Ad-Exchange, analyses et expertise technique AdTech et MarTech
Non classé

Adwanted, à contre-courant. Interview.

Partager sur Linkedin

Adwanted, société lilloise devenue internationale, se définit comme une plateforme d’achat publicitaire multicanal qui rend disponibles aux acheteurs des inventaires médias « classiques » (presse, affichage, radio, télé, bref de l’offline) tout en y intégrant l’automatisation et les enchères. Adwanted propose un alternative au programmatique, considéré comme une technologie « suicidaire » par Emmanuel Debuyck, le fondateur de l’entreprise. Nous l’interrogeons pour en savoir plus.

Pouvez-vous nous expliquer comment votre plateforme fonctionne concrètement ? Quels types d’inventaires sont commercialisés et est-ce selon un principe de gré à gré ?

Emmanuel Debuyck, Adwanted.
Emmanuel Debuyck, Adwanted.

E. D. : Les inventaires que nous rendons disponibles sur la plateforme sont premium : notre plateforme répond à des problématiques d’efficacité pour les forces de vente et les acheteurs. Au stade d’avancement actuel, et grâce aux opérations de croissance externe montées, nous avons passé la gestion d’un ordre d’achat/vente de plusieurs heures à 200 millisecondes. Le besoin des agences est exhaustif, et nécessite des inventaires de qualité. Ainsi chaque publisher dispose chez nous d’un corner (comme une marque aurait son corner aux Galeries Lafayette), dans lequel il gère ses produits (son stock d’offres publicitaires) de manière publique (offres de pré-négociations) ou de manière privée (gestion d’accords commerciaux pour les gros clients). La grande majorité du process est automatisée, sauf la gestion du prix, qui se fait physiquement entre l’acheteur et le vendeur, de sorte que la technologie ne soit pas utilisée pour tirer les prix vers le bas, ce qui signifierait la mort du petit cheval. Nous apportons une solution qui peut littéralement sauver les modèles économiques de la presse : aujourd’hui la vente d’espaces publicitaires se pratique exactement comme il y a 40 ans, avec des devis, des coups de téléphone pour aller à la pêche aux interlocuteurs, des bons de commande et des ordres d’insertions. Tout ça alors qu’on peut pourtant acheter une canette de soda sur internet. Notre cœur de métier c’est de rendre l’achat d’un espace publicitaire aussi simple que d’acheter une canette de Coca en ligne.

Alors que c’est bien l’univers online qui se développe, vous avez choisi de vous positionner sur l’offline. Pourquoi avoir fait ce choix ?

E. D. : Cela fait dix ans qu’on annonce la mort des médias traditionnels face à la déferlante du digital. L’économie est toute différente. On dit que lorsqu’un média traditionnel perd 1€ de CA sur sa publicité classique, il récupérait 10 cents en digital il y a trois ans  et plus qu’un seul cent cette année. Si la montée en puissance du digital est évidente, son modèle économique donne une toute autre perspective, et certainement des changements à venir. Aux Etats Unis comme ailleurs, des marques médias papier renaissent ou sont créées de nouveau. Par ailleurs, le digital a créé une technologie suicidaire, « le programmatique » qui consiste à vendre de manière automatisée des inventaires illimités. Donc au prix le plus bas possible, puisque l’offre est 100 millions de fois plus importante que la demande. Chaque jour qui voit le programmatique se développer contribue à la baisse des revenus des médias. A cela s’ajoute une philosophie personnelle, liée à mon passé de publicitaire :100 % des gens qui sont dans les médias savent que le taux de mémorisation de la pub digitale est proche de zéro, comparativement à la  TV, à la radio, au print et au cinéma. C’est juste du bon sens. Tout le monde sait aussi que plus de 50 % du trafic digital mondial est faux, créé par des robots qui simulent des consultations de pages pour gonfler les CPM. Tout cela est une magistrale fraude organisée, qui a, de plus, permis à quelques intermédiaires technologiques de rendre complétement opaque la gestion des revenus publicitaires. Pourquoi la fraude perdure-t-elle ? Par le truchement des « metrics ». Les directions opérationnelles des entreprises préfèrent un taux de lecture misérable mais mesurable immédiatement, plutôt qu’une bonne étude de notoriété sur un échantillon vieux de quelques mois (on mesure la presse deux fois par an, la radio tous les trois mois, et la TV tous les jours, tandis que la mesure du trafic digital est, quant à elle, instantanée). On a toujours entendu qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras : avec le digital c’est « mieux vaut payer deux maintenant que un plus tard ». C’est ridicule, et c’est surtout peu courageux de la part des directions marketing qui se cachent derrière les études instantanées auprès de leurs directions, bien souvent incompétentes pour juger de la pertinence des stratégies digitales.

Chaque jour qui voit le programmatique se développer contribue à la baisse des revenus des médias.

Beaucoup d’éditeurs premium font le choix du programmatique dit direct – qui consiste à du gré à gré automatisé – ou encore de ne travailler qu’à travers des private deals pour sécuriser le prix justement. Vous n’avez jamais envisagé de proposer votre modèle aussi aux inventaires numériques ?

E. D. : Oui notre modèle fonctionne aussi pour les inventaires numériques, dès lors que ceux-ci ne sont pas du real time (nous ne voulons pas traiter le programmatique, les private deals, oui).

Pouvez-vous nous citer des exemples d’éditeurs et d’annonceurs se servant de votre solution ?

E. D. : Nos conditions générales de vente interdisent contractuellement ce type d’informations.

Mais nous pouvons lire dans votre site que Marie Claire, France Télévisions, la régie 366, Lagardère Publicité, Vice ou Forbes vous font confiance  ! Dans ce cas pouvez-vous nous donner juste une idée de la quantité d’éditeurs représentés par type de média (radio, télé, print, etc.) ?

E. D. : Nous avons déjà près de 150 éditeurs print, tandis que nous démarrons dans le domaine de la télévision et de la radio. Adwanted Group c’est plusieurs sociétés, notamment dans le domaine de la régie publicitaire et du media planning. Avec l’ensemble de nos activités, nous travaillons avec toutes les grosses agences média de la place, sans distinction, celles de l’AAMI et beaucoup d’indépendantes. Côté média, notre groupe intervient pour les 300 plus gros médias nationaux, en TV, radio ou print. Certains d’entre eux chez Adwanted directement, d’autres grâce aux liens technologiques qui existent entre nos outils.

Vous avez levé 2,5 millions d’euros pour vous développer à l’international, prioritairement aux États-Unis. Vous êtes une entreprise lilloise. Pourquoi avoir choisi les US plutôt que l’Europe ?

E. D. : La société a levé près de 5 millions d’euros depuis sa création. Les marchés européens sont en général, dans le domaine des médias, des suiveurs. La « mecque » de la publicité est les Etats Unis, le plus gros marché national de la publicité dans le monde (500 milliards de dollars annuellement). La technologie d’Adwanted a vocation à être mondiale, et notre présence aux USA, et plus particulièrement à New York, sonne donc un peu comme une évidence. Adwanted est une société mondiale, et qui souhaite garder cette place de n°1 sur le podium. EN 2019 la société couvrira les plus importants marchés européens, tandis que les principaux marchés mondiaux seront couverts en 2020, à l’occasion d’une introduction en bourse.

Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre

Laisser un commentaire