Par Vihan Sharma, Managing Director de LiveRamp en Europe
Très en vogue chez les distributeurs, le retail media reste méconnu et peu compris tant l’association de ces deux mots paraît a priori étrange. Se transformer en régie publicitaire n’a rien de naturel pour un acteur de la grande distribution, et peut sembler très éloigné de son cœur de métier. C’est pourtant une réalité incontournable aujourd’hui : le développement du e-commerce place mécaniquement les distributeurs dans un rôle hybride, entre distributeur et éditeur. Surtout, la quantité et la pertinence des data collectées par les retailers a une valeur propre pour eux-mêmes comme pour leurs partenaires du secteur de la grande consommation.
Proposer de la publicité sur le parcours d’achat des consommateurs n’est pas une idée nouvelle en soi, mais elle prend une tout autre dimension au regard de la qualité et de la quantité de données détenues par les distributeurs, notamment via les cartes de fidélité. C’est cette mine d’informations que le retail media peut transformer en atout marketing, en s’appuyant sur trois piliers : un accès simple et sécurisé aux données transactionnelles, la construction d’inventaires pertinents activables par les marques et la mesure de l’efficacité des campagnes marketing, pour les adapter en continu. Qu’il s’agisse des données physiques collectées en magasin, issues des sites marchands ou d’autres canaux, les retailers peuvent tirer parti de ces informations provenant de clients ayant déjà un intérêt pour l’enseigne afin de proposer aux marques une vision client unifiée à 360° et exploitable dans une perspective marketing. Exposer ces données aux marques et les structurer en inventaires cohérents (et monétisés !) donne l’opportunité aux marques de mieux s’adresser à leurs segments de clientèle, en proposant des promotions ciblées, des suggestions d’achat et bien plus encore.
Ces transformations vont dans le sens d’une amélioration de l’offre, mais constituent aussi une source très significative de revenus supplémentaires pour les distributeurs. McKinsey situe la croissance du retail media aux alentours de 30% par an, pour atteindre un volume de 30 milliards de dollars à horizon 2024. Les principales enseignes déploient aujourd’hui une activité de retail media, de façon plus ou moins volontariste et avec des partenaires technologiques variés. L’enjeu est de taille : créer les conditions d’un nouveau mode de collaboration gagnant-gagnant entre les enseignes et leurs marques.
Le consommateur lui-aussi est partie prenante de ce qui s’apparente à une révolution dans la manière dont les retailers pensent la fidélité et la relation client. C’est pour ce dernier la promesse de parcours d’achats plus pertinents, de suggestions plus personnalisées, de promotions plus adaptées à ses envies d’achats, sur la base d’informations qu’il a librement consenti à partager.
Ce dernier paramètre est au cœur du défi qui s’impose à l’écosystème retail. Le développement du retail media requiert des savoir-faire et des choix technologiques importants pour garantir que la collaboration entre marques et distributeurs se fait dans un espace neutre et sécurisé, préservant une étanchéité rigoureuse des données. Pour répondre à cette ambition, l’enseigne Carrefour travaille avec plusieurs partenaires technologiques (LiveRamp, Google, Criteo…) pour créer un espace de partage des données fiable et sécurisé, baptisé Carrefour Links, permettant une véritable collaboration entre les distributeurs et les marques. Par ce biais, les annonceurs peuvent concevoir leurs campagnes au plus juste sur la base de l’ensemble des données partagées sur la plateforme et activer leur audience cible dans un environnement qui respecte la vie privée des consommateurs grâce à l’utilisation d’un identifiant unique pour chacun.
Ce cadre répond à un constat élémentaire : les distributeurs et les marques ont un intérêt évident à mutualiser leurs expertises pour enrichir l’expérience-client/le parcours-client des consommateurs, mais doivent veiller à préserver l’intégrité de leurs données respectives. Ces infrastructures de collaboration sont respectueuses de la vie privée des consommateurs et de la confidentialité des données, au bénéfice de toutes les parties prenantes.