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Publicité programmatique et personnalisée sur la télé en France: mirage ou réalité ? (itw)

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Les technologies de diffusion de campagnes publicitaires vidéo ont beaucoup évolué avec l’essor du numérique, à tel point qu’aujourd’hui on entend de plus en plus parler de campagnes personnalisées, ou ciblées, voire géo-ciblées pour la télévision. Ces dernières se répandent aux États-Unis, mais en France la réglementation ne permet pas tout. Pour faire la part des choses entre les pratiques possibles et les freins techniques et légaux, nous interrogeons Frédéric Dumeny, directeur pour l’Europe du Sud d’Ooyala, plateforme de gestion, de publication, d’analyse et de monétisation de vidéos.

Frédéric Dumeny, directeur pour l’Europe du Sud d’Ooyala.
Frédéric Dumeny, Ooyala.

Grosso modo, qu’est-il possible aujourd’hui de faire avec l’inventaire télévisé (et là je me réfère à la télé « classique » que l’on voit chez soit via la box en direct et en replay)?

Aujourd’hui, c’est assez binaire: les freins sont soit légaux soit techniques. Sur le plan légal, suite à un décret de 1992 pour protéger la presse régionale, il est en principe interdit de proposer une publicité différente en fonction de la géographie ou de tout autre critère. Il y a néanmoins des tentatives d’expérimentations qui permettent de diffuser de la publicité selon un ciblage géographique. C’est en théorie possible via les box opérateurs, donc pour les téléspectateurs qui regardent la télévision dite « classique » en direct via la box internet plutôt que via la TNT. Récemment, des expérimentations ont été annoncées, notamment par SFR sur sa chaîne BFM Paris.

Aux États-Unis, la publicité géo-ciblée est une réalité depuis des décennies. Les diffuseurs locaux des grands networks ont, dans certains cas, le droit à une part du temps d’antenne publicitaire. Cela explique pourquoi, aux côtés des publicités de grandes marques mondialement connues comme Coca-Cola ou Ford, on peut également voir à la télévision américaine des publicités pour le concessionnaire automobile du coin. Un peu comme les publicités locales au cinéma dans les années 1980! Le défi suivant est d’enrichir ces informations géographiques avec des informations sociodémographiques, pour se rapprocher du modèle d’achat d’audience pratiqué par le secteur de l’internet. Toujours aux États-Unis, certaines sociétés se sont spécialisées dans cet enrichissement des données géographiques avec des données sociodémographiques. Pour schématiser: si le quartier A est à tendance CSP+, et le quartier B est plus populaire, ces données sont transmises aux annonceurs pour qu’ils orientent, en fonction, leurs achats d’espaces publicitaires.

Les émissions que l’on voit en ligne ou via des applications mobiles sont-elles ouvertes à la publicité personnalisée?

Oui, bien sûr. Tout ce qui se passe dans un environnement digital est ouvert à la publicité personnalisée. On est là dans un modèle internet classique. On parle ici des spots diffusés avant et pendant un programme en replay, qui sont des spots spécifiques à Internet et donc ciblés. On parle également, dans certains cas, du remplacement des spots TV classiques par des spots internet (cliquables, personnalisés, etc.) dans le cadre de la télévision live sur un terminal connecté. Cette technologie est plus complexe, mais certaines plateformes, dont notre adserver Ooyala Pulse, le gèrent très bien.

Ce ciblage, lorsqu’il est permis, signifie que chaque individu reçoit un message différent en fonction des informations dont on dispose sur lui ou son foyer? Quels types de données peuvent être pris en compte pour ce ciblage? Qu’en est-il des questions liées au respect de la vie privée dans tout ça?

Sur la partie distribution digitale, les questions de respect de la vie privée sont assez bien cadrées. On procède généralement par la récolte de cookies (donc avec l’obtention du consentement des utilisateurs) ou par le login sur les réseaux sociaux. Ce sont ces informations qui font l’objet de traitement puis qui servent au ciblage. Pour la télévision « classique », le ciblage n’est pas individuel mais géographique. Un annonceur ne s’adresse pas encore à un téléspectateur mais à des groupes. Le sujet se présente donc différemment. En revanche, lorsque nous arriverons à un ciblage individuel, il faudra bien sûr respecter les réglementations. La bonne nouvelle est que ce sujet est entre les mains des opérateurs télécoms et des chaînes de télévision, qui sont plus qu’attentifs à ces problématiques. Il y a peu de risque de voir des francs-tireurs faire n’importe quoi.

SFR Media a annoncé récemment la mise en place des publicités géolocalisées sur BFM Paris à partir de l’été 2017. La régie milite pour un changement de la législation française en la matière pour ce qui est de la télévision dite linéaire (via la box). Comment s’opère cette géolocalisation et ne risque-t-elle pas de s’avérer intrusive? Quel est votre avis sur le sujet?

Je n’ai pas les détails de la technique mise en place dans ces cas-là, mais s’il s’agit de cibler à l’échelle du quartier, ce n’est en réalité pas plus intrusif que les publicités pour le restaurant du coin au cinéma dans les années 1980 ou lorsque Ouest France fait de la publicité pour un annonceur breton. C’est pertinent mais franchement pas intrusif.

Enfin quel intérêt voyez-vous dans la publicité personnalisée dans le contexte télévisuel à la fois pour les téléspectateurs et les annonceurs?

Pour les annonceurs, il s’agit d’optimiser leur prise de parole et se concentrer sur une cible pertinente. Pour les chaînes, il s’agit de proposer à leur audience une publicité pertinente. Enfin, pour les spectateurs, l’intérêt est de voir des publicités qui leur parlent et qui les intéressent. Si la publicité est un mal nécessaire, si c’est elle le carburant des médias, et à moins que nous soyons tous prêts à payer la télévision pour éviter la publicité, il est dans l’intérêt de tout le monde, y compris et surtout dans celui des spectateurs, qu’elle soit pertinente. Avez-vous envie de voir des publicités pour des tondeuses si vous habitez en ville ? Pas forcément, et ce principe s’applique à beaucoup d’exemples différents.

Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre

(Images : Shutterstock. Ooyala pour la photo de F. Dumeny.)

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