Interview « Data Performance » avec Mats Carduner, co-fondateur de l’agence 55
Fifty-Five se présente en tant que spécialiste de la donnée, notamment en contexte multi-écrans. Vous proposez à vos clients de collecter et organiser leurs données de façon à optimiser leur dispositif digital, acquérir et fidéliser leurs clients. Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer comment faites-vous pour relever le défi du ciblage multi-écrans ? Quelle solutions/technologie utilisez-vous pour suivre et matcher qu’il s’agit bien du même profil d’utilisateur sur différents devices, y compris mobiles ?
Au-delà du multi-écran, nous aidons nos clients à devenir de véritables entités multicanales (présentes sur l’on et l’off), intégrant parfaitement le digital à leur marketing et CRM traditionnels. Reconnaître un client ou un prospect quel que soit le canal qu’il emprunte : site web, application mobile, appel en call centre, visite en boutique, etc. devient un enjeu compétitif crucial aujourd’hui. Notre rôle est d’accompagner nos clients vers cette vision 360° de leurs clients pour optimiser le marketing et le CRM. Concernant le ciblage et la mesure multi-écrans, nous avons une approche pragmatique exploitant les possibilités actuelles :
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Les solutions probabilistes (fingerprinting) permettant d’estimer avec une certaine probabilité les parcours cross-device. Ces solutions doivent encore faire leurs preuves, mais nous les regardons de près.
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Les solutions loguées fondées sur les données propriétaires (first party) de l’annonceur, quand ce dernier propose des services logués.
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Nous bâtissons nos stratégies de tracking sur des solutions de tracking pensées pour mesurer l’activité sur mobile comme sur les sites desktop, notamment Universal Analytics
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Quand il n’existe pas ces possibilités chez l’annonceur, nous les accompagnons pour mettre en place des services logués permettant ce suivi cross device
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Les solutions loguées proposées par les grands acteurs publicitaires. Ces acteurs ont développé des services logués sur les différents supports. Contre la gratuité des services, les utilisateurs acceptent le tracking. Facebook propose ainsi Atlas, qui permet de mesurer l’impact cross-device des publicités. Google travaille sur la mesure de la conversion en magasin grâce à ses services de géolocalisation comme Google maps.
Proposez-vous une solution du type DMP ?
Non. Nous pouvons accompagnons nos clients dans le choix d’une solution adaptée à leurs besoins, mais nous ne proposons pas de DMP propriétaire.
Avec quels fournisseurs de données 3rd party travaillez-vous ? Quel est d’ailleurs pour vous l’importance de ces données vis-à-vis les 1st party ?
En fonction des partenaires de nos clients, nous pouvons travailler avec divers fournisseurs comme Weborama, Acxiom, comScore, Amazon ou encore Experian. Nous privilégions toujours la donnée propriétaire (1st party) car nous pensons qu’elle offre une connaissance des utilisateurs plus riche que les données socio-démographiques traditionnelles seules. Dans certains cas, faire appel à des fournisseurs de données tierces peut cependant apporter des bénéfices majeurs, notamment pour faire la correspondance entre une base CRM off et des cookies sur internet.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de quels types d’analyses et interprétation faites-vous de toutes ces données ?
Aujourd’hui, les données tierces ne nous servent pas tant à faire des analyses qu’à activer une connaissance enrichie des clients et prospects : elles permettent d’aller toucher les prospects et réengager les clients plus efficacement, via un dispositif média cross-device et des scénarii marketing spécifiques, en différenciant les discours en fonction des profils.
Mais avec l’évolution des technologies et du marché, on met aujourd’hui en place des dispositifs très puissants qui permettent, par exemple pour un constructeur automobile, de reconstituer le parcours digital de tous les clients qui viennent d’acheter un véhicule en concession. Cela permet ainsi de mesurer très précisément l’impact des investissements digitaux sur les ventes offline.
Pour en revenir à la data, y a-t-il des dérives ou des erreurs dans ce marché à bannir, notamment quand on parle de l’usage de données pour booster les performances ?
Evidemment, il y a des dérives, et elles sont d’abord langagières : “data” (sans parler de “big data”) est devenu un mot qu’il faut absolument avoir à la bouche sous peine de paraître démodé et inadapté. L’idée que la data permet tout, et notamment de révolutionner l’achat-média de fond en comble, est fausse. Je le répète : c’est bien l’alliance d’une expertise-métier et d’une expertise data qui fait notre force.La data ne remplace pas une bonne structure de campagnes et une bonne connaissance du métier de nos clients, mais elle enrichit et renforce nos méthodologies et nos capacités à tester et innover.
Quel est le sens de la notion de pression publicitaire pour vous ?
C’est avant tout une question de perception par l’utilisateur. C’est un point important pour l’annonceur, qui touche à l’image de marque et qui ne devrait pas être éclipsé par la notion de performance. Les avis controversés suscités par le retargeting illustrent la nécessité de modérer la recherche de performance par une réflexion sur l’expérience client. Le concept de “pression” est à double tranchant : la pression peut être positive ou devenir négative en un rien de temps.
Et de respect de la vie privée ?
C’est essentiel ! Maintenir la confiance et la liberté de contrôle des utilisateurs est un enjeu essentiel pour le développement d’une économie du web prospère durable. Cela passe par l’éducation de toutes les parties prenantes : annonceurs, agences, législateurs, utilisateurs. La tâche n’incombe pas qu’à nous, mais nous avons clairement une responsabilité dans notre activité de conseil auprès de nos clients et dans nos pratiques quotidiennes. Nous militons pour l’élaboration d’une déontologie du secteur, qui ne soit pas une adaptation a posteriori au contexte réglementaire, mais qui anticipe les changements économiques et culturels en jeu. Nous avons participé à la rédaction de la Déclaration préliminaire de Droits de l’Homme Numérique (ddhn.org) menée par le Forum d’Avignon, et comptons parmi les premiers signataires de ce texte qui vise à inaugurer un débat sociétal sur le sujet de l’exploitation des données.
Vous êtes une « Jeune Entreprise Innovante » fondée en 2010 en France. Vous êtes-vous toujours situés sur le créneau de la data ? Quels développements depuis ? Et principaux projets ?
Oui, nous nous définissons toujours comme une “data agency” : nous rapprochons les annonceurs de leurs clients par la collecte, l’exploration et l’activation de la donnée au service du marketing et de la connaissance client. Nous avons dépassé les 100 employés et ouvert deux bureaux à l’étranger. Notre expertise initiale (mesure de la performance, site-centric et ad-centric) s’est depuis étoffée avec le lancement de notre activité d’achat-média, le développement de notre pôle data science et la montée en puissance de nos équipes produits et CRM. Les principaux projets du moment : développer l’international, notamment pour accompagner nos clients présents là-bas et développer notre expertise sur la réconciliation et l’optimisation on/off des parcours clients.
LUL & PB