Suite de l’interview de Mathieu Gbetro, responsable de LiveRail pour la France et la Belgique. Pour lire la première partie, cliquez ici.
Après avoir traité votre actualité, revenons à la vidéo, qui était jusqu’à présent votre cœur de métier. En France, lorsqu’un éditeur propose de l’inventaire vidéo aux ad exchanges, que propose-t-il aux ad exchanges dits ouverts précisément ? En d’autres termes, est-ce vrai que l’inventaire qualitatif reste soit dans les places de marché privatives, soit réservé aux ventes directes et donc en-dehors des ad exchanges dits ouverts ?
Dans tous les pays il y a de l’inventaire qualitatif dans les ad exchanges ouverts. Ensuite, certains pays font plus ou moins usage de places de marché privées, cas de la France, ou ouvertes, cas des Etats-Unis. La réponse réelle à cette question est beaucoup liée à la maturité de l’éditeur et des outils technologiques dont il dispose. En général, un éditeur démarrant dans le programmatique proposera ses invendus sur les ad exchanges, tandis que son inventaire garanti sera délivré via son ad server, car il a des engagements en cours notamment. Mais plus il avance en maturité, plus il remet en cause la notion classique d’inventaire de qualité : du moment où ce sont les DSP qui créent la demande en fonction de leur propre critère de qualité, les paradigmes anciens perdent de leur pertinence. Par exemple, imaginez que je suis un internaute en train de visiter le même site pour la énième fois de la journée. Du point de vue d’une DSP, cet inventaire ne sera plus de qualité, puisque il y a de très fortes chances que cet internaute ne fasse plus du tout attention à ce qu’il voit. Or ceci met à mal la notion de premium lié au contexte de diffusion. A l’inverse, supposons une rubrique jugée de mauvaise qualité pour des raisons de contexte : l’utilisateur qui arrive sur cette page et qui vient d’un site marchand où il n’a pas complété son achat sur plusieurs produits sera très convoité par les DSP. Celles-ci offriront des valeurs extrêmement élevées pour gagner le droit de lui afficher une publicité en lien avec ces mêmes produits. Les paradigmes ne sont par conséquent plus les mêmes. La notion de qualité est complexe. Les éditeurs, lorsqu’ils deviennent plus matures sur le programmatique, comprennent de mieux en mieux ces choses-là et ils mettent en compétition de plus en plus souvent les impressions entre le direct et le programmatique.
Cela veut dire que le programmatique engendre une sorte de cercle vertueux de valorisation de l’inventaire ?
Dans une certaine mesure et pour une typologie un peu particulière d’inventaire, le programmatique peut vendre même plus cher que dans le cadre du direct. Des éditeurs matures commencent à gérer la compétition quasiment ininterrompue entre le programmatique et le direct, pour voir si le premier paye plus que le second, c’est ce que l’on appelle le yield holistique. Mais pour pouvoir faire du yield holistique, il faut disposer de l’outil technologique qui le permet. LiveRail le permet, étant à la fois ad server et SSP. Si votre SSP et votre ad server sont dans la même société, vous pouvez faire du yield holistique. Dans le cas contraire, c’est impossible.
LiveRail a ouvert un bureau à Paris il y a environ un an. À l’époque vous expliquiez que d’après vous la France était le marché le plus évolué en Europe pour la vidéo programmatique. Comment évaluez-vous vos activités ici aujourd’hui, un an plus tard ?
Nous sommes très satisfaits de notre niveau de développement en France, même si nous pouvons avoir encore plus de succès. La France a une particularité sur la vidéo programmatique qui est qu’un certain nombre d’éditeurs ont un niveau de maturité souvent supérieur à ce que je vois dans les autres pays, y compris les Etats-Unis. Il n’est pas rare de voir certains de nos clients utiliser nos produits de manière bien plus poussée que de gros éditeurs américains. C’est agréable de travailler dans un marché avec une telle dynamique. C’est aussi un marché assez concentré, les éditeurs vidéo étant souvent regroupés dans des régies ou bien dans des places de marché privatives, comme Audience Square et La Place Media. Nous avons réussi à convaincre la majorité d’entre elles sur la pertinence de notre solution, comme Dailymotion, Advideum, HiMedia, Xaxis, ASQ et Groupe Cerise, parmi les plus connus.
Y a-t-il des challenges spécifiques à la France ?
Oui, le fait que la France soit le pays le plus avancé sur le sujet du GRP digital. Pour la majeure partie des autres pays, ce besoin d‘avoir une monnaie commune entre les unités d’achat en télévision et en vidéo digitale est moins fort qu’en France. En France, les agences et les annonceurs poussent fort pour qu’on crée un GRP digital, afin que l’achat de publicité soit plus uniforme entre la télévision et le digital.
Mais ce n’est pas la même chose…
Il existe une nouvelle théorie selon laquelle, tout compte fait, il faut passer un même message vidéo, quel que soit le support. Par souci d’efficacité, les agences veulent savoir où, si sur la télé ou si sur le digital, telle cible est plus économique et facile à adresser. Pour schématiser, si je vais avoir 250 GRP sur une cible, il arrive parfois que ce soit possible de toucher les 200 premiers sur la télévision, contrairement aux 50 derniers, que l’on aurait plus facilement atteint sur le digital. C’est la raison pour laquelle ils veulent avoir cette monnaie commune. Nous pensons que notre offre de ciblage en cross-device sur la base de données anonymisées classées selon l’âge et le sexe nous permet d’être les plus efficaces en matière de GRP digital. Ces données-là seront disponibles sur Live Rail sur tous les écrans qui sont adressés par Facebook.
D’où l’intérêt pour vous de l’annonce de votre intégration des données de Facebook dans le cadre de votre activité vidéo.
Tout à fait. Cela permet d’améliorer de manière significative notre produit dédié à la vidéo tout en ayant un produit display in-app tout à fait nouveau.
Quelle est d’après vous la meilleure façon de mesurer la visibilité d’une vidéo ?
Il faut considérer une vidéo vue à partir du moment où elle a été significativement vue. On doit se référer à ce que les organismes compétents définiront en matière de GRP digital.
Etes-vous d’accord sur l’idée de ne facturer que les vidéos vues ?
Il faut facturer les vidéos efficaces. Est-ce que forcer une vue entraîne une vidéo efficace ? Une vidéo vue qui n’est pas affichée à la bonne cible n’est pas une vidéo efficace. Tout cela a donc encore besoin d’être travaillé.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre