Début 2014, le programmatique correspondait, pour Lagardère Publicité*, à une solution innovante et intéressante pour la commercialisation de ses invendus. Au sein de la régie, on remarquait alors ses capacités à valoriser ce type d’inventaire, grâce notamment à l’avènement de La Place Média (LPM), dont la régie est membre fondateur. Un an plus tard, et quelques semaines à peine après avoir lancé sa propre offre de programmatique direct avec des accords prévoyant 100% de transparence sur les URL, Lagardère Publicité confirme une évolution encore plus soutenue dans ce sens. A tel point que l’on n’y exclut pas, dans un « avenir proche », l’adoption d’une logique de yield holistique où tous les inventaires seront mis en concurrence, quel que soit leur mode de commercialisation. La parole à Alix Pandrea, Directeur Général Adjoint du Pôle digital et Presse Grand Public de Lagardère Publicité.
Le programmatique correspondait pour vous à une logique de commercialisation d’invendus, qui se fait semble-t-il fort bien depuis l’avènement de La Place Média. Est-ce toujours votre façon de voir les choses ?
Cela a beaucoup évolué cette année, notamment depuis octobre.
Au départ, nous avions créé La Place Média pour avoir la maîtrise complète de la manière dont nous allions commercialiser nos inventaires invendus et depuis trois ans les constats sont très positifs. Avec la mise aux enchères de nos invendus, les CPM négociés ont beaucoup augmenté (d’au moins 30%). Nous sommes donc très contents.
En octobre, nous avons lancé notre offre de programmatique directe : nous donnons donc la possibilité à nos équipes commerciales d’aller démarcher tous les trading desks pour leur proposer de communiquer en programmatique mais dans un cadre de diffusion qui est 100% transparent. On négocie ainsi de la même manière que dans un dispositif traditionnel. On se met d’accord sur les sites, les emplacements, les formats, les CPM nets et ensuite on crée un deal ID spécifique pour ce client. Ce deal ID reprend les bases de notre accord commercial. C’est ensuite LPM en marque blanche qui opère pour nous cette transaction, le lien entre la plateforme SSP et la DSP du trading desk. Cela veut dire que nous reprenons la main petit à petit sur la commercialisation de nos inventaires.
Sachant que là c’est du très premium…
Là nous sommes sur du premium pur et dur, avec une transparence à 100% et des CPM nets qui sont les mêmes que ceux que nous pratiquons habituellement. Le but pour nous est d’anticiper ce que va être une partie du marché de demain : une mutation qui va plus vite que prévu dans la manière dont les annonceurs apprécient le programmatique.
Nous avions beaucoup de demandes pour passer en programmatique transparent parce qu’une partie des annonceurs souhaite désormais avoir de la visibilité sur le cadre de diffusion de leur campagne programmatique. Sur LPM, nous commercialisons nos invendus dans du semi-blind, où les annonceurs, via leurs trading desks, ne savent pas sur quels sites ils tournent, l’achat se faisant sur la base de packs contextuels, d’audience, de la data.
Est-ce que cela veut dire que l’on paye le prix du direct tout en faisant du programmatique ?
C’est cela, mais il ne faut pas oublier que la genèse de LPM était de donner de la valeur à nos inventaires invendus via le système d’enchères. Nous restons maintenant dans la même logique qui est celle de donner plus de valeur à nos inventaires en permettant à ces mêmes annonceurs de communiquer différemment en programmatique. La transparence des url est une différence qui peut avoir son importance pour certains clients mais pas forcément tous bien entendu.
Nous avons un marché qui évolue de manière très importante avec des agences de plus en plus en demande de travailler de manière beaucoup plus automatisée. Il y a un gros travail de yield management de nos inventaires qui est mis en place. Dans un futur proche, en tout cas, notre l’objectif est de faire très clairement du yield holistique, de mettre en compétition tous types de vente d’où qu’ils viennent.
Gros changement en un an !
Oui ça s’est vraiment accéléré. Parce que de grosses agences ont mis le programmatique au cœur de leur stratégie. D’autre part, certains annonceurs inscrivent le programmatique dans des lignes budgétaires très importantes, comme un important annonceur de la SVOD qui a été le premier à communiquer au travers notre offre programmatique directe.
Est-ce que cela veut dire que vous imaginez qu’une logique de yield holistique valorisera même ce qui est vendu en direct ?
Oui, nous pensons que d’être capable de mettre en compétition tous nos types de campagnes – qu’elles viennent de la vente traditionnelle ou du programmatique – à terme fera remonter la valeur de nos inventaires. Il faudra juste être capable de le faire technologiquement et actuellement ce n’est pas encore possible. À ce propos, Rubicon vient d’acheter iSocket, ce qui pourrait les aider à nous proposer un outil qui fasse du yield holistique.
Vous êtes en discussion avec eux ?
Non, mais Rubicon c’est la plateforme SSP avec laquelle nous travaillons au sein de LPM. Nous imaginons que différents acteurs dont Rubicon pourraient nous proposer ce type de produit. Nous regardons et analysons tout ce qui se fait dans ce domaine.
Et concernant vos revenus ? Il y a un an le programmatique représentait entre 5% et 10% de vos recettes sur le digital. Et maintenant ?
C’est de l’ordre de 10%. En 2015 cela représentera encore plus, entre 15% et 20% selon nos projections. Et c’est bien le programmatique direct qui va tirer en partie cette croissance, en tout cas c’est ce que nous espérons.
Vos équipes ne craignent pas cette évolution vers le programmatique ?
Elles sont, au contraire, plutôt assez contentes, parce qu’elles reprennent justement la main, dans la mesure où elles sont chargées d’aller démarcher les trading desks des agences médias. Auparavant, elles étaient inquiètes en effet, lors de la création de LPM, parce qu’une partie du business partait vers ces plateformes programmatique. Désormais, ce sont eux les acteurs de la commercialisation de cette nouvelle offre.
La suite de cette interview avec Alix Pandrea, Directeur Général Adjoint du Pôle digital et Presse Grand Public de Lagardère Publicité sera publiée très prochainement.
* Représentant 100 supports différents, des marques du groupe Largardère (Elle, Paris Match, Europe 1, RFM…) mais aussi de quelques éditeurs extérieurs, la régie Lagardère Publicité est l’un des 5 membres fondateurs actionnaires de la place de marché privative La Place Média.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre