Dans l’écosystème de la publicité digitale, ils s’occupent de la tuyauterie et éteignent aussi pas mal d’incendies pour le compte d’agences, d’annonceurs, de régies et d’éditeurs. On pourrait les comparer à ces petites mains dont on ne parle jamais mais sans lesquelles les solutions technologiques ne pourraient fonctionner correctement. Adnovia ne vend pas de technologie. L’entreprise fournit main d’œuvre spécialisée et conseil afin de résoudre des problèmes et d’opérer des technologies telles que des ad servers, DSP, SSP…. notamment pour la mise en ligne des campagnes (traficking).
Positionnés de l’autre côté du miroir et tout au bout de la chaîne, quelles tendances voient-ils émerger en 2019 ? Nous interrogeons Bertrand Pichot, directeur général d’Adnovia.
Vous voyez les choses littéralement « de l’intérieur ». Quelles évolutions observez-vous dans l’écosystème publicitaire ?
Les acteurs de l’écosystème publicitaire sont beaucoup plus matures qu’avant sur le plan technique. Ils ont compris que plus il y a de la technologie et de l’automatisation, plus il y a de l’humain. C’est tout le contraire de ce que l’on craignait au démarrage du programmatique. Non seulement la machine n’a pas remplacé l’homme, comme l’automatisation génère plus de travail. Et c’est la même chose pour l’intelligence artificielle. La conséquence est que désormais les agences investissent beaucoup dans l’humain. Et c’est tant mieux pour nous !
Arrivez-vous à identifier des tendances de fond sur le plan technique pour cette année ?
L’une des principales tendances est l’internalisation de la technologie par les annonceurs. Pendant plusieurs années, ces derniers ne savaient pas trop quoi en faire, préférant plutôt s’en remettre à leurs agences. Mais désormais ils sont formés, ils maîtrisent le sujet. Il y a beaucoup d’exemples de trading desks et de DSP qui ont été internalisés, et on l’observe aussi dans l’ad serving. Cela change le rôle de l’agence, qui garde la main sur l’achat média et sur les technologies émergentes et moins matures.
Ce processus d’internalisation par les annonceurs a également changé notre métier. Nous sommes de plus en plus sollicités pour des missions longues. C’est très positif. Cela nous engage dans une relation de long terme avec nos clients et nous permet de mieux comprendre leurs besoins et spécificités.
Mais s’ils internalisent de plus en plus les technologies, ont-ils encore besoin de vous ?
Ils internalisent les technologies, mais pas nécessairement les ressources humaines pour les opérer. Si vous avez besoin de deux spécialistes en SSP et que vous les embauchez, ils passeront deux ans chez vous et perdront en niveau de compétences. La raison est que les technologies évoluent en permanence et qu’il faut s’actualiser sans cesse. Par ailleurs, comme les besoins sont croissants, le marché vit une pénurie de ressources humaines techniques qualifiées. Les professionnels sont surchargés et leurs rémunérations grimpent.
Pour renforcer notre équipe malgré cette pénurie, nous mettons en place une stratégie qui consiste à embaucher des juniors que nous formons nous-mêmes en collaboration avec nos clients. Ces derniers acceptent volontiers ce principe qui leur permet de payer beaucoup moins cher pour ces missions. C’est une approche vertueuse. Dans ce contexte, nous nous attachons également à recruter des jeunes aux parcours atypiques, parfois originaires de quartiers moins favorisés, mais qui ont le potentiel, l’intelligence et la motivation pour devenir d’excellents professionnels. Et cela fonctionne très bien !
L’automatisation génère plus de travail et c’est la même chose pour l’intelligence artificielle.
Nous avons compris, l’humain est au cœur de la tuyauterie numérique. Mais si on pense à la technologie exclusivement, se simplifie-t-elle ou au contraire devient-elle de plus en plus complexe ?
Ni l’un, ni l’autre. Quand un terrain est vierge, vous observez l’émergence de nombreuses start-up proposant des briques qui répondent aux besoins du marché. Prises individuellement, ces briques sont simples. Toute la complexité est dans le fait de les orchestrer ensemble. Ces entreprises grandissent puis fusionnent, et le marché se retrouve alors avec moins d’acteurs, ce qui simplifie l’écosystème.
Prenons l’exemple du Règlement général de protection de données (RGPD) : les éditeurs ont tous réduit sensiblement le nombre de prestataires. Ils ont simplifié, rationalisé, optimisé et internalisé les solutions et les outils. C’est un mouvement de balancier. Ceci étant, ceux qui manipulent les technologies doivent se mettre à jour, se former et tout tester en permanence.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre