Videology travaille aussi bien pour les annonceurs et les agences, en tant que plateforme DSP vidéo, que pour les éditeurs, en les aidant à décortiquer leur audiences et à monétiser leur inventaire vidéo. Sa vision est globale également du point de vue géographique, puisque, originaire des Etats-Unis, cet ad tech est présente un peu partout, dans des marchés très concurrentiels et des marchés émergents. Aux Etats-Unis, elle est impliquée dans la réalisation de campagnes de publicité programmatique à la télévision. Nous interviewons Anne de Kerckhove, Directrice Générale de Videology pour les pays EMEA sur la situation de ce marché en France.
Les annonceurs ont-ils raison de comparer la vidéo digitale à ce qu’ils ont l’habitude de faire sur la télévision ?
Absolument. Parce qu’un plan média se fait de façon homogène, on ne programme pas le digital sans penser à la télévision. Le consommateur ne voit pas son expérience de façon fragmentée, même si elle l’est. Vous devez donc programmer l’expérience digitale en pensant à votre programmation télévision et au digital en tant qu’un seul achat média. On n’y est pas encore cependant : on sait mesurer les audiences sur la télé, sur le PC et sur le mobile, mais on arrive pas encore à avoir un fil rouge conducteur du suivi des consommateurs à travers tous les écrans. C’est là-dessus que nous travaillons tous.
Faites-vous allusion au GRP digital ?
Vous pouvez appeler ça comme ça. Ce qui m’intéresse est de savoir que je maîtrise les publicités que j’ai envoyées à chaque consommateur et la fréquence d’exposition, quel que soit l’appareil.
D’après-vous qu’est-ce que la vidéo en ligne offre aux annonceurs que la télévision n’offre pas ?
L’interactivité. La télé reste une activité passive même si elle change. La vidéo digitale amène la personnalisation et l’interaction. Les programmes télé sont en train de perdre certains groupes d’audience.
L’inventaire télé peut-il vraiment arriver sur les ad exchanges en France un jour, ou du moins être proposés de manière programmatique? Pouvez-vous nous dire où en sommes-nous de la télé programmatique comparativement aux Etats-Unis, un marché que vous connaissez bien ?
De manière programmatique, la réponse est oui. Aux Etats-Unis, nous travaillons avec des acteurs comme Comcast et DishTV, et là c’est une réalité : cela se passe sur la télé réelle, par câble ou par la box, et non uniquement sur des émissions diffusées via Internet. On arrive à parler avec cet environnement ou bien par l’intermédiaire d’une intégration directe dans leur système de programmation. C’est compliqué et ce sont des systèmes très lourds. Mais cela se fait de plus en plus.
Arrivez-vous à cibler au niveau de chaque foyer ?
Oui, on arrive à cibler au niveau de chaque foyer.
En fonction par exemple de critères tenant compte de leurs réactions aux différentes émissions et leur comportement de consommation du contenu ?
Oui, absolument et nous avons même des informations du type socio-démographiques sur chaque foyer, qui nous sont fournis par l’opérateur. Aux Etats-Unis, tout cela est très avancé. Mais il y a six mois, il n’y avait rien, on en parlait que très peu ! C’est arrivé comme une grosse vague en l’espace de six mois. Nous travaillons avec des gros acteurs sur des gros systèmes et la vitesse d’adoption est très importante.
Qu’est-ce qui a fait que ça a pu se déclencher aux Etats-Unis ?
L’idée que le programmatique permet un ciblage d’environnement publicitaire plus intelligent a toujours été là. Mais techniquement les gens ne pensaient pas en être capables. Même nos ingénieurs n’étaient pas tout à fait sûrs au départ de comment cela allait marcher. Il y avait vraiment deux mondes : la télévision d’un côté, le digital, de l’autre. Petit à petit ces deux mondes ont commencé à se toucher, on a vu des chaînes intégrer des équipes digitales, et on s’est rendu compte que ce n’était pas si impossible à faire.
Et en France ?
En France, on voit beaucoup de TV connectées et l’usage de la box est très avancé avec des box très intelligentes. Sur ce point, la France est en avance sur d’autres pays et pourra devenir leader sur la télé programmatique, car ici on a l’infrastructure pour le faire.
Qu’est-ce qui manque pour qu’on le fasse ici alors ?
La règlementation y est pour beaucoup. Elle n’avait pas été écrite en tenant compte de cela. Par exemple, on protège beaucoup les audiences à la télé et heureusement. Il faut travailler avec ce cadre législatif et le faire évoluer avec la technologie et prouver que l’on arrive à respecter le cadre de diffusion en n’affichant pas de contenu inadapté à la mauvaise heure à la mauvaise audience.
Assistez-vous à une migration des budgets télé vers les budgets en ligne ?
Sans le moindre doute : entre 1% et 3%, voire 5%, selon le pays, des budgets télés sont en train de partir vers le digital. La télévision maintient son rôle de puissance. Mais la complémentarité du digital fait que l’annonceur y met de plus en plus de budgets importants. C’est une réattribution des budgets. Puis, petit à petit, comme la télévision devient elle-même programmatique, je suis certaine que dans cinq ans on parlera de contenu vidéo qu’il soit sur la télévision ou sur un siteweb.
La suite de l’interview d’Anne de Kerckhove, Directrice Générale de Videology pour les pays EMEA, sera publiée demain.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre