L’ad tech américaine Sourcepoint met le cap sur l’Europe et explore désormais le créneau des plateformes de gestion du consentement (CMP). À sa création, en plein boom des ad blockers il y a environ quatre ans, la start up proposait une technologie permettant aux éditeurs de communiquer avec leurs audiences sur des modèles économiques alternatifs à la publicité.
Guillaume Bodereau, tout récemment nommé directeur régional de l’entreprise pour l’Europe du Sud, répond à nos questions. Ex-Criteo et expert en RGPD, il a notamment collaboré en tant que consultant avec Teemo pour le développement de son SDK et sa mise en conformité avec la réglementation européenne, en lien avec la CNIL.
Pensez-vous que la majorité des internautes acceptent de partager leurs données, notamment de géolocalisation ?
On ne peut pas dire qu’il y a des données de géolocalisation en abondance. Ces données sont à juste titre considérées comme étant sensibles aussi bien par le grand public que par l’industrie. C’est probablement ce qui a de plus sensible et les utilisateurs y sont très attachés. En même temps, ils utilisent volontiers Facebook et d’autres walled gardens, qui sont de véritables aspirateurs de données… Pour les acteurs du marketing c’est difficile d’obtenir une rémunération intéressante avec la data car le volume ne suffit pas.
Cette difficulté est-elle spécifique à la géolocalisation ?
Il y a deux types de données de géolocalisation : celle qui provient du SDK, très granulaire et celle envoyée dans la bid request, beaucoup moins précise. Au final cela rejoint l’éternel débat sur la valeur et l’utilité de la data. Pendant des années, les utilisateurs ont généré et l’industrie a stocké énormément de données pour tout et pour rien. On se servait probablement du centième de ce dont on disposait. La question se posait de savoir si on sortait des données valables pour les annonceurs ou pas.
Ce n’est pas mon métier de dire si c’est valable ou pas, mais de m’assurer du consentement de l’utilisateur. Le RGPD change la donne. L’utilisateur est censé être clairement informé et donner son consentement explicite. Cela ouvre la voie à l’utilisation de données plus qualitatives. Le marché est incité à générer et à stocker la data uniquement lorsqu’elle est vraiment nécessaire.
Elle est nécessaire pour l’industrie, non ?
Pas toujours. Une chose c’est l’intérêt que je porte à une thématique, une autre c’est l’intention que je peux avoir d’acheter un bien ou en service en lien avec ce sujet. La data coûte cher et désormais, du fait de sa plus grande rareté, son prix va probablement encore augmenter. L’avenir nous le dira. Ce qui est sûr: les annonceurs doivent obtenir des retours à leurs investissements.
À son lancement il y a quatre ans environ, Sourcepoint était une start up américaine pour accompagner les éditeurs dans la proposition de modèles économiques alternatifs à leurs audiences. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Notre technologie « Dialogue » est un système de messages. Il permet aux éditeurs de s’adresser à leurs utilisateurs avec des bandeaux pour les sensibiliser à différents sujets. Par exemple, quand ces derniers utilisent des ad blockers. Cette situation peut être vue comme une opportunité pour entamer la conversation avec les utilisateurs, que les éditeurs connaissent mal finalement. Vous pouvez décider de parler franchement aux utilisateurs et leur demander s’ils seraient d’accord pour accepter la publicité en échange de contenus gratuits. Ce sont surtout des éditeurs premium qui utilisent notre technologue. Au final, les taux d’acceptation ne sont pas mauvais.
Sur cette base technique nous connectons une solution de CMP. Tant que le publisher n’obtient pas de consentement, le bandeau reste affiché. L’outil permet à l’éditeur également d’enregistrer toutes ses données de consentement.
Vous avez donc opéré un virage vers les CMP…
Oui, tout à fait. C’est arrivé assez rapidement, car cela correspond à la philosophie de Sourcepoint de fournir des services aux éditeurs pour faciliter la monétisation de leurs contenus. Le marché est en demande de ce type de solution. Notre CMP permet de personnaliser le message du bandeau de demande de consentement. L’idée est d’offrir le choix et la transparence à l’utilisateur.
Êtes-vous force de proposition sur la manière de dialoguer avec les lecteurs ?
Nous pouvons conseiller les éditeurs. Notre outil dispose d’une couche d’AB testing afin que l’efficacité de chaque message soit évaluée, un peu comme une campagne publicitaire. Certains messages performent mieux que d’autres en effet. Il faut aussi que le message s’intègre bien dans le contenu de la page.
Cela signifie-t-il que l’éditeur ne doit pas imposer de bloquer l’expérience ?
Notre métier est d’amener une solution qui permette à l’éditeur de gérer les consentements. Après, libre à lui de prendre des risques ou pas. Certaines règles sont très claires, d’autres le sont moins. L’interprétation du RGPD est suffisamment floue pour que les gens se trompent en toute honnêteté.
L’interprétation du RGPD est suffisamment floue pour que les gens se trompent en toute honnêteté.
Le règlement ePrivacy pourra-t-il avoir un impact sur votre activité s’il était adopté ?
À part des rumeurs, on ne sait pas grande chose de ce qui sera mis en place. Quoi qu’il arrive, le consentement sera toujours nécessaire, même dans des environnements logués. Nous gérons des consentements collectés dans des environnements logins et non-logins.
De plus, au-delà du web, d’autres environnements exigent des couches techniques bien plus complexes, comme l’in-app ou l’OTT. Il faudra toujours des ressources pour développer des solutions.
Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre