Les éditeurs n’auront jamais disposé d’autant de choix en matière de solutions technologiques pour commercialiser leurs inventaires publicitaires. Mais comment déployer ce qui semble à portée des mains pour développer ses revenus tout en valorisant une expérience publicitaire plus acceptable pour les internautes ? Françoise Duclos Bourson, directrice commerciale de la régie publicitaire de Free, nous livre ses impressions.
Quelles sont d’après vous les principaux enjeux et défis pour un éditeur aujourd’hui développer ses revenus en ligne ?
Il est vrai que l’enjeu majeur pour un éditeur est de développer son chiffre d’affaires. Mais il y a un autre enjeu tout aussi important : celui d’éviter de saturer l’internaute avec la publicité. C’est ce que l’industrie a fait aux débuts du digital, en remplissant les sites de publicités.
Aujourd’hui, la maîtrise de la pression publicitaire est à la portée des éditeurs. Il est ainsi tout à fait possible de pousser une publicité intelligente, qui corresponde à l’internaute. Il ne s’agit pas de faire du retargeting, mais de proposer une publicité qui réponde aux besoins des gens. Techniquement c’est possible. Tout l’enjeu est d’arriver à développer son chiffre d’affaires en diffusant des publicités de manière intelligente.
Quelles technologies sont indispensables pour permettre cette pratique ?
Il faut commencer par le début : un ad server et deux SSP, pour ne jamais laisser ses œufs dans un seul panier. Il faut se connecter à plusieurs SSP et maîtriser les deals afin d’optimiser son CPM et valoriser son inventaire. Google Ad Manager permet de faire beaucoup de choses, mais c’est loin d’être le seul. Sur les ad exchanges, on découvre plein d’autres plateformes très performantes, comme Amazon, qui est en avance sur Google en matière de wrapper de header bidding.
Ensuite, les formats : au-delà des standards IAB, il faut réserver de l’espace pour l’incrémental, le pixel en plus qui va passer par de la native, par du out of page, comme les habillages, etc. Cela permet d’aller chercher des revenus supplémentaires. La publicité native est une superbe solution, on arrive à obtenir un ciblage très fin, afin d’intégrer le message publicitaire dans le contexte éditorial.
Récemment j’ai découvert des gens qui permettent d’aller mesurer l’attention, c’est une nouvelle solution que j’apprécie beaucoup. C’est une nouvelle façon de mesurer les performances de la page, qui permet d’aller chercher une nouvelle valeur dans des impressions que l’on croyait perdues. Être en bas de la page ne signifie pas forcément que ce n’est pas intéressant. En deux mots, on est à l’aube de la programmatique et de l’intelligence artificielle.
Tout l’enjeu est d’arriver à développer son chiffre d’affaires en diffusant des publicités de manière intelligente.
Si la technologie est indispensable, comment faire en sorte que l’éditeur gagne bien sa vie, malgré tous ces intermédiaires ? La chaîne de valeur est-elle plus transparente désormais ?
Non, je n’ai pas l’impression qu’il y ait plus de transparence, même si c’est le souhait de tout le monde. À chaque fois qu’il y a un partenaire, il y a un cut dans le CPM. Si l’impression vaut dix, 3 ou 4 partent chez le partenaire et on n’est même pas en mesure de calculer correctement ce qui part. Je connais le rev share – qui est déclaratif – mais je ne dispose pas de moyen de le vérifier vraiment. Nous nourrissons tout le monde et en même tempos nous avons besoin d’eux. C’est logique. On ne peut rien faire sans eux. Aujourd’hui il y a de plus en plus de devices et de personnes connectées. Le monde est hyper connecté.
Si l’impression vaut dix, 3 ou 4 partent chez le partenaire et on n’est même pas en mesure de calculer correctement ce qui part.
Le volume n’est-il pas ennemi de la valeur ?
Tout à fait, et c’est bien pour cela que toute cette technologie arrive sur le marché : pour repérer les impressions qui ont de la valeur et les monétiser. J’ai fait le tour de toutes les technologies existantes sur le marché. Plus aucune n’est vendue toute seule : on t’apporte la technologie et le business avec. Et c’est tant mieux !
Ceci étant, les éditeurs se trouvent aujourd’hui noyés, parce qu’il y a de plus en plus de solutions qui font sensiblement la même chose. Comment choisir, alors que globalement les offres, les réseaux et les annonceurs sont les mêmes ? Il faut savoir que tout le monde achète et revend à tout le monde… De plus, je ne suis pas certaine que ma data m’appartienne toujours à 100 %… Nous l’acceptons, parce qu’il s’agit d’un revenu que nous n’aurions pas su générer seuls, sans la technologie et sans les algorithmes. Tous ces gens sont des concepteurs d’algorithmes qui génèrent des flux d’affaires encore plus importants et – je l’espère – encore plus intelligents.
Comment choisir, alors que globalement les offres, les réseaux et les annonceurs sont les mêmes ?
Je rêve de ce monde où la publicité sera une aide et non quelque chose que l’on subit. L’internaute aimera sa pub parce qu’il l’aura choisie. Il faut repenser la manière d’intégrer la publicité. Pourquoi ne pas impliquer l’internaute dans son engagement publicitaire en lui demandant de choisir, dès qu’il se logue, les secteurs qui l’intéressent et pour lesquels il souhaite recevoir des publicités ? On peut le faire !
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre