mesure de faire la promotion de ses podcasts à travers tous les canaux d’acquisition du web (référencement, newsletter, etc.) et de garantir les écoutes (6 à 7 M d’écoutes dont 90% en streaming).

Une forte attention publicitaire sur des supports et contenus démultipliés…

Inévitablement, l’essor du contenu à la demande et la tendance du multitasking ont favorisé la montée de l’audio digital tandis que la radio (média audio traditionnel) n’est plus en mesure de couvrir des millions d’auditeurs comme auparavant. Désormais, le grand public souhaite choisir le contenu qu’il consomme et ceci quel que soit sa nature. “L’audio représente un moyen pour les marques de toucher leurs cibles de façon assez percutante à travers des formats qui ne sont pas trop intrusifs et qui permettent de diffuser un message en captant bien plus l’attention que sur un support TV, aujourd’hui pollué de spots”. Charlotte Fouquet, COO, ZBO Media

Le catalogue de contenu disponible est aujourd’hui suffisamment diversifié (plus d’1 Md de show podcasts live réguliers à travers le monde) pour satisfaire tous les types d’auditeurs : actualité, histoire, politique, sport, humour, jusqu’aux contenus pour enfant tels que ceux proposés à travers la plateforme de podcast Keeku, lancée récemment. Pour les annonceurs, l’audio digital représente donc un moyen de couvrir sa cible en adressant des publicités sur différents supports et contenus affinitaires choisis qui bénéficient donc d’une forte attention de l’auditeur. Par ailleurs, selon l’étude TGI 2020 de Kantar Division Media, 63% des écoutes sont effectuées sur smartphone (premier support d’écoute). L’audio digital est donc un support lié à un device d’intimité par excellence ce qui est un atout considérable pour les marques.

… Mais une audience qui n’est pas toujours facile à capter

L’audio a pour avantage de permettre aux marques de toucher de nouvelles audience (ex : 30-35 % des auditeurs de podcasts d’Europe 1 ne sont pas des auditeurs de la station). Elle permet également de réaliser une segmentation en fonction des cibles des annonceurs (les jeunes sont davantage adeptes du streaming ; le reste est davantage consommateurs de podcasts et de web radios) et de couvrir au maximum ses cibles.

Mais le ciblage a ses limites sur l’audio à cause du faible volume de données disponibles selon les supports. La diffusion de messages publicitaires audio sur web radio et podcasts fournissent cependant le même niveau d’information que d’autres leviers digitaux.

Monétisation : Quelle commercialisation pour l’audio digital ?

De plus en plus de régies se lancent dans la vente directe des inventaires audio et gèrent la commercialisation des espaces (via la publicité audio classique, la marque blanche, le pure paid, ou l’intégration native) suivant différents modèles : CPM (Coût pour Mille écoutes), Coût Par Stream, Coût par écoute ou encore Coût par publicité. Des éditeurs vont également commercialiser eux-mêmes leurs inventaires en faisant appel à des partenaires. De plus, bien qu’il soit encore trop peu développé sur le marché français par rapport aux US, l’achat d’inventaires publicitaire en programmatique est bel et bien possible (ex : le DSP TabMo achète de la publicité audio programmatique pour le compte de ses clients). La maturité du marché audio à venir devrait accélérer l’achat/vente de l’audio programmatique.

Une mesure qui reste à améliorer

Un facteur majeur freine l’envol du marché de la publicité audio digitale : l’absence de mesure unique fiable et homogène des nouveaux dispositifs audio par manque de capacités de tracking. L’ACPM, qui a lancé sa certification des mesures de diffusion des podcasts, et Médiamétrie travaillent sur l’amélioration de la mesure actuelle. Les principaux indicateurs clés de performance sont répartis selon l’objectif de l’annonceur :

  • pour des campagnes de notoriété / branding :  étude post test, trafic en magasin dans la semaine
  • pour des campagnes à la performance : le LTR (Listen Through Rate) qui correspond au taux de complétion audio et le taux de couverture unique

En outre, si le tracking est possible sur l’environnement web et permet donc de mesurer l’efficacité des publicités, le téléchargement de podcast qui peut être proposé par certains supports crée un biais. Impossible alors de connaître le taux de complétion d’une publicité sur un podcast.

Des perspectives d’innovation pour les Adtech

L’hétérogénéité des environnements sur lesquels peut être diffusé l’audio (web, mobile, application) peut avoir un impact aussi bien sur la production, le tracking, les usages ou la consommation. Pour cette raison, il est indispensable que l’industrie puisse développer des innovations technologiques capables de répondre aux besoins identifiés sur le marché.

L’entreprise Bababam qui aide les éditeurs et les marques à appréhender ce nouveau levier a notamment développé Podinstall, un player audio permettant de distribuer leurs contenus comme sur une application, dans un environnement web. Ce player qui recrée l’ergonomie d’une application sur les pages web d’un éditeur génère une url par épisode et permet de générer plus d’écoutes que les autres types de players, ainsi qu’une captation des données à l’origine plus compliquée pour les podcasts distribués via les flux RSS. Il permet également aux abonnés de podcast de l’afficher en tant que widget sur leur écran d’accueil de smartphone.

Le contenu audio consommé sur le web devrait en effet pouvoir être écouté en continu, y compris lorsque l’écran du mobile est éteint ou verrouillé et il devrait être possible pour l’utilisateur de s’abonner au contenu s’il n’a pas le temps de l’écouter afin d’y revenir plus tard.

“La révolution de l’audio digital passera davantage par le web que par les applications” – Pierre Orlach, CEO & Founder de Bababam

Par ailleurs, dans le cadre de la production de contenu audio, la société Leesten a créé une technologie afin d’aider les éditeurs à produire du contenu audio de manière automatisée et à faibles coûts permettant ainsi de créer de l’inventaire publicitaire.

“Créer du contenu audio coûte cher : il faut faire appel à un studio, trouver un sujet et des intervenants, … En offrant aux éditeurs une solution leur permettant de convertir le contenu écrit en contenu audio, nous tenions à les aider à gagner du temps sur la production ainsi qu’à générer des revenus incrémentaux.” – Harry Lévy, Leesten

Marqué par une multiplicité d’acteurs, d’environnements et de technologies, le marché de l’audio digital est très hétérogène. Il reste à définir les meilleurs supports à intégrer sur les plans média. Toutefois, les sites médias semblent avoir bien réalisé l’enjeu de la diffusion pour conserver le contrôle de leurs contenus et des données qu’ils peuvent tirer sur le web pour mieux cibler leurs audiences. La croissance du nombre d’annonceurs et du volume de contenus disponibles semble promettre une future révolution de l’audio. Et il est possible que dans ce contexte, les fameux smart speakers (enceintes connectées) qui offrent pour l’instant peu de perspectives publicitaires en France (à l’inverse des US), puisse s’intégrer naturellement en tant que support de recherche de contenu audios.

Dossier constitué par Stéphanie SILO

Vous avez aimé le sujet de ce dossier ? Il sera débattu lors du webinar Top of the Month de Ratecard le vendredi 23 octobre 2020 à 11h00 (inscriptions ici).

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