Certaines entreprises ne sont pas nécessairement connues des annonceurs, mais jouent un rôle de plus en plus important au sein de l’écosystème de l’achat média en ligne, propulsées notamment par l’essor fulgurant du programmatique ces dernières années. Un exemple significatif est celui de Skylads, une entreprise basée à Dublin co-fondée par un Français, Xavier Litt, que nous interrogeons.
Vous venez de signer un accord cadre avec GroupM, vous avez ouvert plusieurs bureaux ces dernières années et votre solution est employée par d’importantes plateformes d’achat de ce marché, à savoir MediaMath, votre partenaire historique, mais aussi Appnexus et DBM (Google). A quoi attribuez-vous cette évolution assez rapide ?
Les choses ont évolué progressivement depuis la création de la société en 2015. Nous étions alors les premiers à proposer une surcouche d’optimisation indépendante sur les plateformes d’achat programmatiques. C’était complètement nouveau pour la plupart des acteurs et il fallait expliquer en détails ce positionnement et prouver son bien-fondé. Il reste encore du travail d’évangélisation aujourd’hui mais nous avons fait de grands progrès ! En 2015 nous étions basés à Dublin et à Londres, parce que nous avions dès le début une ambition internationale. Nous avons tout de même étroitement travaillé avec le marché français et noué des bonnes relations avec quelques acteurs leaders du marché programmatique. Je tiens à remercier les personnes qui ont vite compris l’intérêt de notre technologie et nous ont soutenu comme Damien Alzonne, de MediaMath, qui est notre partenaire DSP historique, et Marie Le Guével, CEO de Amnet, qui fut l’un de nos premier clients. Dès cette époque, Amnet et d’autres clients nous ont fait confiance et nous les avons aidés à automatiser et à optimiser des campagnes aussi bien nationales qu’internationales, avec succès sur le DSP MediaMath. C’est grâce à leur valeur générée chez nos clients et à leur confiance renouvelée, que nous avons pu continuer d’améliorer notre technologie et nos algorithmes. Nous avons aujourd’hui un bureau de recherche à Paris dédié aux applications du machine learning aux problématiques quotidiennes des entreprises, et en particulier dans le secteur du digital. En termes d’intégration technique, nous avons toujours conçu nos produits pour qu’ils soient plateforme-agnostiques. Nous intégrons régulièrement de nouvelles plateformes au gré des opportunités et des demandes de nos clients. MediaMath est notre partenaire historique, et nos technologies combinées ont largement fait leurs preuves. Par la suite, nous avons aussi intégré AppNexus, et plus récemment DBM. Notre actualité la plus récente est l’intégration de Facebook et de Google Adwords, ce qui nous permet de proposer à nos clients de l’optimisation cross-canaux en programmatique + paid search + social media ads.
Votre solution se place entre les media buyers (agences, trading desks) d’un côté et, de l’autre, les plateformes qu’ils utilisent. Le but est de s’appuyer sur les technologies avancées (intelligence artificielle, mathématique, statistique) pour faciliter leur travail. En quoi précisément vous améliorez l’efficacité des campagnes ?
Soufian Aboulfaouz, qui est le co-fondateur et chairman de Skylads, est un grand passionné d’intelligence artificielle. Il a commencé à s’intéresser aux réseaux de neurones en 1994, bien avant que le machine learning devienne mainstream. A l’époque, c’était un sujet de recherche encore obscur, développé par quelques passionnés dans les sous-sols des universités de Mathématiques. Soufian a immédiatement compris le potentiel du machine learning et a depuis développé sa réflexion autour de ces technologies. Moi-même étant fan d’algorithmes et de science-fiction, nous avons immédiatement développé une forte relation autour de ces sujets lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous avons créé Skylads pour démocratiser ces technologies et les rendre accessibles à ceux qui en ont besoin dans leur vie quotidienne. En particulier, dans l’industrie du digital et du programmatique, qui, malgré leur nom, comportent toujours un grand nombre de tâches qui restent manuelles, depuis le media planning jusqu’au setup et à l’exécution des campagnes dans les plateformes d’achat. En tant qu’anciens media traders, nous avons voulu développer des produits basés sur l’intelligence artificielle pour automatiser un grand nombre de ces tâches, et optimiser au mieux les campagnes publicitaires. Le but est que les équipes puissent gagner du temps et se concentrer sur les missions vraiment stratégiques, tout en ayant de meilleurs résultats grâce à l’optimisation des campagnes. Ces produits et algorithmes se connectent sur les plateformes d’achat média et vont automatiquement optimiser les campagnes en ajustant tous les paramètres qui auraient autrement dû être changés manuellement : allocation budgétaire, choix des bids en fonction des audiences, meilleur moment de la journée ou de la semaine pour dépenser, sélection des critères les plus performants parmi le device, la créa, la source de l’inventaire, et de nombreux autres. Le trader et le client ont un rôle fondamental dans la créativité et la stratégie des campagnes publicitaires, mais seule une machine est capable d’analyser en temps réel toute les données disponibles et de prendre la meilleure décision d’achat. Tous les calculs sont faits automatiquement et à chaque fois que de la nouvelle donnée est disponible dans les plateformes, 24h/24 et 7j/7, ce qui permet de drastiquement améliorer le Retour sur Investissement (ROI / ROAS) des campagnes à la performance, et les KPIs de plus en plus ambitieux des campagnes branding.
L’industrie du digital et du programmatique comportent un grand nombre de tâches qui restent manuelles.
Vous êtes proposés par les plateformes d’achat, mais quel est votre modèle économique ? Qui vous engage : la plateforme DSP ou l’acheteur ?
Celui qui gère la campagne nous engage. C’est encore la plupart du temps les trading desks, ou les agences, mais les profils des acheteurs sur les plateformes média se multiplient. Le modèle économique de l’optimisation, qui représente la grande majorité de notre activité, est de prendre un pourcentage du budget pour l’optimisation de la campagne. Pour les clients, le calcul est vite fait et peut être démontré par les chiffres : bien souvent l’optimisation ne fait pas qu’absorber ses coûts, elle délivre même un surcroît de performance et/ou de marge bien supérieur au coût. Pour le client, Skylads est donc un investissement qui est souvent rentabilisé dès la première campagne ! En plus de l’optimisation, nous proposons un SDK qui permet d’automatiser la création de campagnes publicitaires sur les DSP et de l’intégrer à des systèmes d’informations clients. Ici le modèle est au coût par requête. Enfin nous proposons des missions ponctuelles de recherche et/ou de développement spécifiques, rémunérées au temps passé sur la mission.
Quel service proposerez-vous à GroupM précisément ?
La confidentialité de notre accord m’empêche de rentrer dans les détails. La plupart de nos clients utilisent à la fois l’optimisation et les produits d’automatisation. Les deux sont complémentaires, et la granularité accrue des campagnes permises par la génération automatique des campagnes permet d’aller chercher un surcroît de performance qui serait inaccessible autrement.
Vous vous concentrez beaucoup sur les États-Unis où vous avez la majorité de vos clients et partenaires. Etant une entreprise européenne, comment cela se fait-il que vos clients sont plutôt aux US ?
L’ambition de Skylads a toujours été d’être un leader mondial. Nous avons dès le début créé la société à Dublin et à Londres dans l’optique d’avoir un rayonnement international. Aujourd’hui nous avons une présence non seulement en EMEA, mais aussi à New York pour les Amériques et à Brisbane en Australie pour l’APAC. Nos partenaires et clients sont souvent globaux avec de nombreux bureaux à travers le monde ; il était important pour nous de les accompagner sur tous les territoires. En termes de volume, aujourd’hui les Etats-Unis représentent notre plus gros marché ; c’est dû à sa maturité et à sa taille. Mais tous nos marchés progressent, y compris l’Europe, et en particulier la France, où nous avons d’ailleurs renforcé l’équipe avec l’arrivée de Mouna Roger pour diriger la commercialisation de Skylads en France et dans la région DACH [Allemagne, Suisse et Autriche, ndlr]. Le marché français est d’ailleurs très mature, et demandeur de solutions avant-gardistes. C’est une opportunité à saisir pour des projets qui se veulent innovants, comme Skylads.
Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre.