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Podcast : comprendre les alliances entre solutions d’hébergement et de monétisation (interview K. EL Hadef, Audion)

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Tandis que l’offre de contenus  en podcast se développe, l’ad tech se structure autour d’une tendance nouvelle : la formation d’alliances voire la fusion entre technologies de monétisation et solutions d’hébergement. C’est ainsi qu’au début de l’année, la plateforme  suédoise de monétisation Acast a acheté l’hébergeur américain Pippa, très populaire parmi les podcasteurs français. Début septembre, la start-up française Audion annonçait son partenariat avec l’hébergeur allemand Podigee. Et plus récemment, c’était au tour de l’hébergeur français Ausha de se connecter à l’adserver et SSP SoundCast.

Mais cette apparente fragmentation ne risque-t-elle pas de compliquer encore plus l’adoption des standards de mesure valables pour tous ?  Pour comprendre l’impact de ses alliances sur ce marché en construction, nous interviewons Kamel El Hadef cofondateur d’Audion, qui vient tout juste de lever 1,1 million d’euros auprès de Founders Future, Kima Venture et de business angels.

Toutes ces alliances entre technologies de diffusion et de monétisation ne risquent-elles pas de compliquer l’harmonisation de ce marché en quête de standards et de mesures ?
Kamel El Hadef, Audion.
Kamel El Hadef, Audion.

Tout marché naissant se structure et se cherche, et il est essentiel de sortir son épingle du jeu. Comme pour d’autres canaux et médias, de nombreux acteurs se lancent. Vient alors le temps de la consolidation. Chacun a son approche, ses avantages et ses limites. C’est en tout cas bien la preuve que le marché du podcast a de beaux jours devant lui, autrement nous serions seuls.

Comment les marques (et leur agences) s’approprient-elles l’audio ?

Dans l’audio digital, les budgets partent principalement sur le streaming et la web radio. Les modèles sont les plus souvent programmatiques. Depuis peu, le podcast commence à capter des budgets également, mais surtout sur le replay radio. Le podcast natif  n’attire pas pour le moment de budgets significatifs.

Ce marché est en construction. Les éditeurs s’y mettent progressivement massivement. On peut citer le groupe Prisma, le plus dynamique, et les acteurs de la presse écrite (Le Point, Le Monde, Le Figaro, Les Échos-Le Parisien, 20 Minutes, etc.). Ces éditeurs ont pour le moment besoin de consolider leurs audiences et leurs contenus avant de chercher les budgets.

La difficulté à mesurer les performances des campagnes est-elle toujours un frein au développement de la publicité sur podcast ?

Nous avons fait de grands progrès en matière de mesure d’audiences. Médiamétrie a lancé Global Audio. C’est une excellente nouvelle pour l’industrie. Cela permettra d’harmoniser la mesure de la consommation audio de la population française et favorisera l’achat média. Les agences ont compris tout l’intérêt du podcast. Il leur fallait pouvoir justifier auprès de leurs clients annonceurs pourquoi le podcast est une option intéressante. C’est ce qu’elles pourront faire désormais, en disposant des chiffres d’écoute mensuelle et du profil data des audiences.

Il reste qu’il faut aussi pouvoir mesurer les performances des campagnes. Or, sur ce point le marché reste verrouillé, non ?

La situation est complexe. Nous savons qu’Apple et Google drivent la grande majorité des écoutes de podcast dans le monde et en France. Ces plateformes ne transmettent quasiment pas de données, et cette situation n’est pas prête de changer. De plus, les informations qu’elles fournissent ne correspondent pas aux données dont les éditeurs disposent à partir de leur propre ad server. Le problème est technologique. Nous travaillons là-dessus. Comment mesurer la performance d’une campagne podcast avec un flux RSS sur des plateformes d’écoute ? Très peu de personnes peuvent répondre à cette question aujourd’hui.

Les hébergeurs peuvent transmettre des données. Le souci est qu’ils ne fonctionnent pas tous de la même manière. D’un hébergeur à une autre, les chiffres concernant les audiences peuvent passer du simple au double. Il y a encore un gros effort à faire pour que demain chaque plateforme utilise les  mêmes normes pour l’analytics.

D’un hébergeur à une autre, les chiffres concernant les audiences peuvent passer du simple au double.

Cet aspect n’est-il pas essentiel à l’essor de ce marché ?

Tout n’est pas sombre. Une première approche très analytics est adressée aujourd’hui. Les données transmises par les hébergeurs permettent d’avoir une première vue. On peut mesurer l’écoute. C’est déjà une amélioration.

Qu’est-ce qu’on mesure aujourd’hui sur le streaming que l’on ne peut mesurer sur le podcast ?

L’analyse drive to store et la mesure en post test marketing. Parce que sur le podcast l’écoute se fait sur différents lieux. Mais ce ne sera pas impossible à faire à l’avenir. C’est de la R&D et nous travaillons dessus.

Vous étiez plutôt placé du côté de l’achat, notamment en proposant de la DCO audio. Quelle est désormais votre offre aux éditeurs de podcasts en partenariat avec l’hébergeur Podigee ?

Nous avons lancé notre activité en 2018. Nous nous sommes alors concentrés à proposer des solutions avec technologie propriétaire pour nourrir l’achat média. Notre solution de DCO (lire ici) est utilisée en ce moment surtout dans le cadre de campagnes sur les web radios et sur le replay par des marques telles que Skoda et Adidas.

Aux podcasteurs, nous proposons une solution technologique complète, de l’hébergement à la monétisation. Un créateur de contenus qui chercher un hébergeur peut ainsi se servir de Podigee, qui est nativement connecté à notre technologie de monétisation. Notre solution réunit l’insertion dynamique, la DCO et l’analytics. Fait inédit sur le marché français : elle est intégralement propriétaire.

L’insertion dynamique est un sujet majeur pour le podcast. Jusqu’à il n’y a pas longtemps, la publicité était intégrée en mode « dur », au moment de la production du contenu. C’était généralement l’animateur de l’émission qui citait les sponsors. Cela limitait l’attrait du podcast pour les marques. Le contenu publicitaire restait figé, c’était toujours le même. L’insertion dynamique permet d’adapter la publicité et la changer sur toutes les plateformes d’écoute, en temps réel.

Mais vous n’êtes pas les seuls à proposer l’insertion dynamique. Où est votre différence ?

Notre différence majeure vient du fait que notre technologie est propriétaire. Cela a des incidences sur la qualité et sur le prix. Toute technologie nécessite d’être constamment mise à jour. Ceci est possible quand on maîtrise son produit de A à Z. L’insertion dynamique ne cesse d’évoluer et le développement du marché du podcast la rendra encore plus complexe. Il faut donc pouvoir suivre et anticiper. D’autre part, le fait que nous commercialisions notre propre technologie exclut tout intermédiaire. L’éditeur peut ainsi accéder  à une technologie qui a le meilleur rapport qualité/prix.

Podigee travaille-t-il avec des acteurs en France ?

Non, ils ne sont pas utilisés par les gros médias français qui se positionnent sur le podcast. Ces derniers, tout comme des podcasteurs natifs tels que Binge et Louie Media, utilisent le plus souvent Pippa. Depuis son acquisition par Acast, Pippa n’est plus ouverte à d’autres solutions de monétisation comme la nôtre.

ParisQuel est l’intérêt de vous associer à un hébergeur qui n’a pas de clients en France ?

Podigee est la plateforme d’hébergement, de distribution et d’analyse de podcasts  la plus robuste en Europe. Ils sont en mesure de proposer des analytics fiables. La plupart de plateformes européennes ne prennent pas en compte tous les standards qui définissent une écoute de podcast. Ce biais entraîne souvent des chiffres surestimés.

Est-ce qu’il est possible de cibler la diffusion d’une campagne en podcast sur un segment d’audience ?

Il est encore difficile d’avoir de la data pour opérer ce ciblage. Il est en revanche possible de se baser sur le contexte, c’est-à-dire, sur les thématiques des émissions, pour cibler la diffusion de sa campagne. Le contextuel a énormément de valeur en podcast. C’est l’utilisateur qui est à l’origine de l’écoute. Il est donc beaucoup plus engagé. On est par conséquent sûr de pouvoir toucher une grande majorité des personnes en affinité avec la thématique de l’émission.

A quels inventaires donnez-vous accès ?

Nous sommes connectés à un réseau de plusieurs dizaines de podcasteurs natifs en France et bientôt en Allemagne. D’ici la fin de l’année nous annoncerons des partenariats avec des éditeurs issus des médias. Nous rassemblons à ce jour plusieurs millions  d’écoutes mensuelles. Les émissions que nous proposons touchent à toutes les thématiques : univers féminin, sport, culture générale, politique, actualités etc.

Votre levée vous servira prioritairement à quoi ?

Nous sommes en hypercroissance. Cette levée de fonds va nous permettre de donner suite à nos développements technologiques. Elle va également nous conforter dans notre développement à l’international, dans la lignée de l’ouverture prochaine de notre bureau en Allemagne. Il faut savoir que nous sommes déjà rentables. Notre chiffre d’affaires avoisine les deux millions d’euros sur notre premier exercice.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre

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