À travers des acquisitions très ciblées (ividence et Converteo entre autres), le groupe français ADLPerformance poursuit sa stratégie de développement en tant que prestataire de marketing digital. Si l’activité compte pour à peine 30 % des recettes 2019 de ce groupe familial au départ spécialisé dans la vente d’abonnements de magazines, c’est elle qui lui apporte le plus de croissance (+150 % en deux ans). De quoi conforter sa direction dans la poursuite de cette logique. Pour comprendre les synergies et les ambitions des entreprises d’ADLPerformance, nous interviewons Bertrand Laurioz, président du directoire, et Philipe Le Meau, directeur du développement des activités digitales.
ADLPerformance a opéré des rachats successifs d’agences et technologies de marketing digital ces sept dernières années. Pourquoi ?
B.L. : Nous sommes un groupe familial fondé il y a près de 50 ans. Notre activité historique est la vente d’abonnements de magazines avec comme outil le marketing direct d’abord offline puis aussi digital à partir de 2004. Nous sommes par conséquent issus de ce monde du marketing. La data et le marketing font partie de notre ADN, des data scientists travaillent dans notre entreprise depuis 2008. Nous avons ainsi opéré notre digitalisation en constituant nos compétences en interne. C’est ce qui nous a permis, par exemple, de bâtir notre base de données et de développer nos solutions de fidélisation. Les acquisitions nous offrent un moyen efficace d’étendre nos compétences et d’accélérer notre capacité à répondre aux besoins de nos clients.
Vous avez acquis très récemment ividence, une adtech spécialisée dans l’achat média programmatique d’inventaires au sein des newsletters éditoriales. Pourquoi avoir pris cette décision ?
B.L. : Ividence nous permet de compléter notre offre. La société travaille avec les éditeurs de contenus en valorisant leurs newsletters. Nous sommes nous-mêmes en relation étroite avec les éditeurs français de par notre activité historique. De plus, pour nos différents clients en marketing digital, nous cherchons à élargir notre gamme de solutions, notamment en y intégrant la publicité native. Nous avons une vision très précise de l’évolution probable de ce marché et de la manière dont nous souhaitons nous y positionner. Nous sommes là pour aider les directions générales et marketing à identifier des leads, à acquérir de nouveaux clients et à les fidéliser.
Notre groupe est multi-entrepreneurs: nous savons intégrer les fondateurs des entreprises que nous acquérons. Les deux fondateurs d’ividence continueront de diriger les activités de la société au sein de notre groupe. De même, les deux fondateurs de Converteo sont toujours à la tête de la société. Même chose pour le fondateur de Leoo.
Cette acquisition n’est pas un but en soi. Elle fait partie d’une stratégie plus large et très détaillée que nous avons définie et qui impliquera d’autres acquisitions à l’avenir. Plusieurs discussions sont en cours et nous restons ouverts aux opportunités d’acquisition permettant de compléter notre offre. Nous avons la capacité et les ressources pour mener à bien des acquisitions.
Le contexte actuel ne semble pas entamer votre dynamisme…
B.L. : Nous avons abordé la crise avec une situation financière extrêmement solide. Nous sommes persuadés que nous en subirons l’impact comme tout un chacun, mais cela ne ralentira pas notre croissance sur la durée. Cette crise provoque un basculement vers un monde encore plus digitalisé. Et cela nous ouvrira de nouvelles opportunités.
Pour vous le marketing digital tend vers quoi ?
P.L.M. : Le marketing digital tend vers de plus en plus de la data pour construire la performance des plans médias qui sont devenus multileviers. On parle désormais de marketing cross canal. Cela implique un arbitrage permanent des budgets des annonceurs sur les meilleurs leviers pour un meilleur ROI, ce qui suppose l’analyse de la data en permanence. Pour cela il faut pouvoir disposer d’outils et une capacité de calcul renforcés par la data et le machine learning. Ce mouvement, démarré dans les années 2010, tend à s’intensifier. D’autre part, la fin programmée des cookies va obliger les acteurs à trouver d’autres moyens et à faire usage d’une donnée propriétaire pour toucher les consommateurs à bon escient.
Que propose précisément ADLPerformance dans ce domaine ?
P.L.M. : Nous accompagnons les directions marketing dans leur stratégie data et dans la mise en place de leur structure technologique de data marketing avec Converteo notamment. Nous les accompagnons également dans tout ce qui touche à l’acquisition, l’activation, la conversion et la fidélisation de clients. Notre accompagnement opérationnel au long cours peut concerner aussi bien la mise en œuvre de programmes complets comme des actions leur permettant de monter en compétence et d’internaliser leurs capacités.
Vous servez-vous à la fois de solutions propriétaires et marché ?
P.L.M. : Nous orchestrons des plans marketing cross canal avec des solutions propriétaires et marché. Nous disposons d’une base de 35 millions de contacts BtoC opt-in (adresses postales, e-mail, mobile, CSP…) mis à jour en permanence. Elle a été constituée en interne mais également en partenariat avec d’autres éditeurs. Ces données peuvent alimenter des logiques d’acquisition, de génération de leads, de drive-to-store…
B.L. : Nous avions de fait à l’origine déjà d’une base extrêmement importante, créée avec notre activité historique de vente d’abonnements. Nous sommes désormais une société multicanal à même de couvrir à grande échelle l’ensemble des points de contact : papier, e-mail, call center et digital.
Quel type d’activation opérez-vous précisément sur le digital ?
P.L.M. : Nous l’opérons à travers les grandes plateformes comme Google, Facebook et Instagram, les moteurs de recommandation de contenus et en faisant appel si besoin à des trading desks du marché.
Ividence est-il par conséquent le premier acteur plus spécialisé dans les inventaires digitaux que vous avez acquis ?
P.L.M. : Tout à fait. C’est une de nos premières adtech.
Quel est le profil de vos clients de marketing digital ?
P.L.M. : Nous travaillons essentiellement avec de grands comptes, dont 50 % des marques du CAC 40, et des ETI qui se digitalisent fortement. Nous pouvons citer Engie, Orange, Boygues Telecom, BNP Paribas ou Samsung.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre